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  L’AFFAIRE 
DE L’USINE MOX (IRLANDE C. ROYAUME-UNI)  
DEVANT LE TRIBUNAL INTERNATIONAL DU DROIT DE LA MER :  
QUELLES MESURES CONSERVATOIRES POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ? 
  
par 
Christophe Nouzha 
Doctorant à l’Université Robert Schuman de 
Strasbourg 
  
  
  
  
    
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 Résumé : 
Dans l’affaire de l’Usine Mox (Irlande c. Royaume-Uni), l’Irlande 
demandait au Tribunal international du droit de la mer la prescription de 
mesures conservatoires en se fondant sur l’article 290-5 de la Convention sur le 
droit de la mer de 1982 en attendant la constitution d’un tribunal arbitral. 
Cette affaire a été l’occasion pour le Tribunal de se pencher sur d’importantes 
questions concernant, d’une part, les conditions de la prescription des mesures 
conservatoires et, d’autre part, certains principes fondamentaux pour la 
protection de l’environnement. 
Abstract : 
In the Mox Plant Case (Ireland v. United Kingdom) the International 
Tribunal for the Law of the Sea was requested by Ireland to deliver an order 
prescribing provisional measures under article 290-5 of the 1982 Law of the Sea 
Convention pending the constitution of an arbitral tribunal. This case gave the 
ITLOS an opportunity to examine important questions relating to the conditions 
governing the prescription of provisional measures and to some fundamental 
principles for the protection of the environment. 
Impression
        et citations : Seule la version
        au format PDF fait référence.  | 
     
   
  
 
    
Le complexe de Sellafield 
est, de longue date, une source de tensions entre l’Irlande et le Royaume-Uni. 
Situées au nord-ouest de l’Angleterre, sur les rivages de la mer d’Irlande et à 
135 kilomètres des côtes irlandaises, ces installations destinées au 
retraitement des combustibles nucléaires usés ont été complétées dans les années 
1990 par la construction d’une usine de production de combustible pour réacteurs 
nucléaires associant de l’oxyde de plutonium et de l’oxyde d’uranium, mélange 
appelé MOX. L’annonce, le 3 octobre 2001, de la mise en service imminente de 
l’usine MOX, fixée au 20 décembre 2001, a été immédiatement accueillie par des 
protestations de l’Irlande contre ce qu’elle considère comme une violation des 
obligations qui s’imposent au Royaume-Uni en vertu de la Convention sur le droit 
de la mer de 1982 (ci-après "la Convention"). 
L’Irlande estime que le fonctionnement de l’usine conduirait à une augmentation 
de la pollution radiologique de l’environnement marin aux conséquences 
dramatiques. A cela s’ajouteraient les risques de pollution liés à 
l’augmentation, induite par le développement des activités de l’usine, des 
transports maritimes de matières nucléaires à destination ou au départ du 
complexe de Sellafield. Quelques jours après la déclaration britannique, le 
gouvernement irlandais rendait publique son intention de saisir une juridiction 
internationale du différend l’opposant au Royaume-Uni, comme l’y autorise la 
Convention. Celle-ci prévoit en effet qu’un différend portant sur 
l’interprétation ou l’application de ses dispositions peut être, sous certaines 
réserves, soumis unilatéralement à l’une des juridictions énumérées à l’article 
287. Ce dernier permet aux Etats parties de choisir, par le biais d’une 
déclaration préalable, entre quatre juridictions pour régler leurs différends : 
le Tribunal international du droit de la mer (TIDM), la Cour internationale de 
Justice, un tribunal arbitral constitué en vertu de l’annexe VII de la 
Convention ou, dans des cas spécifiques, un tribunal arbitral spécial constitué 
en vertu de l’annexe VIII de la Convention. Le Royaume-Uni a choisi la Cour 
internationale de Justice par sa déclaration du 12 janvier 1998. L’Irlande, 
quant à elle, n’a pas effectué de choix, ce qui est assimilé par la Convention 
au choix d’un tribunal arbitral constitué en vertu de l’annexe VII. Les choix 
des deux Etats ne coïncidant pas, l’article 287-5 prévoit que le différend sera 
soumis à un tribunal arbitral constitué en vertu de l’annexe VII. Ce dernier 
comptait, au mois de novembre 2001, un arbitre désigné par l’Irlande (le 
Professeur J. Crawford) et un arbitre désigné par le Royaume-Uni (Sir A. Watts), 
les trois autres membres du tribunal n’ayant pas encore été choisis. Conscients 
des lenteurs de la mise en place d’une juridiction arbitrale, les négociateurs 
de la Convention ont prévu que le Tribunal international du droit de la mer peut 
être saisi, dans certaines circonstances, d’une demande de prescription de 
mesures conservatoires en attendant la constitution du tribunal arbitral 
(article 290-5). C’est sur ce fondement que, le 9 novembre 2001, l’Irlande a 
saisi le Tribunal d’un différend qui, à l’instar de l’affaire du Thon à 
nageoire bleue sur laquelle le Tribunal s’était prononcé en 1999, 
présente des enjeux environnementaux importants. Après avoir entendu les parties 
lors des audiences des 19 et 20 novembre, le Tribunal a rendu sa décision le 3 
décembre 2001. L’affaire de l’Usine MOX a été l’occasion pour le Tribunal 
de développer son approche des conditions requises pour la prescription des 
mesures conservatoires dans le cadre de l’article 290-5. Dans son ordonnance 
adoptée à l’unanimité, le Tribunal examine d’abord la compétence du tribunal 
arbitral appelé à se prononcer sur le différend, avant de se pencher sur la 
question de l’urgence qui conditionne la prescription des mesures 
conservatoires. 
  
  
I. - 
Le Tribunal procède à un examen prima facie de la compétence du tribunal 
arbitral saisi 
  
  
La première question qui se 
posait au Tribunal était de savoir s’il pouvait conclure prima facie à la 
compétence du tribunal arbitral constitué en vertu de l’annexe VII. Il s’agit là 
en effet de l’une des conditions posées par l’article 290-5 de la Convention sur 
le droit de la mer, procédure bien particulière puisqu’elle oblige la 
juridiction sollicitée pour la prescription des mesures conservatoires à se 
prononcer sur la compétence d’une autre juridiction. Cette autre juridiction 
pourra elle-même modifier, rapporter ou confirmer ces mesures avant de se 
prononcer sur sa propre compétence et sur la recevabilité de la demande puis 
d’examiner éventuellement le fond de l’affaire. Ainsi, aux termes de l’article 
290-5, le Tribunal « peut prescrire […] des mesures conservatoires […] s’il 
considère, prima facie, que le tribunal devant être constitué aurait 
compétence […] ». Pour cela, il lui appartenait, dans le cas présent, de se 
prononcer sur les objections fondées, d’une part, sur la compétence d’autres 
juridictions et, d’autre part, sur le non-respect de l’obligation de procéder à 
des échanges de vues. 
  
  
A. - Le Tribunal précise 
les conditions d’application de l’article 282 de la Convention 
  
  
L’affaire de l’Usine MOX 
soulève, une nouvelle fois, la question du recours à plusieurs juridictions pour 
le règlement de l’ensemble ou d’une partie d’un différend. 
L’Irlande avait en effet annoncé son intention de saisir trois juridictions 
internationales.  
  
Partie, tout comme le 
Royaume-Uni, à la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique 
du Nord-Est (dite Convention OSPAR), l’Irlande avait, dès le 15 juin 2001, mis 
en œuvre dans ce cadre la procédure de règlement des différends prévoyant la 
constitution d’un tribunal arbitral (ci-après tribunal OSPAR). 
Le litige portait sur l’application de l’article 9 de la Convention OSPAR 
concernant l’accès à l’information. L’Irlande estimait ainsi que le Royaume-Uni 
n’avait pas respecté les obligations qui lui incombaient. En vertu de l’article 
9, les autorités compétentes des Parties contractantes doivent, sous certaines 
réserves, mettre à disposition de toute personne physique ou morale qui en 
ferait la demande, les informations concernant l’état de la zone maritime 
concernée et les activités ou mesures les affectant ou susceptibles de les 
affecter. Le refus du Royaume-Uni d’accéder aux différentes demandes 
d’information de l’Irlande au sujet du fonctionnement et de la sécurité de 
l’usine MOX avait conduit le gouvernement irlandais à saisir un tribunal OSPAR 
de l’affaire. 
Par ailleurs, plusieurs griefs 
invoqués par l’Irlande à l’encontre de l’usine MOX pouvaient entrer dans le 
cadre du droit communautaire. L’Irlande reprochait notamment au Royaume-Uni de 
ne pas avoir effectué une étude adéquate de l’impact du fonctionnement de 
l’usine MOX sur l’environnement, en application de la directive du 27 juin 1985 
concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur 
l’environnement. 
Ceci a conduit des responsables irlandais à annoncer publiquement leur intention 
de saisir la Cour de justice des Communautés européennes de ce différend. 
Enfin, se plaçant cette fois 
dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer, l’Irlande a introduit, le 
25 octobre 2001, une procédure arbitrale devant un tribunal constitué en vertu 
de l’annexe VII de la Convention. A l’appui de sa demande, l’Irlande a invoqué 
plusieurs dispositions de la Convention que le Royaume-Uni n’aurait pas 
respectées. Il en va ainsi des articles concernant la prévention, la réduction 
et la maîtrise de la pollution, accidentelle ou intentionnelle, de la mer 
(articles 192 à 194, 207 et 211 à 213), comme de ceux relatifs à l’obligation de 
coopération entre les Etats pour la protection du milieu marin (articles 123 et 
197) ou encore de ceux portant sur l’obligation de procéder à une évaluation 
adéquate des effets potentiels d’une activité sur l’environnement marin (article 
206). 
A la suite de l’amorce de cette procédure arbitrale, et en attendant la 
constitution du tribunal arbitral, l’Irlande a saisi le Tribunal international 
du droit de la mer d’une demande en prescription de mesures conservatoires, 
comme le lui permet l’article 290-5 de la Convention. 
  
Après avoir vérifié que les deux 
Etats étaient bien parties à la Convention sur le droit de la mer, que le délai 
de deux semaines entre l’introduction de la procédure arbitrale et la saisine du 
Tribunal pour la prescription des mesures conservatoires avait bien été respecté 
et que l’Irlande avait fondé sa saisine du tribunal arbitral sur la Convention, 
le Tribunal devait déterminer tout d’abord si l’article 290 était applicable. 
L’article 286 dispose en effet qu’un différend ne peut être soumis à une cour ou 
un tribunal prévus par la Convention qu’à la condition qu’il n’ait pas été réglé 
par l’application des dispositions de la Partie XV - Section I (articles 279 à 
285) de la Convention. Cette condition d’application de l’article 290-5 avait 
déjà été invoquée devant le Tribunal dans les affaires du Thon à nageoire 
bleue. 
Mais à la différence de ces dernières affaires dans lesquelles l’attention ainsi 
que les critiques de la solution adoptée par le tribunal arbitral constitué en 
vertu de l’annexe VII s’étaient concentrées sur l’application de l’article 281, 
l’affaire de l’Usine MOX soulève cette fois-ci le problème de 
l’applicabilité de l’article 282. Ce dernier dispose en effet que « lorsque les 
Etats Parties qui sont parties à un différend relatif à l’interprétation ou à 
l’application de la Convention sont convenus, dans le cadre d’un accord général, 
régional ou bilatéral ou de toute autre manière, qu’un tel différend sera 
soumis, à la demande d’une des parties, à une procédure aboutissant à une 
décision obligatoire, cette procédure s’applique au lieu de celles prévues dans 
la présente partie, à moins que les parties en litige n’en conviennent 
autrement ». Il convenait donc de déterminer quels étaient les accords 
permettant d’invoquer l’article 282, c’est-à-dire d’exclure la compétence du 
tribunal arbitral en voie de constitution et, par conséquent, celle du Tribunal 
international du droit de la mer. 
  
Le Royaume-Uni a fondé une 
partie importante de son argumentation concernant la question de la compétence
prima facie du tribunal arbitral sur l’applicabilité de l’article 282. En 
effet, pour empêcher le Tribunal de prescrire les mesures conservatoires 
demandées par l’Irlande, le Royaume-Uni devait le convaincre que le tribunal 
arbitral constitué en vertu de l’annexe VII ne pouvait pas être compétent, étant 
donné que ce différend relevait d’autres juridictions dont la compétence avait 
été acceptée par l’Irlande puisqu’elle était partie aux traités qui les 
instituaient. Selon le Royaume-Uni, les questions relatives au défaut 
d’information, caractérisant l’essentiel du différend, allaient être soumises au 
tribunal OSPAR dont la constitution avait été demandée par l’Irlande. 
Par ailleurs, les autres allégations de l’Irlande, notamment celles selon 
lesquelles le Royaume-Uni n’aurait pas respecté son obligation de procéder de 
manière appropriée à une étude d’impact sur l’environnement avant d’autoriser la 
mise en service de l’usine MOX, concernaient une violation supposée du droit 
communautaire. Or, en vertu des articles 292 CE et 193 CEEA, ces questions ne 
pouvaient être soumises qu’à la Cour de justice des Communautés européennes. 
Finalement, l’argumentation du Royaume-Uni sur l’applicabilité de l’article 282 
revenait à faire le reproche à l’Irlande de se livrer à un véritable forum 
shopping, de choisir une juridiction particulière en fonction de ses chances 
d’obtenir satisfaction sur un point donné. 
  
L’Irlande n’a pas eu de mal à 
démontrer que les différends dont elle avait saisi ou envisageait de saisir ces 
trois juridictions ne se recouvraient pas. Chacune des demandes portait sur un 
point précis, à savoir l’accès à l’information dans le cadre OSPAR et la 
réalisation d’une étude d’impact adéquate conformément au droit communautaire. 
La demande dont était saisi le tribunal arbitral constitué en vertu de l’annexe 
VII portait quant à elle sur des griefs que ni le tribunal arbitral OSPAR, ni la 
Cour de justice des Communautés européennes n’auraient pu trancher étant donné 
qu’ils concernaient l’application et l’interprétation de la Convention sur le 
droit de la mer. 
Par ailleurs, mis à part les hypothèses de demandes strictement identiques, 
l’Irlande faisait valoir qu’un Etat est toujours libre d’invoquer des droits 
qu’il tire des instruments dont il est partie. 
  
A une époque qui voit se 
multiplier les conventions portant en partie ou en totalité sur les mêmes 
domaines, l’éclaircissement des conditions d’application de l’article 282 revêt 
une importance déterminante pour l’avenir du système de règlement des différends 
prévu par la Convention sur le droit de la mer. Dans ce contexte, la question 
qui se pose est celle de savoir si un différend relevant non seulement de la 
Convention sur le droit de la mer, mais également d’autres conventions peut être 
soumis cumulativement aux procédures juridictionnelles prévues par chacune de 
ces conventions ou bien si, dans un tel cas, l’article 282 fait écran. Plusieurs 
hypothèses sont alors envisageables. Ainsi, une première interprétation de 
l’article 282 permettrait de défendre l’idée que dans le cas d’un chevauchement 
des obligations matérielles découlant de la Convention sur le droit de la mer et 
d’un accord général, régional ou bilatéral prévoyant une procédure obligatoire 
de règlement des différends aboutissant à une décision obligatoire, cette 
dernière prévaudrait sur la procédure de règlement des différends prévue par la 
Convention si et seulement si les différends étaient identiques. 
Ceci n’est visiblement pas le cas dans l’affaire de l’Usine MOX, puisque 
ni les droits et obligations découlant de la Convention OSPAR et de la 
Convention sur le droit de la mer, ni les griefs de l’Irlande à l’encontre du 
Royaume-Uni n’apparaissent comme étant identiques. Une autre interprétation, 
plus restrictive, de l’article 282 conduirait à considérer qu’en présence d’une 
demande fondée sur des droits et obligations similaires ou identiques contenus à 
la fois dans la Convention sur le droit de la mer et dans d’autres accords 
généraux, régionaux ou bilatéraux, l’article 282 serait inapplicable parce que 
ces instruments internationaux auraient une existence propre et séparée. 
Ceci signifierait que le terme « accord » utilisé à l’article 282 ne 
recouvrirait pas les accords qui prévoient une procédure obligatoire de 
règlement des différends aboutissant à une décision obligatoire, dès lors 
qu’elle porterait uniquement sur les dispositions de cet accord et non sur 
celles de la Convention sur le droit de la mer, quand bien même les droits et 
obligations objets du litige seraient similaires ou identiques. 
Il s’agirait là d’une interprétation qui réduirait de manière significative les 
cas d’application de l’article 282, 
mais qui, d’après ses défenseurs, serait fidèle à la lettre et à l’objectif de 
cet article ainsi que de la Partie XV de la Convention. 
  
Le Tribunal a choisi cette 
dernière interprétation. Il a en effet logiquement considéré que les accords 
mentionnés à l’article 282 devaient être des accords portant sur 
l’interprétation ou l’application de la Convention sur le droit de la mer 
elle-même, ce que ne sont ni la Convention OSPAR, ni les Traités CE ou EURATOM. 
De plus, quand bien même les accords en question contiendraient « des droits et 
obligations similaires ou identiques aux droits et obligations énoncés dans la 
Convention, les droits et obligations contenus dans lesdits accords [auraient] 
une existence propre, différente de celle des droits et obligations énoncés dans 
la Convention » et pourraient être interprétés de manière différente « compte 
tenu, notamment, des différences entre leurs contextes, objets et buts 
respectifs, de la pratique ultérieure des parties et des travaux préparatoires ». 
Il s’agit là d’une importante contribution à la clarification des conditions 
d’application de l’article 282. Le Tribunal prend ainsi partie pour une 
interprétation restrictive de cet article qui limite les cas dans lesquels un 
Etat pourrait s’en prévaloir avec quelque chance de succès, puisqu’il faudrait 
pour cela que les différends concernant l’interprétation ou l’application de la 
Convention sur le droit de la mer soient recouverts par la définition des 
différends visés par l’accord général, régional ou bilatéral. 
  
Par ce biais, le Tribunal 
renforce la présomption de compétence du tribunal arbitral constitué en vertu de 
l’annexe VII et, par la même occasion, sa propre compétence dans la cadre de 
l’article 290-5. 
  
  
B. - Le Tribunal adopte 
une position classique sur l’obligation de procéder à des échanges de vues 
  
  
L’article 282 n’est pas le seul 
moyen que peuvent invoquer les Etats pour contester la saisine de l’une des 
juridictions compétentes pour régler les différends entre les Parties à la 
Convention sur le droit de la mer. L’article 283-1 prévoit en effet une 
obligation de procéder « promptement à des échanges de vues concernant le 
règlement du différend par la négociation ou par d’autres moyens pacifiques ». 
Cet article laisse donc aux parties en litige le choix du moyen de règlement de 
celui-ci parmi la vaste panoplie que connaît le droit international. 
L’essentiel est bien qu’il y ait eu échanges de vues, formule propre à la 
Convention de 1982 et qui peut être assimilée à des consultations. 
  
Sur ce point, comme sur bien 
d’autres, l’argumentation des parties témoigne de désaccords profonds. L’Irlande 
considérait ainsi que les échanges de correspondances et les rencontres entre 
responsables irlandais et britanniques, initiés dès la fin de 1999 et qui 
s’étaient par la suite échelonnés tout au long de l’année 2001, se rattachaient 
à l’exigence de procéder à des échanges de vues. A ces occasions, l’Irlande 
avait demandé au Royaume-Uni des garanties concernant la suspension de la mise 
en service imminente de l’usine afin de permettre aux parties de régler le 
différend relatif au respect des obligations s’imposant au Royaume-Uni en vertu 
de la Convention sur le droit de la mer. Ce dernier n’ayant pas donné de 
réponses qui puissent satisfaire l’Irlande, celle-ci estimait que les échanges 
de vues avaient abouti à une impasse et que rien ne l’empêchait désormais de 
recourir au tribunal arbitral. 
Le Royaume-Uni, pour sa part, contestait l’existence même d’un échange de vues 
au sens de l’article 283. Il estimait en effet que les correspondances échangées 
avec l’Irlande n’exprimaient pas de manière suffisamment précise sa demande de 
procéder à un échange de vues afin de parvenir au règlement d’un différend 
qu’elle n’aurait, en outre, pas clairement rattaché à l’application de la 
Convention sur le droit de la mer. 
  
Au cœur du problème soumis au 
Tribunal se retrouvait donc la question de savoir à partir de quel moment 
l’obligation de procéder à des échanges de vues, préalable à tout recours au 
règlement juridictionnel prévu par la Convention, pouvait être considérée comme 
remplie. Cette question n’est pas nouvelle. Ainsi, la Cour permanente de Justice 
internationale a déjà eu l’occasion d’affirmer que « […] l’appréciation de 
l’importance et des chances de réussite d’une négociation diplomatique est 
essentiellement relative. Une négociation ne suppose pas toujours et 
nécessairement une série plus ou moins longue de notes et de dépêches ; ce peut 
être assez qu’une conversation ait été entamée ; cette conversation a pu être 
très courte : tel est le cas si elle a rencontré un point mort, si elle s’est 
heurtée finalement à un non possumus ou à un non volumus 
péremptoire de l’une des Parties et qu’ainsi il est apparu avec évidence que le 
différend n’est pas susceptible d’être réglé par la négociation diplomatique ». 
De même, la Cour internationale de Justice a estimé que « le fait que dans le 
passé les négociations collectives aient abouti à une impasse et le fait que les 
écritures et les plaidoiries des Parties dans la présente procédure aient 
clairement confirmé que cette impasse demeure obligent à conclure qu’il n’est 
pas raisonnablement permis de penser que de nouvelles négociations puissent 
aboutir à un règlement ». 
Il faut que la négociation entre les parties « ait un sens, ce qui n’est pas le 
cas lorsque l’une d’elles insiste sur sa propre position sans envisager aucune 
modification ». 
  
Face aux appréciations 
divergentes des parties rappelées dans l’ordonnance, le Tribunal a adopté une 
position des plus classiques. Mais, contrairement au tribunal arbitral dans 
l’affaire du Thon à nageoire bleue, il ne se prononce pas sur les 
consultations qui se sont déroulées entre les parties ni sur le caractère 
adéquat ou non de l’invocation par l’Irlande de la Convention sur le droit de la 
mer lors de ces consultations. Par une formule d’une brièveté remarquable, le 
Tribunal juge simplement qu’ « un Etat Partie n’a pas l’obligation de poursuivre 
un échange de vues, lorsqu’il arrive à la conclusion que les possibilités de 
parvenir à un accord ont été épuisées ». 
Le Tribunal a vraisemblablement estimé que l’impossibilité d’un accord entre les 
parties ressortait manifestement de leurs positions difficilement conciliables 
attestées par les échanges de correspondances et les plaidoiries. Mais, sur ce 
point comme sur d’autres, une motivation moins lapidaire n’aurait sans doute pas 
nui à la qualité de l’ordonnance. 
  
A l’issue de ces 
considérations et après avoir vérifié que la première condition posée par 
l’article 290-5 était bien remplie, le Tribunal pouvait conclure que le tribunal 
arbitral constitué en vertu de l’annexe VII aurait, prima facie, 
compétence pour connaître du différend. Il lui restait alors à se prononcer sur 
la nécessité de prescrire des mesures conservatoires. 
  
  
II. - Le Tribunal évalue l’urgence de la situation pour prescrire les mesures 
conservatoires 
  
Les mesures conservatoires 
sont des mesures exceptionnelles dont la prescription est laissée à 
l’appréciation discrétionnaire de la juridiction saisie, comme l’indique 
d’ailleurs le texte même de l’article 290 selon lequel cette juridiction « peut 
prescrire toutes mesures [qu’elle] juge appropriées en la circonstance ». Saisi 
dans l’attente de la constitution d’un tribunal arbitral, le Tribunal 
international du droit de la mer doit alors vérifier, en vertu de l’article 
290-5, si l’urgence de la situation rend la prescription de telles mesures 
nécessaire. L’affaire de l’Usine MOX lui donnait ainsi l’occasion de 
préciser le critère d’urgence et son applicabilité aux mesures sollicitées par 
le demandeur, comme à celles qu’il choisit de prescrire de son propre chef. 
  
  
A. - Le Tribunal apprécie le 
caractère urgent des mesures sollicitées par le demandeur 
  
B. - Le Tribunal se fonde 
implicitement sur l’urgence de la situation pour imposer une obligation de 
coopérer aux parties 
  
  
   
  NOTES 
  
  
    
     
  
     
  
     
  
    
     
    Aux termes de l’article 32 de la Convention OSPAR, « tout différend entre 
    des Parties contractantes relatif à l’interprétation ou l’application de la 
    Convention, et qui n’aura pu être réglé par les Parties au différend par un 
    autre moyen tel que l’enquête ou une conciliation au sein de la Commission, 
    est, à la requête de l’une de ces Parties contractantes, soumis à arbitrage 
    dans les conditions fixées au présent article ». La Convention OSPAR ainsi 
    que les autres textes adoptés dans le cadre de cette Convention sont 
    disponibles sur le site Internet de la Commission OSPAR à l’adresse 
    suivante : 
    http://www.ospar.org.  
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
    
     
    TIDM, ordonnance du 3 décembre 2001, par. 60. Dans sa sentence du 4 août 
    2000 dans l’affaire du Thon à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. 
    Japon ; Australie c. Japon), le tribunal arbitral avait estimé : « Negotiations 
    have been prolonged, intense and serious. 
    Since in the 
    course of those negotiations, the Applicants invoked UNCLOS and relied upon 
    provisions of it, while Japan denied the relevance of UNCLOS and its 
    provisions, those negotiations may also be regarded as fulfilling another 
    condition of UNCLOS, that of Article 283, which requires that, when a 
    dispute arises between States Parties concerning UNCLOS’ interpretation or 
    application, the parties to the dispute shall proceed expeditiously to an 
    exchange of views regarding its settlement by negotiation or other peaceful 
    means. Manifestly, no settlement has been reached by recourse to such 
    negotiations, at any rate, as yet ». 
    Voir sentence arbitrale, 
    4 août 2000, affaire du Thon à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. 
    Japon ; Australie c. Japon), par. 55, texte in ILM, 2000, p. 
    1389.  
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
     
  
    
     
 
   
    
  
  
    
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        et citations : Seule la version
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officiel de citation :  
NOUZHA Ch. - "L’affaire 
de l’Usine MOX (Irlande c. Royaume-Uni) devant le Tribunal international 
du droit de la mer : quelles mesures conservatoires pour la protection de 
l’environnement ?". - Actualité et 
Droit International, mars 2002. [http://www.ridi.org/adi]. 
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