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VERS DES 
NORMES MINIMALES EUROPEENNES 
CONCERNANT LA PROCEDURE D'OCTROI ET DE RETRAIT DU STATUT DE REFUGIE 
  
REFLEXIONS SUR UNE 
PROPOSITION DE DIRECTIVE 
  
par 
Michel Laurain
Magistrat, conseiller de cour d'appel à Colmar 
  
  
  
  
    
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Résumé : 
L’asile, matière nouvellement communautaire, fait l’objet d’une proposition de 
directive relative aux normes minimales européennes concernant l’octroi et le 
statut de réfugié. Plutôt que de synthétiser les pratiques procédurales 
actuelles des Etats, la future directive devrait résolument intégrer l’ensemble 
des droits fondamentaux concernant directement ou indirectement la matière 
(Convention européenne des Droits de l’Homme, principes fondamentaux du droit 
communautaire mis en évidence par la Cour de Justice des Communautés 
européennes, principes impliqués par une application intégrale de la Convention 
de Genève relative aux réfugiés du 28 juillet 1951), ce qu’elle ne fait que 
partiellement. 
Impression
        et citations : Seule la version
        au format PDF fait référence. 
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En exécution du Titre IV du 
traité instituant la Communauté européenne, tel qu’il résulte du traité 
d’Amsterdam du 2 octobre 1997, la Commission européenne a préparé un ensemble de 
propositions concernant la politique commune en matière d’asile, dont certaines 
ont déjà été adoptées. 
  
Les plus importantes mesures 
restent à décider : le rapprochement des règles sur la reconnaissance et le 
contenu du statut de réfugié et des formes de protection subsidiaire, les 
conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile, les règles de 
détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile (règlement 
Dublin II) et la définition des normes minimales communes concernant la 
procédure d’octroi ou de retrait du statut de réfugié. 
  
La Commission a, sur cette 
question de la procédure, élaboré deux propositions de directives successives, 
l’une du 20 septembre 2000 (COM.2000.578) et, à l’invitation du Conseil de 
l’Union, une proposition révisée le 18 juin 2002 (COM.2002.326 final). 
  
Cette proposition révisée révèle 
une préoccupation d’efficacité et de gestion des flux des demandeurs d’asile ; 
la garantie des droits, si elle y est affirmée, est assortie d’exceptions 
importantes. 
  
Il est vrai que, s’agissant 
d’une directive, les Etats sont invités à n’y voir qu’un minimum procédural 
garanti et que rien ne les empêche de prévoir des mécanismes de protection et 
des précautions de procédure supérieures. 
  
Mais l’expérience démontre qu’en 
cette matière, les efforts consentis par les Etats sont limités au strict 
minimum et qu’ils n’iront pas ou très peu au delà des règles que leur imposera 
la future directive. 
  
Elle doit donc être examinée 
dans l’optique d’une application minimale, dans la perspective que les 
Etats-membres n’en dépasseront pas les « standards ». 
  
Or, force est de constater que 
certaines de ces normes minimales sont inférieures aux droits garantis par les 
conventions internationales ou les traités européens (I). 
  
D’autres contiennent des 
incertitudes et laissent aux Etats un pouvoir discrétionnaire tels que l’apport 
communautaire sera nul dans le meilleur des cas, voire négatif (II). 
  
L’occasion est pourtant 
exceptionnelle de synthétiser, en un texte unique, un socle de principes et de 
garanties applicables en Europe et, ce faisant, de dessiner les contours d’une 
procédure simple, lisible, harmonisée (III). 
  
  
I. – DES NORMES MINIMALES 
INFERIEURES AUX GARANTIES RESULTANT DE L'APPLICATION DES INSTRUMENTS 
INTERNATIONAUX 
  
  
I-1 
– Pour l’essentiel, l’architecture des procédures, telle que l’a conçue la 
Commission est la suivante : 
  
-         
une procédure normale ; 
-         
une procédure accélérée qui concerne 
les demandes irrecevables, les demandes manifestement infondées, les cas 
d’irrecevabilité, les demandes dites « ultérieures », huit autres cas de 
présomption de manque de sérieux de la demande, et les procédures d’entrée sur 
le territoire (articles 23 à 35). 
  
Les mêmes garanties sont prévues 
pour les deux types de procédure (droit au dépôt de la demande, droit au séjour 
pendant l’examen de la demande, examen approprié, individuel et impartial, 
information sur les droits, accès à un conseil juridique, bénéfice d’un 
interprète). 
  
Les procédures sont dites 
accélérées parce que les délais d’instruction sont plus courts (article 41‑1‑a) 
et surtout parce que – on le verra – le caractère suspensif du recours est sujet 
à des exceptions plus nombreuses que dans la procédure normale. 
  
Le droit à « un recours effectif 
devant une juridiction » est en effet prévu. 
  
Le caractère suspensif du 
recours est affirmé. Néanmoins, le droit du demandeur de demeurer sur le 
territoire de l’Etat-membre, en cas de recours administratif ou juridictionnel, 
peut être subordonné à une décision juridictionnelle spécifique rendue au vu de 
la « situation personnelle » du requérant. Aucune expulsion ne peut avoir lieu 
tant que cette décision sur le droit au séjour n’a pas été rendue. 
 
  
Deux types d’exception sont 
néanmoins envisagés : 
  
-         
dans le cadre de la procédure normale, 
les Etats peuvent prévoir une exception à ce droit « pour le cas où il a été 
décidé que, pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public, le 
demandeur d’asile ne doit pas rester sur le territoire de l’Etat-membre 
concerné » (article 39‑4) ; 
  
-         
dans le cadre de la procédure 
accélérée, l’éloignement peut être exécuté pendant la procédure de recours  
lorsqu’une demande a été considérée comme irrecevable ou lorsqu’une précédente 
demande tendant à rester sur le territoire a déjà été rejetée et qu’aucun fait 
nouveau ne s’est produit ou encore lorsque l’examen d’une demande « ultérieure » 
n’est pas poursuivi ou, enfin, lorsque des motifs de sécurité nationale ou 
d’ordre public sont invoqués (article 40‑3‑d). 
  
Ce dispositif de garanties 
minimales doit être mis en regard avec les normes internationales qui s’imposent 
à l’Union européenne. 
  
  
I-2 
– Des normes internationales de référence qui se combinent et se complètent. 
  
Face à un requérant qui demande 
le bénéfice de la Convention de Genève, les autorités ont deux questions à se 
poser : 
  
-         
l’intéressé peut-il craindre avec 
raison des persécutions au sens de l’article 1‑A 2 de cette Convention ? 
-         
un refoulement, à un stade quelconque 
de la procédure, a-t-il pour effet de renvoyer l’étranger vers des frontières où 
sa vie ou sa liberté seraient menacées pour l’un des motifs de la Convention 
(article 33 de la Convention de Genève) ? 
  
Ces deux questions doivent, pour 
les Etats-membres de l’Union européenne également membres du Conseil de l’Europe 
et par ailleurs liés par la Convention contre la torture et autres peines ou 
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, être aussi 
abordées sous l’angle des articles 3 et 5 de la Convention européenne des Droits 
de l’Homme (C.E.D.H.) et des articles 1 et 3 de la Convention contre la torture. 
  
Certes, la définition des 
persécutions au sens de l’article 1-A-2 de la Convention de Genève, celle des 
traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’article 3 de la C.E.D.H. ou la 
définition de la torture contenue dans l’article 1 de la Convention de l’O.N.U. 
de 1984 sont différentes. 
  
Il est également exact que la 
directive est consacrée à la détermination (appelée « octroi ») du statut de 
réfugié. 
  
Mais il apparaît nécessaire 
d’harmoniser les impératifs procéduraux qui résultent de l’ensemble de ces 
textes dont l’application est conjuguée, et parfois simultanée, du chef d’un 
demandeur d’asile.  
  
Cette convergence est appelée 
par la proposition de directive elle-même puisqu’elle précise expressément que 
les Etats pourront appliquer la directive aux procédures de protection 
subsidiaire, c’est-à-dire essentiellement celles qui sont inspirées par 
l’application de l’article 3 de la C.E.D.H. (article 3-3 de la proposition). 
  
Au demeurant, il faut ajouter à 
ces références celle qui résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice des 
Communautés européennes (C.J.C.E.) mettant en évidence d’importants « principes 
fondamentaux du droit communautaire ». 
Or, cette juridiction, sous certaines conditions, 
va devenir juridiction de contrôle du droit européen de l’asile. 
  
Ce n’est pas un empilement mais 
un entrelacs d’obligations internationales, dont l’application est, pour 
certaines, contrôlée par des juridictions spécifiques, qui domine la matière 
nouvellement communautaire. 
  
La Convention européenne est, en 
effet, devenue une norme de référence dans le droit de l’Union européenne. 
  
L’article 6 § 2 du Traité de 
l’Union Européenne, tel qu’il résulte du Traité de Maastricht, reprenant une 
jurisprudence bien établie de la C.J.C.E., stipule que : « l’Union respecte les 
droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne des 
droits de l’homme signée à Rome le 4 novembre 1950 et tels qu’ils résultent des 
traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes 
généraux du droit communautaire ». 
  
La Cour de Luxembourg s’inspire, 
d’une manière de plus en plus précise, non seulement des stipulations de la 
C.E.D.H., mais également de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de 
l'homme (Cour E.D.H.), et la juridiction de Strasbourg examine, quant à elle, le 
respect, par les Etats, de la Convention de Genève 
et applique, lorsqu’elle le juge utile, le droit de l’Union européenne. 
  
S’agissant de la Convention de 
Genève, le texte de l’article 63-1 du T.C.E. lui réserve un sort particulier 
puisqu’il impartit au Conseil d’arrêter « des mesures relatives à l’asile 
conformes à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au Protocole du 31 
janvier 1967 relatifs au statut de réfugiés ainsi qu’aux autres traités 
pertinents ». Cette conformité serait, en tout état de cause commandée par le 
fait que tous les Etats membres de l’Union ont ratifié la Convention de Genève. 
Elle est, de manière opportune, énoncée directement – sans le détour de la 
réception de la Convention par les droits nationaux. 
I-3 
– La proposition de directive n’a pas intégré, dans toute leur exigence, 
certaines des garanties combinées du droit européen et de la Convention de 
Genève. 
  
La garantie du non-refoulement 
doit être absolue : la combinaison des articles 1-A-2 et 33 de la Convention de 
Genève conduit à exiger que ne soit pas refoulée, expulsée, reconduite ou 
extradée, vers les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait 
menacée, toute personne craignant des persécutions pour l’une des raisons 
figurant à l’article 1-A-2. 
  
« Principe fondateur du droit 
des réfugiés », 
l’obligation de non-refoulement s’applique aux demandeurs d’asile comme aux 
réfugiés. 
  
Dans la mesure où la procédure 
de détermination n’est pas terminée, le demandeur d’asile est un réfugié 
potentiel : le principe de non-refoulement rejoint, au demeurant, les prévisions 
de l’article 3 de la C.E.D.H. puisque l’existence d’un risque sérieux et 
avéré de traitements de la nature de ceux que prohibe ce texte suffit à en 
caractériser la violation (Soering c/ Royaume Uni, 7 juillet 1989 ; 
Chahal c/ Royaume Uni, 15 novembre 1996). 
  
La détermination, c’est-à-dire 
l’examen du risque, est préalable à toute décision d’éloignement et, en 
conséquence, aucun éloignement n’est envisageable sans que la détermination, 
dans toutes ses phases ne soit parfaitement achevée. 
  
I-3-a 
- A cet égard, un examen indépendant et impartial est une garantie 
essentielle. On se souvient de la rigueur énoncée par la Cour E.D.H. dans sa 
décision Chahal, précitée. La méthode qu’utilise la Cour afin de 
déterminer le caractère réel et sérieux du risque de mauvais traitement, en 
particulier quant à la charge de la preuve et au contenu de cette preuve, est 
l’une de ces « normes minimales » dont doivent s’inspirer les institutions 
européennes à la recherche d’un « standard » de ce que doit être un examen 
sérieux, impartial et éclairé du risque de persécution au sens de 
l’article 1‑A‑2 de la Convention de Genève. 
  
Du point de vue de la charge de 
la preuve, dans le cadre de son contrôle du motif avéré et sérieux, lorsque le 
requérant invoque l’action de l’autorité publique de son pays d’origine, la Cour 
exige, de l’Etat qui renvoie, des « assurances » sur l’absence de risque de 
mauvais traitements (Chahal c/ Royaume Uni, § 92‑105 qui mentionne aussi 
les assurances de l’Etat vers lequel l’étranger est menacé de renvoi, en 
l’espèce, l’Inde) et demande des preuves des affirmations de ces autorités sur 
l’absence de risque ; à défaut de telles assurances et de telles preuves, la 
cour considère le risque comme établi. La Cour apprécie le sérieux et la gravité 
du risque de mauvais traitement en fonction des données produites par les 
parties ou qu’elle se procure elle-même. « Afin de déterminer s’il est établi 
que le requérant court un risque réel, s’il est expulsé vers l’Inde, de subir 
des traitements contraires à l’article 3, la Cour s’appuie sur l’ensemble des 
éléments qu’on lui fournit et, au besoin, qu’elle se procure d’office » (Chahal 
c/ Royaume Uni, § 97). 
  
De ce principe découlent les 
implications suivantes : une parfaite information des agents de détermination 
sur la situation dans les pays d’origine, un processus de détermination qui 
tienne compte de la culture différente, de la personnalité souvent fragilisée de 
l’exilé, et de sa langue maternelle spécifique, le principe de la liberté 
des personnes qui est seule de nature à leur permettre de préparer utilement la 
procédure, le respect du temps nécessaire à toute procédure équitable. 
  
Or, si la directive en 
préparation proclame la garantie de ces droits (articles 6 à 13), leur mise en 
œuvre effective n’est pas assurée. 
  
Ainsi, les conditions prévues 
pour la rétention, l’accès à un interprétariat fidèle, le droit à la 
notification des décisions de manière appropriée sont envisagés de manière très 
insuffisante au regard des exigences de l’examen approfondi et du droit du 
demandeur de s’exprimer librement, complètement, avec toute l’assistance 
requise. 
  
  
Selon l’article 17-1, qui 
constitue la nouvelle rédaction d’un article 13 de la précédente proposition, la 
rétention peut être autorisée « conformément à une procédure prévue par la 
législation ou la réglementation nationale » lorsque ce placement est 
« objectivement nécessaire aux fins d’un examen efficace de la demande et qu’il 
existe un risque élevé, compte tenu du comportement personnel du demandeur, que 
celui-ci prenne la fuite ». 
  
Rappelons que - dans cette 
matière, plus encore qu’en droit pénal, puisqu’aucune charge ne pèse sur 
l’étranger - la liberté est la règle et ses restrictions, l’exception, ce 
qu’énonce d’ailleurs l’article 17‑1 de la directive. 
  
Le libellé de cette 
« exception » prévue à l’article 17‑2 est tellement large et imprécis qu’il 
autorise, ab initio, le contournement de la règle. 
  
La notification au conseil 
juridique. 
  
L’article 9-d prévoit que les 
décisions administratives peuvent être notifiées au conseil du requérant. Ce 
faisant, les autorités font peser sur les avocats une obligation qu’elles ont 
elles-mêmes beaucoup de mal à respecter – parfois du fait des demandeurs 
eux-mêmes, mais plus souvent en raison des avatars et de la précarité de leur 
vie d’exil – et qui consiste à atteindre les requérants. On sait les difficultés 
de domiciliation des demandeurs d’asile. C’est sur les avocats que vont peser 
les aléas de la notification et le risque de l’expiration des délais de recours. 
  
I-3-b 
- Les exceptions au droit au séjour du demandeur d’asile, qui sont 
autorisées par les articles 39–4 et 40 de la future directive, apparaissent 
contraires au droit au non-refoulement garanti par l’article 33 de la Convention 
de Genève et aux exigences de l’article 3 de la C.E.D.H. 
  
La Cour E.D.H., rappelons-le, 
considère que l’article 3 de la Convention proclame l’une des valeurs les plus 
fondamentales d’une société et que, « même dans les circonstances les plus 
difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la 
Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements 
inhumains ou dégradants » (Selmouni c/ France, 28 juillet 1999, § 95). 
  
Est contraire, à notre sens, à 
cet article 3, la disposition qui écarte l’effet suspensif du recours, dans le 
cas où « il a été décidé » que des motifs de sécurité nationale ou d’ordre 
public imposaient le départ du demandeur. 
  
Cette situation est certes 
prévue dans des termes voisins par le paragraphe 2 de l’article 33 de la 
Convention de Genève, mais elle est exclue – si les persécutions encourues 
répondent à la définition des traitements prohibés par l’article 3 de la 
C.E.D.H. - par cette stipulation. 
  
De même, le maintien du 
demandeur sur le territoire de l’Etat de détermination doit être examiné au cas 
par cas et peut donc être refusé par la juridiction prévue à l’article 40-2 
(article 29-c) dans le cas où « le demandeur est, de prime abord, exclu du 
bénéfice du statut de réfugié » par application de la directive sur la 
définition du réfugié. 
  
Cette directive, également en 
préparation (COM.2001.510 final) 
reprend les cas d’exclusion prévus par l’article 1-F de la Convention de 
Genève : il résulte du rapprochement de ces deux textes que, si l’autorité de 
détermination invoque l’article 1-F précité, le demandeur peut n’être pas 
autorisé à rester jusqu’à ce que son recours soit définitivement jugé : 
pourtant, l’article 1-F concerne des personnes qui encourent de graves risques 
de persécution et, souvent, des risques de mauvais traitements au sens de 
l’article 3 de la C.E.D.H. L’effet suspensif du recours est d’autant plus 
nécessaire dans de tels cas, d’autant que le « procès » sur l’application de 
l’article 1-F de la Convention de Genève est très délicat, mêlé d’éléments 
subjectifs et objectifs, caractérisé par des règles de preuve complexes. 
  
S’il était encore nécessaire de 
démontrer l’importance du caractère suspensif du recours, il suffirait de 
rappeler que l’article 13 de la C.E.D.H. qui garantit l’effectivité du recours 
devant une instance nationale commande, lorsqu’existe un risque réel de mauvais 
traitement, au sens de l’article 3, le caractère suspensif du recours (Chahal 
c/ Royaume Uni, 15 novembre 1996 ; Soering c/ Royaume Uni, 7 juillet 
1989 et Vilvarajah et autres c/ Royaume Uni, 30 octobre 1991, mais 
également Conka c/ Belgique, 5 février 2002). La Cour de Strasbourg a 
affirmé le caractère subsidiaire de cette stipulation, applicable même dans les 
cas où l’article 6 ne s’applique pas (ce qui est le cas dans le contentieux de 
l’éloignement des étrangers). 
  
  
II. – DES DISPOSITIONS 
INUTILES EN RAISON DES INCERTITUDES DANS LEUR APPLICATION ET DU POUVOIR 
DISCRETIONNAIRE QU'ELLES LAISSENT AUX ETATS 
  
  
II-1 
- Au nombre des cas autorisant le recours à la procédure accélérée, sont décrits
huit cas classés « divers », hypothèses déjà envisagées dans des actes 
antérieurs qui forment la préhistoire du droit de l’Union européenne 
et mis en œuvre couramment dans les Etats-membres et les pays candidats : 
  
-         
le demandeur a, sans motif valable, 
induit en erreur les autorités sur son identité ou sa nationalité, en présentant 
de fausses indications ou en dissimulant des informations pertinentes qui 
auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable ; 
  
-         
il n’a produit aucune information 
permettant d’établir avec une certitude suffisante son identité et sa 
nationalité et s’il existe des motifs sérieux de penser que le demandeur, de 
mauvaise foi, a procédé à la destruction ou s’est défait de pièces d’identité ou 
de titres de voyage qui auraient aidé à établir son identité ou sa nationalité ; 
  
-         
il a délibérément fait des 
déclarations fausses ou mensongères, importantes pour l’issue de l’examen, en ce 
qui concerne les éléments de preuve produits à l’appui de sa demande d’asile ; 
  
-         
il a déposé une demande ultérieure 
dans laquelle il n’invoque aucun fait nouveau pertinent par rapport à sa 
situation personnelle ou à la situation dans son pays d’origine ; 
  
-         
la demande d’asile est introduite 
tardivement sans motif valable alors qu’elle pouvait être faite auparavant et 
elle n’est déposée qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision 
antérieure ou imminente qui entraînerait son expulsion ; 
  
-         
le demandeur n’a pas rempli son 
obligation de coopérer (présentation de tous les faits pertinents et des 
éléments de preuve correspondants) ou ne s’est pas présenté aux convocations ou 
n’a pas déféré aux demandes d’informations, ou encore il a quitté le lieu où il 
vivait ou son lieu de rétention sans contacter l’autorité compétente dans un 
délai raisonnable ; 
  
-         
il ne s’est pas présenté dans les 
délais les plus brefs aux autorités, entrant ou prolongeant son séjour 
illégalement ; 
  
-         
il constitue un danger pour la 
sécurité de l’Etat membre ou a été l’objet d’une condamnation définitive pour un 
crime ou un délit particulièrement grave de sorte qu’il constitue une menace 
pour la communauté de l’Etat d’accueil. 
  
  
II-2 
- La première difficulté qui résulte de telles dispositions tient à la 
détermination de l’autorité qui décide d’orienter un demandeur vers une 
procédure accélérée. Est-ce la police (ce qui est souvent le cas actuellement) ? 
Sous quel contrôle ? Au nom de quel principe ? 
  
Ce silence de la proposition de 
directive s’explique par des divergences non résolues : dans la Résolution du 
Conseil des 30 novembre - 1er décembre 1992, l’autorité devait être 
« compétente et dûment qualifiée en matière d’asile et de réfugiés », alors que 
le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R.), dans sa 
position sur cette résolution, préconisait l’intervention de l’autorité 
normalement compétente en matière de réfugiés. 
  
Cette proposition du H.C.R. a 
été écartée par le Conseil dans sa Résolution du 20 juin 1995 sur les garanties 
minimales dans les procédures d’asile et ne semble toujours pas à l’ordre du 
jour. 
  
L’accélération des procédures 
n’est pas définie : elle peut conduire à des procédures trop rapides eu égard à 
la complexité de certaines requêtes. Le H.C.R. rappelle que « plus une procédure 
est accélérée, plus le risque de décisions erronées est grand ». 
  
D’autres questions ne sont pas 
résolues : qu’est-ce qu’un « motif valable » justifiant que le demandeur ait 
menti sur son identité et sa nationalité alors que, par crainte de représailles 
sur leurs familles, nombre d’authentiques réfugiés reconnus comme tels vivent 
pendant des années sous de fausses identités dans les pays d’accueil ? Cette 
situation reconnue comme légitime pour les réfugiés statutaires ne le serait pas 
– par principe - pour des demandeurs d’asile ? 
  
Quand les informations sur la 
nationalité et l’identité ont-elles permis d’établir ces dernières avec une 
« certitude suffisante » et quels sont les « motifs sérieux de penser » que des 
documents ont été détruits ou jetés de mauvaise foi ? 
  
A quel moment une demande 
d’asile est-elle déposée « trop tard » dans le cours d’une procédure 
d’expulsion ? Quelles sont les « possibilités suffisantes » dont il disposait ? 
Et que sont des motifs valables de différer le dépôt d’une demande (article 32 e 
et g) ? 
  
Quant au fait pour le demandeur 
de n’avoir pas coopéré dans le cours de la procédure ou de n’avoir pas répondu 
aux convocations et demandes d’informations (article 32 f), les praticiens 
savent bien que les requérants sont souvent conseillés par des compatriotes plus 
ou moins bien avisés qui leur recommandent de ne dire la vérité dans ses détails 
qu’à la fin de la procédure (première hypothèse visée par le texte) et que leurs 
difficultés considérables de domiciliation ne leur sont pas imputables, ce qui 
rend injuste la sanction qu’ils encourent (seconde hypothèse). 
  
S’agissant de la menace pour la 
communauté de l’Etat membre, cette notion qui n’a aucun rapport avec le fond de 
la demande, risque de conduire à un examen rapide injustifié. 
  
Le caractère aléatoire, voire 
discrétionnaire, de ces critères ouvre le champ à une inapplication de la 
Convention de Genève, étant au surplus précisé qu’aucun recours n’est prévu à 
l’encontre de la décision d’orientation de la demande vers la procédure 
accélérée. 
  
On regrettera également que 
certaines contrariétés entre les législations nationales et les principes de la 
directive en cours d’élaboration, reçoivent une absolution spéciale : ainsi les 
Etats-membres qui, à la date d’entrée en vigueur de la directive, appliquent des 
dispositions désignant des pays tiers sûrs (article 27) ou des pays d’origine 
sûrs (articles 30-1 et 30-3), n’ont l’obligation que de les notifier à la 
Commission, ces Etats peuvent maintenir des procédures spéciales d’admission à 
la frontière (article 35), ils peuvent déroger à la règle de l’autorisation de 
plein droit accordée, dans le cadre de la procédure normale, aux demandeurs qui 
forment un recours sur la décision de détermination (article 39-2). 
  
Autrement dit, ceux des 
Etats-membres ou candidats qui n’ont pas encore adopté ces mesures restrictives 
peuvent, opportunément, se dépêcher de le faire avant l’adoption de la 
directive. 
  
Ce nouveau chantier 
communautaire était pourtant une occasion exceptionnelle de synthétiser l’acquis 
européen en matière de droits fondamentaux en matière de procédure. 
III. – UNE OCCASION MANQUEE 
QUI PEUT ENCORE ETRE RATTRAPEE 
  
  
Au moment où se discute 
l’élaboration d’une Constitution européenne, où se pose la question d’un 
préambule reprenant les principes de la Charte des Droits Fondamentaux de 
l’Union, où l’on débat à nouveau de son adhésion à la C.E.D.H., la conception 
d’une politique commune de l’asile et de son volet procédural est une chance 
pour l’Europe. 
  
Cette conception pourrait, selon 
nous, être guidée par les principes suivants : l’universalité des garanties, 
c’est-à-dire leur généralisation à 
tous 
les demandeurs, l’unicité de la procédure, le respect inconditionnel du principe 
du non-refoulement, l’élévation des exigences de qualité de l’examen des 
craintes. 
  
  
III-1 
- Une procédure unique, caractérisée par les mêmes droits pour tous les 
demandeurs. 
  
Une procédure simple et unique 
pour tous les demandeurs est préférable à une fragmentation des procédures, 
génératrice de contentieux et de complications. 
  
La procédure à trois niveaux : 
autorité administrative, recours devant une juridiction, recours en droit contre 
la décision juridictionnelle, a fait ses preuves en France. 
  
Elle mérite d’être généralisée. 
  
a 
- Le droit au dépôt d’un demande d’asile, en particulier à la frontière, doit 
être garanti sans exception. 
  
b 
- Un entretien individuel doit être accordé à tous les demandeurs. 
Doivent être assurées la même qualité d’examen, par des autorités indépendantes 
et hautement compétentes en matière d’asile, la même assistance à chaque 
requérant, dès l’introduction de sa demande et tout au long de la procédure, 
même au stade de l’orientation vers une procédure accélérée. 
  
c 
- Le droit au non-refoulement pendant la durée de la procédure doit être 
garanti, avec son corollaire, le droit au séjour, dans des conditions 
matérielles décentes. 
  
d 
- De même, à tous les demandeurs doit être garanti le droit effectif - et donc 
suspensif - au recours, devant une autorité juridictionnelle indépendante et 
totalement distincte de l’autorité administrative qui a statué antérieurement. 
Cette autorité juridictionnelle statue en fait et en droit. Le droit à la 
présence personnelle du requérant, assisté d’un conseil et d’un interprète 
compétent doit être une règle absolue. L’aide juridictionnelle doit être 
organisée de manière à bénéficier à tous ceux qui n’ont pas de ressources 
suffisantes. 
  
e 
- Doivent être assurées la compréhension, par les requérants, de la procédure et 
des décisions qui les concernent et l’assistance d’un interprète, rémunéré sur 
fonds publics devant l’organisme de détermination et la juridiction de recours. 
Cet interprète doit parler la langue d’usage du requérant. 
  
f 
- Les délais doivent être conçus comme suffisants pour permettre aux requérants 
de préparer leur procédure. Un délai de dépôt de la demande initiale de deux 
mois, un délai de recours également de deux mois ne sont pas excessifs. 
  
g 
-Les notifications doivent être faites aux intéressés eux-mêmes et non à leurs 
conseils. 
  
h 
- L’écoute et l’assistance des mineurs isolés ou séparés, des victimes de 
violence, des femmes désireuses d’être entendues hors la présence de leur 
famille, des personnes atteintes psychologiquement doivent être organisées de 
manière personnalisée. 
  
  
III – 2 
- Des exceptions très limitées qui ne peuvent être justifiées que par des 
impératifs supérieurs à ceux de la protection. 
  
a 
- En premier lieu, il est fondamental que toute décision qui écarte un demandeur 
de la procédure normale soit prise par l’autorité compétente en matière de 
détermination, après un entretien individuel. 
  
b 
- L’accélération des procédures, à la supposer justifiée, peut 
parfaitement avoir lieu dans le cadre de la procédure normale, mais ne peut 
avoir pour effet de supprimer les garanties mentionnées plus haut. 
  
c 
- A cet égard, la référence à des pays d’origine ou à des pays tiers sûrs 
ne peut, à elle seule, conduire à écarter un demandeur de l’accès à la procédure 
normale de détermination. 
  
d 
- La procédure accélérée doit être limitée aux demandes qui n’entrent, après un 
entretien approfondi, dans aucune des situations prévues par l’article 1-A-2 de 
la Convention de Genève, au sens où le H.C.R. recommande d’interpréter cet 
article.  
  
g 
- La rétention des demandeurs d’asile est limitée aux seuls cas 
d’atteinte ou de menace grave à l’ordre public.  
  
h 
- La demande d’asile à la frontière ne doit jamais à elle seule justifier la 
rétention. 
  
  
C’est en ce sens que le projet 
de directive relatif aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de 
retrait de la qualité de réfugié mérite, nous semble-t-il, d’être amendé et 
complété. 
  
L’efficacité recherchée par les 
Etats y trouvera son compte. Le respect des personnes et de leurs droits 
fondamentaux, également. 
  
A l’évidence, les Etats-membres 
n’ont pas voulu remettre en cause l’organisation actuelle de leurs systèmes 
nationaux mais deux risques importants en découlent : celui de voir dans 
quelques années une des juridictions nationales ou supra-nationales sanctionner 
ce « minimum garanti » comme insuffisant au regard d’autres sources de droits 
et, plus grave encore, celui d’exposer les victimes de persécutions à des 
erreurs, à tous égards, catastrophiques. 
  
  
* * * 
  
   
  NOTES 
    
   
  
   
  Il en va ainsi du principe du respect de la dignité et de la liberté de la 
  personne humaine ou du droit au juge, l’obligation de motivation des décisions 
  individuelles défavorables, ce même principe emporte le droit de demander la 
  suspension des décisions qui font grief pendant le cours de la procédure. Les 
  droits de la défense ont été reconnus comme un principe fondamental du droit 
  communautaire, « au regard de la nature de la décision en cause », 
  essentiellement dans le cas des sanctions mais également de toutes les mesures 
  faisant grief. 
  
  Ils ont pour conséquences le 
  droit d’être assisté par un défenseur, le droit de présenter des observations 
  écrites, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier, en temps utile 
  pour présenter des observations. 
  
   
   
   
   
  
   
  Pour le Guide des procédures du H.C.R., « cette situation (de réfugié) est 
  nécessairement réalisée avant que le statut de réfugié ne soit formellement 
  reconnu à l’intéressé [...] une personne ne devient pas réfugiée parce qu’elle 
  est reconnue comme telle, mais elle est reconnue comme telle parce qu’elle est 
  réfugiée » ce que confirme la conclusion du COMEX 1977 n° 6 sur le 
  non-refoulement.  
   
   
   
   
  
   
  Position du H.C.R. sur les procédures justes et rapides de 1994.  
  
   
  Les conditions que doit réunir un pays pour être considéré comme sûr sont 
  tellement complexes qu’elles conduisent, par les difficultés de leur 
  application, à la perspective d’un contentieux important qui fait écran à la 
  question centrale de la détermination du statut sur la base de craintes 
  personnelles.  
    
   
    
  
  
    
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Copyright : © 2003 Michel Laurain. Tous droits réservés. Impression
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officiel de citation :  
LAURAIN Michel. - "Vers 
des normes minimales européennes concernant la procédure d'octroi et de retrait 
du statut de réfugié. Réflexions sur une proposition de directive". - Actualité et 
Droit International, janvier 2003. <http://www.ridi.org/adi>. 
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