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SUIVI DE LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE EUROPÉENNE

SUR LES DROITS DE L'HOMME

(ROME, 3-4 NOVEMBRE 2000)


par

Alfonso de Salas*

Chef de la Division de la coopération intergouvernementale

Direction générale II - Droits de l'Homme, Conseil de l'Europe

 

 

Résumé : En coopération avec les Autorités italiennes, le Conseil de l’Europe a organisé une Conférence ministérielle européenne sur les droits de l’homme (Rome, 3-4 novembre 2000) pour marquer le Cinquantenaire de la Convention européenne des droits de l’homme. La Conférence a été l’occasion de faire un bilan et de renforcer la coopération intergouvernementale en Europe dans le domaine des droits de l’homme.

 

Abstract : In co-operation with the Italian Authorities, the Council of Europe organised an European Ministerial Conference on Human Rights (Rome, 3-4 November 2000) to mark the 50th Anniversary of the European Convention of Human Rights. The Conference has been the occasion to take stock of the situation and to strengthen the intergovernmental co-operation in Europe in the field of Human Rights.

 

Note : Les opinions émises dans cet article n'engagent que son auteur.
Impression et citations :
Seule la version au format PDF fait référence.


 

1. A l’occasion du 50e anniversaire de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, ouverte à la signature à Rome le 4 novembre 1950, une Conférence ministérielle européenne sur les droits de l’homme s'est réunie à Rome les 3-4 novembre 2000[1].

 

2. Organisée sous l'égide du Conseil de l'Europe[2] en coopération avec les autorités italiennes, cette Conférence a certes salué les avancées impressionnantes opérées en l'espace d'un demi-siècle, mais elle s'est gardée de verser dans l'autosatisfaction. Elle a appelé les Etats membres du Conseil de l'Europe à donner une nouvelle impulsion à leur engagement de protéger effectivement les droits de l’homme tant dans leur ordre juridique national qu’au niveau européen, en soulignant que le respect d'un tel engagement est essentiel pour la sécurité et le bien-être des individus et pour la stabilité du continent.

 

* * *

 

3. Cet article évoque dans ses grandes lignes les textes politiques adoptés à cette occasion et les premières suites qui y ont été données. En effet, la Déclaration et les deux Résolutions adoptées par la Conférence constituent un véritable programme pour la coopération intergouvernementale au sein du Conseil de l'Europe, à mettre en oeuvre au cours des prochaines années.

 

 

Déclaration :

 

"La Convention européenne des droits de l'homme a cinquante ans : Quel avenir pour la protection des droits de l'homme en Europe ?"

 

 

Un bilan globalement positif

 

4. Un hommage a été rendu à juste titre aux progrès réels accomplis en matière de protection des droits de l’homme au cours des cinquante dernières années en Europe. Notre continent, qui a connu pendant la première moitié du XXème siècle les violations des droits de l'homme peut-être les plus massives de l'histoire, est aujourd'hui un exemple pour d'autres régions du monde.

 

5. En effet, l’immense majorité des Etats européens a pris, dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme, des mesures propres à assurer la garantie collective d'un certain nombre de droits fondamentaux. Ils se sont engagés en particulier à reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans la Convention et à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des Droits de l'Homme dans les litiges auxquels ils sont parties.

 

6. La Conférence a souligné l'impact de la Convention et de la jurisprudence de la Cour sur l’ensemble des Etats Parties, leur effet unificateur en Europe et les progrès significatifs qui ont été ainsi opérés dans notre continent et notamment, à travers l’élargissement du Conseil de l’Europe après 1989, dans les nouveaux Etats membres.

 

7. De même, elle a signalé que le développement de la protection juridique des droits de l’homme dans le cadre du Conseil de l’Europe est une contribution majeure à la réalisation concrète des buts énoncés dans la Charte des Nations Unies, ainsi que des droits civils et politiques figurant dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Dans sa Déclaration, la Conférence a également réaffirmé le rôle central que la Convention, avec son système unique de contrôle, doit continuer à jouer en tant qu’instrument constitutionnel de l’ordre public européen dont dépend la stabilité démocratique du continent. Cela étant, elle a tenu à saluer l'intérêt croissant porté par l’Union européenne aux droits de l’homme, qui s’est exprimé récemment par l’élaboration d’une Charte des droits fondamentaux[3].

 

9. Enfin, la Déclaration a mis en exergue la contribution importante en matière de protection, promotion et sensibilisation aux droits de l'homme, notamment auprès de la société civile, fournie par les Ombudsmen, les institutions nationales des droits de l’homme et les ONG.

 

 

Des ombres au tableau

 

10. En dépit des progrès accomplis, des situations de conflit ou de crise aboutissant à des violations graves et massives des droits de l'homme les plus fondamentaux sont à déplorer dans certaines régions d'Europe, dans un passé récent ou même aujourd'hui. La Déclaration a appelé les Etats concernés à y mettre fin immédiatement et a invité le Conseil de l'Europe a renforcer son rôle pour prévenir et répondre de manière rapide et efficace à de telles situations. La Déclaration a lancé un appel pressant aux Etats membres pour qu'ils assument pleinement la responsabilité qui leur incombe en premier lieu de s'assurer du respect des droits de l'homme, en veillant continuellement à ce que leur législation et leur pratique soient conformes à la Convention et à exécuter les arrêts de la Cour.

 

11. D'autres ombres au tableau relevées dans la Déclaration portent sur les difficultés que la Cour européenne des Droits de l'Homme connaît aujourd'hui en raison du nombre croissant de requêtes, au risque de mettre en péril sa viabilité même. La Déclaration a demandé au Conseil de l'Europe de prendre les mesures qui s'imposent à court et à moyen terme.

 

12. Ces aspects essentiels (responsabilité première des Etats, nécessité d'aider la Cour à s'acquitter de ses fonctions) sont les principaux points développés par la Conférence dans sa Résolution n° I.

 

 

Résolution n° I :

 

Mise en œuvre institutionnelle et fonctionnelle de la protection des droits de l'homme aux niveaux national et européen

 

 

13. Il est reconnu que le mécanisme de contrôle institué par la Convention a un caractère subsidiaire, les droits qu'elle garantit devant être protégés pleinement tout d’abord par le droit interne et appliqués par les autorités nationales, notamment les organes juridictionnels. Il n'est pas inutile de rappeler que la qualité d’Etat membre du Conseil de l’Europe implique le respect des obligations découlant de la Convention et que, conformément à l’article 13 de celle-ci, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale[4].

 

14. Bien entendu, les efforts accomplis par les Etats membres pour donner plein effet à la Convention dans leur droit interne et pour se conformer aux arrêts de la Cour ont été relevés. En particulier, la Conférence s'est félicitée du fait que la Convention ait des effets directs dans l’ordre juridique interne de la presque totalité des Etats membres.

 

15. Elle a néanmoins identifié des domaines où la mise en œuvre de la Convention sur le plan interne doit encore être améliorée, par exemple en ce qui concerne la vérification systématique - à la lumière de la Convention - des projets de lois et règlements et des pratiques administratives, afin de s'assurer de leur compatibilité avec les standards fixés par celle-ci. De même, elle a encouragé les Etats Parties à la Convention à examiner régulièrement les réserves qu’ils y sont faites, en vue de leur retrait progressif ou de la limitation de leur champ d’application, tout comme à examiner leur position en vue de la ratification des protocoles à la Convention auxquels ils ne sont pas encore Parties.

 

16. La Conférence a demandé aux Etats membres de s'assurer que le texte de la Convention soit traduit et largement diffusé auprès des autorités nationales, notamment des organes juridictionnels, et que les développements jurisprudentiels de la Cour soient suffisamment accessibles dans la ou les langues du pays[5]. Par ailleurs, les Etats membres ont été appelés à introduire ou renforcer la formation aux droits de l’homme de l’ensemble des secteurs responsables de l’application des lois, notamment la police et le personnel pénitentiaire, en mettant l’accent sur la Convention et la jurisprudence de la Cour.

 

17. En effet, l’application des normes de la Convention sur le plan national implique un effort de sensibilisation et de formation. Le Conseil de l'Europe y contribue, en particulier par des programmes à l'intention des juges, des procureurs, des avocats et des fonctionnaires de police (ces derniers, dans le cadre du Programme Police et Droits de l’Homme).

 

 

Améliorer l'efficacité des mécanismes de protection des droits de l’homme au niveau européen

 

18. Renforcer davantage les mécanismes qui, au sein du Conseil de l'Europe, s’occupent des droits de l'homme a constitué un autre grand souci exprimé par la Conférence, qui s'est surtout concentrée sur le mécanisme de contrôle institué par la Convention. Tout en saluant le travail exceptionnel accompli notamment par la Cour et par l’ancienne Commission européenne des Droits de l’Homme, la Conférence a estimé indispensable d'identifier un certain nombre de mesures pour assister la Cour actuelle dans l’accomplissement de ses fonctions.

 

19. La Cour s'est donné comme objectif en matière d'efficacité de répondre dans un délai raisonnable à toutes les personnes qui s’adressent à elle. Au vu de l'augmentation vertigineuse du nombre de nouvelles requêtes enregistrées, sa capacité de traitement des affaires au stade précédant la recevabilité est devenue son principal souci, au point que de nouvelles mesures devront être prises pour augmenter le rendement[6] et/ou réduire l’afflux d’affaires.

 

20. Un autre objectif pour la Cour est de rendre des arrêts de qualité dans les affaires qui soulèvent réellement des questions de droits de l’homme. Les statistiques montrent que la plupart des requêtes enregistrées sont déclarées irrecevables (environ 84 %) et que, parmi celles déférées à la Cour, un nombre très important porte sur des affaires quasiment identiques (affaires dites « clones »), concernant notamment l'exercice des droits de la procédure (article 6 de la Convention - droit à un procès équitable)[7]. Il semble possible pour la Cour d'augmenter la cadence de ses arrêts concernant de telles affaires. En revanche, s'agissant d'affaires qui soulèvent des questions nouvelles, il y a une limite au nombre d’arrêts de ce type que la Cour peut rendre chaque année.

 

21. Suite à la Conférence, une réflexion à ce sujet a été entamée au sein du Conseil de l'Europe. Un Groupe d’évaluation[8] a été chargé d’étudier les moyens possibles de garantir l’efficacité de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Le Groupe est guidé par deux positions de principe, à savoir, (i) la réforme ne doit pas entraîner une réduction des droits garantis par la Convention (tout particulièrement, le droit des individus de demander réparation devant la Cour doit être préservé, ce droit étant le trait distinctif et la réalisation unique du système de la Convention[9]) ; (ii) toute proposition devra concilier délai raisonnable de traitement des affaires et maintien de la qualité des arrêts et de la jurisprudence.

 

22. En lien étroit avec lui, une instance intergouvernementale a également été créée suite à la Conférence : le Groupe de réflexion sur le renforcement du mécanisme de protection des droits de l’homme (CDDH-GDR)[10]. Sans limiter son travail à l’examen de propositions visant à accroître la quantité de décisions et d’arrêts rendus par la Cour (output), ce groupe a également abordé des propositions tendant à réduire le nombre d’affaires à traiter par la Cour (input), à l’exception de celles qui, se situant uniquement sur un plan national, visent à réduire le besoin des particuliers de se retourner vers la Cour (le travail du Groupe s'est ainsi concentré sur le mécanisme de contrôle de Strasbourg). En particulier, il a abordé la question de l'élévation du seuil de recevabilité, tout en estimant que cette question relève essentiellement de la compétence de la Cour. Par ailleurs, le Groupe s'est montré ouvert quant au choix de procéder à une réforme du système de contrôle par petites touches, ou au contraire dans le cadre d'une réforme globale. En tout cas, il a estimé qu'il faut plus qu'une série de réformes mineures si l'on veut résoudre les problèmes auxquels la Cour est confrontée aujourd'hui.

 

Améliorer la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour

 

23. La Conférence a également souligné la nécessité d’améliorer la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, ce qui contribue à éviter de nouvelles violations. Cette surveillance est confiée par la Convention au Comité des Ministres (article 46 § 2 / ancien art. 54). Dans le cadre de cette fonction, le Comité des Ministres s’assure que les Etats défendeurs respectent leur obligation de se conformer aux arrêts (article 46 § 1 / ancien art. 53). Il ne fait pas de doute que la question est d'importance capitale pour l'efficacité et la crédibilité de l'ensemble du système de contrôle prévu par la Convention.

 

24. Il n'est pas inutile d'évoquer le rôle joué par le Comité des Ministres dans ce contexte, rôle qui est peut-être moins connu que celui de la Cour.

 

25. Le Comité des Ministres s’assure que la satisfaction équitable, telle qu’établie dans les arrêts de la Cour, est payée aux requérants et veille à ce que des mesures soient prises, en faveur des requérants, de nature à rétablir, autant que faire se peut, la situation existante avant le constat de violation (ces mesures peuvent, par exemple, consister en l’octroi de permis de séjour, la réouverture d’une procédure pénale et/ou la radiation d’une peine du casier judiciaire).

 

26. Il vérifie également que les Etats adoptent des mesures de caractère général afin d’éviter de nouvelles violations semblables à celles déjà constatées dans les arrêts de la Cour.

 

27. Lorsqu’il estime avoir rempli ses fonctions en vertu de l’article 46, § 2, de la Convention (ou des anciens articles 54 et 32 de la Convention), le Comité des Ministres adopte une résolution dans laquelle il prend note de l’ensemble des mesures prises par l’Etat défendeur[11].

 

28. Le Comité des Ministres peut également être amené à adopter, en cours d’examen des affaires, des résolutions intérimaires faisant état de mesures d’exécutions provisoires prises et des projets de réformes envisagées afin de remédier aux violations constatées[12].

 

29. Enfin, le Comité des Ministres peut être contraint à adopter des résolutions intérimaires destinées à faire pression sur l'Etat défendeur. Ainsi, en 2000, il en a adopté une par laquelle il a sommé un Etat de se conformer pleinement et sans délai supplémentaire à l’arrêt en payant à la requérante la satisfaction équitable accordée[13], et une autre par laquelle il a demandé à un autre Etat de faire de rapides et visibles progrès dans la mise en œuvre de mesures générales afin de se conformer à certains arrêts[14].

 

30. Les moyens dont dispose le Comité s'avèrent parfois insuffisants. La Conférence ministérielle l'a encouragé à examiner d'autres mesures à prendre en cas de lenteur ou de négligence dans la mise en œuvre d’un arrêt de la Cour, ou en cas de non-exécution de celui-ci. L'examen de cette question a lieu à l'heure actuelle au sein du Comité d'experts du CDDH pour l’amélioration des procédures de protection des droits de l’homme (DH-PR). Il tient compte en particulier des propositions formulées par l’Assemblée parlementaire dans sa Recommandation 1477 (2000) relative à l’exécution des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

 

31. Par ailleurs, la Conférence a évoqué la question du réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau national suite à des arrêts de la Cour. Elle s'est félicitée de l’adoption par le Comité des Ministres en 2000 d'une recommandation à ce sujet à l'intention des gouvernements des Etats membres[15]. A l'heure actuelle, le Comité DH-PR examine le degré de mise en oeuvre de cet instrument dans les divers Etats membres.

 

* * *

 

32. En dehors des améliorations à apporter au système en place, la Conférence ministérielle a débattu d'autres aspects d'actualité en Europe concernant le respect des droits de l’homme. Tout en soulignant que la promotion des droits de l’homme et le renforcement de la démocratie pluraliste sont autant de contributions à la stabilité en Europe, elle a manifesté sa préoccupation face aux situations de conflit ou de crise qui ont posé récemment, et continuent de poser dans certaines régions de notre continent, des questions fondamentales quant au respect des droits de l'homme. Par la même occasion, elle a relevé des insuffisances notoires dans la réponse des institutions européennes face à de telles situations.

 

 

Résolution n° II :

 

Le respect des droits de l'homme, facteur-clé de stabilité démocratique et de cohésion en Europe : questions d'actualité

 

 

33. La Conférence a ainsi constaté que, bien que le Conseil de l’Europe ait pour vocation première la défense des droits de l’homme et que sa composition soit paneuropéenne, les potentialités de cette Organisation sont insuffisamment exploitées pour mettre fin aux cas de violations graves et massives des droits de l'homme et de prévenir de telles violations.

 

34. En conséquence, elle a demandé aux instances de cette Organisation d'assumer pleinement leurs responsabilités respectives conformément à leur mandat, afin qu’elles puissent répondre de manière rapide et efficace à de telles situations ou prendre des mesures afin de les prévenir.

 

35. Cette demande concerne au premier chef le Comité des Ministres et l’Assemblée Parlementaire (chacun ayant son propre rôle politique à jouer lorsque de telles violations se produisent sur le territoire d’un Etat membre), mais elle s'adresse aussi au Secrétaire Général[16] et au Commissaire aux Droits de l’Homme[17], ainsi qu'aux responsables des autres instances et mécanismes du Conseil de l’Europe, parmi lesquels la Conférence a mis en exergue le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)[18].

 

36. Le Conseil de l’Europe a été également appelé à développer un plus large éventail de réponses face aux cas de non-respect par les Etats membres des normes du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme.

 

37. La Conférence a considéré souhaitable que le Comité des Ministres entame un processus de réflexion sur la protection des droits de l’homme pendant les conflits armés, ainsi que dans les cas de troubles et tensions internes, y compris ceux résultant d’actes terroristes, en vue d’évaluer la situation juridique actuelle, d’identifier d’éventuelles lacunes d’ordre normatif dans la protection de l’individu et de faire des propositions pour les combler. Cette réflexion est menée au sein du Comité d'experts du CDDH pour le développement des droits de l'homme (DH-DEV).

 

38. Plusieurs Etats membres n’ayant pas encore procédé à l’abolition de la peine de mort et à la ratification du Protocole No. 6 à la Convention, la Conférence leur a adressé un message pressant pour qu'ils le ratifient dans les plus brefs délais et, dans l’intervalle, respectent strictement les moratoires concernant les exécutions et s’abstiennent d’extrader ou d’expulser des individus vers des pays où ils courent un risque réel d’être condamnés à mort ou exécutés. En outre, elle a invité les Etats membres qui connaissent encore la peine de mort pour les actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre à envisager de l’abolir.

 

39. L'Europe est également confrontée à des différentes menaces aux principes d’égalité et de non-discrimination, telles que le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance. En particulier, la Conférence a déploré les cas récurrents de discriminations à l’encontre des migrants, des réfugiés, des apatrides et des demandeurs d’asile en raison de leur origine nationale, ethnique ou culturelle, de leur langue ou de leur religion, qu’ils appartiennent ou non à une minorité nationale, et se référant en particulier à la situation des Roms/Tsiganes et a exprimé également son inquiétude face à la persistance des inégalités qui affectent les femmes et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.

 

40. Soulignant l'adoption par le Comité des Ministres du Protocole No. 12 à la Convention, qui introduit une interdiction générale de la discrimination, elle a invité les Etats Parties à la Convention à envisager la signature de cet instrument et à entamer le processus de ratification, en vue d’une entrée en vigueur rapide du Protocole[19]. De même, elle a invité les Etats concernés à examiner ou à réexaminer la possibilité de devenir Partie à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1995) et les Etats Parties à coopérer pleinement avec le mécanisme de suivi mis en place par cette Convention. Mais il est clair que des mesures supplémentaires de caractère juridique, politique ou autre doivent être prises au niveau national interdisant l’incitation à la haine et la discrimination. La Conférence a invité les Etats membres à prendre de telles mesures, en particulier s'agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes[20] et la lutte contre le racisme, l'intolérance, la xénophobie et l'antisémitisme[21].

 

41. Les développements technologiques ont une dimension droits de l’homme qui a également été évoquée par la Conférence : s'ils peuvent contribuer au progrès de l'humanité, ils peuvent aussi donner lieu à des abus menaçant la dignité humaine. Il importe donc de leur donner un cadre juridique, y compris au niveau européen. A cet égard, la Conférence s'est notamment référée à la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (1997) et son protocole additionnel portant interdiction du clonage d’êtres humains (1998), et a encouragé les Etats membres qui n’ont pas encore signé et ratifié ces instruments à envisager de le faire. De même, elle a appuyé l’action du Conseil de l’Europe visant à prévoir une protection supplémentaire dans des domaines tels que la transplantation d’organes, la recherche biomédicale, la génétique humaine et la protection de l’embryon et du foetus humains.

 

42. La Conférence a en outre encouragé le Conseil de l’Europe à étudier des mesures appropriées pour s’assurer que d’autres développements technologiques (dans des domaines tels que l’environnement et les biotechnologies appliquées à des produits destinés à la consommation humaine) respectent la qualité de vie et les exigences des droits de l’homme ; à protéger la confidentialité des communications privées, y compris celles effectuées sur Internet ; à poursuivre ses travaux visant à contrecarrer des activités qui menacent les droits de l’homme sur Internet (telles que, notamment, des activités liées à la pédopornographie, à la traite des femmes, au racisme et aux mouvements extrémistes).

 

43. Dans un autre ordre d'idées, la Conférence a appuyé les travaux importants menés par le Conseil de l'Europe visant à sauvegarder et à promouvoir la liberté d'expression et d'information dans les Etats membres et à travers les frontières. En effet, cette liberté, telle que garantie par l’article 10 de la Convention et la jurisprudence de la Cour y afférente, a une importance fondamentale au regard des objectifs de démocratie pluraliste et de protection des droits de l'homme qui sont au cœur de l'action du Conseil de l'Europe. Cette action est d'autant plus nécessaire dans les situations de crise ou de conflit, pendant lesquelles la liberté d'expression et la liberté des médias sont souvent parmi les premières mises en cause.

 

44. Enfin, les caractéristiques d'une administration ouverte et transparente - et donc responsable publiquement - et d'un droit général d'accès du public aux informations officielles ont été évoquées, en tant qu'exigences posées par une société démocratique pluraliste et par le principe de la bonne gouvernance. Dans ce contexte, la Conférence a salué les travaux d’élaboration, au sein du Conseil de l’Europe, d'un certain nombre de principes qui pourraient constituer un socle minimum en matière d’accès aux informations officielles, en tenant compte du nouvel environnement créé par la technologie de l’information et de la communication. En mars 2001, le Groupe de spécialistes institué par le CDDH dans ce but a poursuivi ces travaux sous la forme d'un projet de recommandation du Comité des Ministres assorti d'un exposé des motifs.


 

Septembre 2001

 

* * *

 

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© 2001 Alfonso de Salas. Tous droits réservés.

DE SALAS A. - "Suivi de la Conférence ministérielle européenne sur les droits de l'homme (Rome, 3-4 novembre 2000)". – Actualité et Droit International, septembre 2001 (www.ridi.org/adi).

 

 


NOTES

 

* Chef de la Division de la coopération intergouvernementale des droits de l'homme, Direction Générale II – Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, Strasbourg. Les opinions exprimées dans le présent article n’engagent que l’auteur.

[1] Les actes de la Conférence seront publiés par le Conseil de l'Europe (Direction Générale II - Droits de l'Homme) fin 2001.

[2] Quarante-trois Etats composent le Conseil de l'Europe en date du 1er juillet 2001: Albanie, Andorre, Arménie, Azerbaïdjan, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République Tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldova, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, "ex-République yougoslave de Macédoine", Turquie, Ukraine et Royaume-Uni. Au moment de la Conférence, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ne faisaient pas encore partie de l'Organisation, mais ont envoyé une Délégation. D'autres Etats non membres, certains ayant le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe, ont envoyé également des Délégations à la Conférence (Saint-Siège, Etats-Unis d'Amérique, Canada, Japon, Mexique, Bosnie et Herzégovine, Monaco, République fédérale de Yougoslavie).

[3] Au regard de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Conférence a souligné la nécessité de trouver des moyens permettant d’éviter une situation dans laquelle deux systèmes de protection des droits de l’homme se feraient concurrence et pourraient même être en conflit, risquant ainsi d’affaiblir la protection globale des droits de l’homme en Europe.

Par ailleurs, le Conseil de l'Europe est en train d'examiner les questions juridiques et techniques qu'il devrait traiter dans le cas d’une éventuelle adhésion des Communautés européennes / de l’Union européenne à la Convention, ainsi que des autres moyens pour éviter des contradictions entre le système juridique des Communautés européennes / de l’Union européenne et celui de la Convention européenne des droits de l'homme.

[4] A cet égard, le Comité d'experts pour l'amélioration des procédures de protection des droits de l'homme (DH-PR) a entamé des travaux visant à aider les Etats membres à améliorer la mise en œuvre de la Convention dans leur droit et leur pratique internes.

[5] Le Conseil de l'Europe contribue à cette diffusion grâce à sa base de données HUDOC (http://hudoc.echr.coe.int/hudoc/), ainsi que par son soutien, y compris financier, à la traduction d’arrêts clés dans certains pays.

[6] Il est à souligner le rôle crucial joué par l’informatisation dans la gestion du travail de la Cour (gestion des affaires et diffusion de la jurisprudence). Par ailleurs, diverses mesures ont été prises pour rationaliser le traitement des dossiers au stade des dossiers provisoires, ainsi que durant la phase post-enregistrement ; par exemple, le traitement différencié pour différentes catégories d'affaires, en particulier, le rejet des demandes irrecevables par un Comité sauf s’il y a une raison particulière de les transmettre à une Chambre.

[7] Le droit à un procès équitable est certainement capital dans une société démocratique mais, compte tenu du nombre extraordinairement important de requêtes individuelles qu'il suscite (avec pour conséquence des goulots d'étranglement dans l'activité de la Cour), il y a lieu de se demander s'il n'y aurait pas d'autres moyens pour obtenir que les Etats concernés s'alignent définitivement, en matière d'administration de la justice, sur les standards de l'article 6, sans encombrer inutilement la Cour de Strasbourg. Ces affaires reflètent non seulement un manque d’efficacité de la part des autorités des Etats concernés, mais aussi de la part du Comité des Ministres dans le contrôle qu'il exerce de l’exécution de ces arrêts, dans la mesure où l'exécution des arrêts précédents dans des affaires similaires n’a pas apporté de solution au problème structurel sous-jacent.

[8] Composé d'un représentant du Comité des Ministres, du Président de la Cour européenne des Droits de l'Homme et du Secrétaire Général adjoint du Conseil de l'Europe.

[9] Cela apporte une réponse aux questions concernant notamment la philosophie du rôle de la Cour : justice constitutionnelle ou justice individuelle.

[10] Il s'est réuni à trois reprises (27 février - 2 mars 2001, 23-25 avril 2001, 5-8 juin 2001).

[11] En 2000, le Comité des Ministres a ainsi adopté 122 résolutions de ce type.

[12] En 2000, il a adopté trois résolutions de ce type.

[13] Résolution intérimaire DH (2000) 105 du 28 juillet 2001 relative à l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Loizidou contre la Turquie.

[14] Résolution intérimaire DH (2000) 135 - " Durée excessive des procédures judiciaires en Italie : mesures de caractère général".

[15] Recommandation N° R (2000) 2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau national suite à des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme, adoptée le 19 janvier 2000.

[16] En vertu de l'article 52 de la Convention, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe peut notamment demander à toute Haute Partie contractante de fournir des explications sur la manière dont son droit interne assure l’application effective de toutes les dispositions de la Convention.

[17] Le Commissaire aux Droits de l’Homme a un rôle préventif qu’il peut exercer à l’égard des situations de crise ou de conflit pouvant entraîner des violations graves et massives des droits de l’homme.

[18] Ces instances et mécanismes, y compris les mécanismes de suivi du respect des engagements souscrits par les Etats membres, peuvent en effet jouer un rôle pour prévenir de telles situations, chacun dans la sphère de compétences et avec les moyens d’action qui lui sont propres.

[19] La République de Géorgie a été le premier Etat membre à ratifier le Protocole No 12 (15 juin 2001). Neuf autres ratifications sont nécessaires pour son entrée en vigueur, qu'on espère en 2003 au plus tard. En date du 1er juillet 2001, 26 autres Etats avaient déjà signé cet instrument.

[20]  A ce sujet, la Conférence a demandé aux Etats membres une coopération renforcée au sein du Conseil de l'Europe dans trois directions principales : promouvoir la participation accrue des femmes dans la prise des décisions et la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans tous les secteurs de la société ; combattre toute forme de violence à l’égard des femmes et en particulier la traite des femmes et des jeunes filles ; envisager de nouvelles initiatives pour éliminer les inégalités entre les femmes et les hommes.

[21] A ce sujet, la Conférence a invité les Etats membres à mettre en oeuvre les recommandations formulées par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).

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