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L'UNION 
EUROPEENNE, CATALYSEUR DE LA REUNIFICATION CHYPRIOTE 
  
par 
David K. Nanopoulos
Allocataire de recherche, 
Université Robert Schuman de Strasbourg 
  
  
  
  
    
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Résumé : 
La République de Chypre est un Etat divisé depuis 1974 et les efforts de 
médiation déployés depuis trente ans par les Nations Unies n’ont pas su résoudre 
cette situation. Pourtant, l’élargissement de l’Union européenne le 1er 
mai 2004 semble accroître brusquement les perspectives de règlement de ce 
conflit. 
  
Abstract : 
The Republic of Cyprus is a divided State since 1974 and the U.N. mediation has 
not been able to solve this issue. Yet, the European Union enlargement on may 
first 2004 seems to significantly increase the settlement perspectives of this 
conflict. 
  
Note : 
Cet article a été rédigé en mai 2003 et réactualisé avant sa publication. Depuis 
sa dernière réactualisation, le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, a 
réuni les parties chypriotes à New York, le 9 février 2004, en présence des 
Puissances garantes, c’est-à-dire le Royaume-Uni, la Grèce et la Turquie. Le 
13 février, les dirigeants chypriotes ont signé un accord par lequel ils 
s'engagent à finaliser les changements qu’ils souhaitent apporter au « Plan 
Annan » avant le 29 mars 2004, faute de quoi le Secrétaire général de l'ONU 
établira lui-même et en dernier recours ces modifications. Cet accord historique 
permettra de soumettre le Plan ainsi modifié aux populations chypriotes par des 
référendums « parallèles et simultanés » dans les deux parties de l’île. Kofi 
Annan a souligné l'importance de cet accord pour l'avenir de Chypre en 
déclarant : « [t]outes les parties concernées ont désormais la responsabilité 
historique d’établir une paix juste et durable à Chypre » (voir le communiqué de 
presse ONU SG/SM/9159 du 13 février 2004, disponible à l’adresse : <http://www.un.org/News/fr-press/docs/2004/SGSM9159.doc.htm>). 
  
Impression
        et citations : Seule la version
        au format PDF fait référence. 
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Le Traité d’adhésion de la 
République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de 
la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union 
européenne, signé à Athènes le 16 avril 2003, est un évènement historique 
marquant la fin d’un demi-siècle de division du continent. 
Si le processus initié à la suite de la chute du mur de Berlin touche à sa fin, 
il ne doit pas masquer la persistance d’un autre mur en Europe : la « ligne 
verte » qui déchire la République de Chypre depuis 1974. 
  
Il est des conflits qui 
s’enlisent, des conflits dont la cause n’est pas rationnelle mais affective, 
« prêtant l’oreille à un âge d’or légendaire où chacun croit avoir dominé 
l’autre […], les rancœurs et l’acrimonie engrangées ne laissant aucune place au 
compromis, lequel passe de toute façon par une défaite historique ». 
La situation de Chypre, île méditerranéenne déchirée depuis quarante années 
correspond bien à ces antagonismes qui ont supplanté la guerre froide : les 
conflits ethniques. Ainsi, aucune solution n’a jusqu’ici obtenu l’aval des 
dirigeants des deux communautés, épuisant les représentants onusiens engagés 
dans une mission de bons offices depuis 1974. Le début de l’année 2003 a été 
l’occasion du rejet du Plan de paix élaboré par le Secrétaire général des 
Nations Unies, M. Kofi Annan, 
par le dirigeant chypriote-turc Rauf Denktash, dernière tentative onusienne de 
résolution du conflit. Dans un communiqué du 11 mars 2003, le Secrétaire général 
de l’Organisation des Nations Unies affichait « sa profonde tristesse » devant 
« l’impasse » face à laquelle il se trouvait. 
  
C’est hors de cet enchevêtrement 
que semble se profiler une nouvelle chance pour Chypre. Issue de la 
réconciliation des peuples européens, l’Union européenne arrive aujourd’hui sur 
les rivages de l’île. Les différents protagonistes du conflit sont tous 
fortement impliqués dans la construction européenne ; la Grèce et le Royaume-Uni 
‑ ancienne puissance coloniale ‑ en sont déjà membres, la République de Chypre 
le sera dès le 1er mai 2004 et la Turquie, dont la vocation 
européenne est acquise depuis le Conseil européen d’Helsinki (10-11 décembre 
1999), redouble d’effort pour s’y arrimer. 
D’un conflit interne qui s’est internationalisé, on tend aujourd’hui vers une 
troisième perspective : un conflit interne à une organisation régionale 
d’intégration. Le caractère « économique » de l’Union déplace également 
l’appréhension des différents éléments d’appréciation de la situation hors d’une 
optique strictement affective. 
  
La véritable question qui se 
pose est celle de savoir dans quelle mesure l’intégration européenne constitue 
un facteur de stabilité et quelle est son influence sur la résolution du conflit 
chypriote. Deux thèses, diamétralement opposées, ont été avancées jusqu’ici. La 
première, analysant juridiquement le statu quo actuel comme une 
inadéquation du droit au fait, aboutit à envisager la consolidation définitive 
de la partition, c’est-à-dire la sécession. 
Celle-ci serait en réalité fonction des relations liant la Turquie à l’Union, 
faisant de Chypre l’otage des négociations d’adhésion et rajoutant aux 
problématiques déjà nombreuses certaines difficultés étrangères au conflit 
lui-même. La menace diplomatique répond ainsi aux positions juridiques adoptées 
par l’Union. L’intégration européenne apparaîtrait dans cette optique comme un 
facteur déstabilisant comme le démontrent les déclarations de M. Mümtaz Soysal, 
alors ministre turc des affaires étrangères : « si l’Union européenne considère 
que le sud de l’île représente Chypre, et approuve son intégration économique, 
la République du Nord n’aura alors d’autre choix que de s’associer à la Turquie, 
c’est à dire de s’y intégrer sur le plan économique ». 
  
Parallèlement, l’autre thèse 
envisage la perspective de l’intégration européenne comme le catalyseur de la 
réunification chypriote ; 
et l’actualité récente semble confirmer clairement cette position. Selon le 
Petit Robert, la catalyse est la modification et surtout l’accélération d’une 
réaction chimique sous l’effet d’une substance. Ici, l’intégration européenne ne 
ferait qu’accélérer un processus politique inéluctable dont la qualification 
juridique ne laisse planer aucun doute. La qualification juridique des deux 
entités opposées, la République de Chypre et la « République turque de Chypre du 
Nord » (RTCN), est homogène au sein des grandes organisations internationales 
ainsi que de leurs juridictions. Cette qualification est un élément central de 
la compréhension du conflit tant celui-ci se fonde sur des revendications 
identitaires. Elle marque en réalité les limites posées par la communauté 
internationale à toute tentative de sécession, 
mais constitue également la pierre d’achoppement des négociations directes qui 
n’ont abouti jusqu’à présent à aucun résultat concret malgré les efforts 
déployés par le Secrétaire général des Nations Unies. Pourtant, ce nœud gordien 
que la diplomatie onusienne n’a jamais su dénouer semble aujourd’hui tranché par 
la perspective d’adhésion européenne des Etats orientaux. 
  
  
I. ‑ L’échec chronique de la 
mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU 
  
  
La communauté internationale 
s’est saisie du problème chypriote dès l’origine, par le biais de nombreuses 
organisations. Dès 1963, l’ONU va déployer une force internationale de maintien 
de la paix sur la ligne verte, la Force des Nations Unies chargée du maintien de 
la paix à Chypre (UNFICYP) dont le mandat a toujours été reconduit jusqu’ici. 
Lors des évènements de 1974, à savoir l’intervention turque sur l’île précédant 
l’occupation de sa partie nord, l’action du Conseil de sécurité est marquée par 
le souci de ne pas entraver la mission de bons offices du Secrétaire général, 
mais cette attitude réservée va évoluer lors de la proclamation de son 
indépendance par Chypre du Nord. Ainsi, l’Assemblée générale des Nations Unies, 
par la résolution 37/253 du 13 mai 1983 sur la question de Chypre, 
faisait du retrait des troupes turques la base essentielle d’une solution au 
conflit, mais c’est surtout le Conseil de sécurité, par la résolution 541 du 18 
novembre 1983 
condamnant fermement la proclamation d’indépendance et la déclarant 
« juridiquement nulle », qui va influencer la situation. L’entité chypriote 
turque se voit ainsi interdire toute reconnaissance internationale. Bien que 
déclaratif, cet élément est indispensable pour qui souhaite entretenir des 
relations internationales. Cette politique de non-reconnaissance peut revêtir 
deux dimensions : juridique, elle vise à empêcher une collectivité de jouir de 
ses droits dans la sphère internationale comme l’adhésion à une organisation 
inter-étatique par exemple. Politiquement, il s’agit de refuser toute relation 
avec une entité dont les conditions de création ou d’organisation heurtent 
certains principes fondamentaux de droit international comme l’interdiction du 
recours à la force ou l’intégrité territoriale de l’Etat. Ce n’est pas la 
qualité étatique qui est contestée et une reconnaissance ultérieure n’est pas 
exclue comme en témoigne l’exemple de l’Afrique du Sud. Le caractère obligatoire 
des décisions du Conseil de sécurité, tel qu’affirmé par la Cour internationale 
de Justice dans l’affaire de la Namibie, 
en application de l’article 25 de la Charte de San Francisco, mène donc tout 
Etat reconnaissant la « République turque de Chypre du Nord » (RTCN) à engager 
sa responsabilité internationale. 
  
Le Conseil de l’Europe a adopté, 
à l’origine, une attitude visant aussi à permettre une solution diplomatique 
mais s’est finalement aligné sur la position onusienne. Ainsi, la recommandation 
974 (1983) adoptée par l’Assemblée parlementaire en date du 23 novembre 1983 
refuse toute reconnaissance à la nouvelle entité. Enfin, la résolution 816 
adoptée par l’Assemblée parlementaire en date du 21 mars 1984 
condamne la volonté sécessionniste illégale de la partie nord de l’île et son 
encouragement par la Turquie. La position est identique au sein de l’Union 
européenne comme le montre la résolution du Parlement européen du 17 novembre 
1983 sur la « déclaration d’indépendance » de la partie chypriote-turque de 
Chypre 
condamnant cette proclamation au mépris de l’intégrité territoriale chypriote. 
Depuis lors, cette position n’a pas varié. 
  
Cette politique de 
non-reconnaissance a également connu des développements judiciaires importants. 
La décision la plus marquante est sans conteste l’affaire Loizidou c. Turquie 
rendue par la Cour européenne des droits de l’homme le 18 décembre 1996. 
Cette décision est le précédent auquel se conforme toute une série d’affaires 
depuis lors. Madame Titina Loizidou attaquait la Turquie en réparation du 
préjudice subi par la privation de tout accès à sa propriété au Nord de l’île 
sans la moindre indemnisation. Reconnaissant les droits de la requérante en 
s’appuyant sur les résolutions des différentes organisations citées, la Cour 
reconnaît que la partie nord de l’île est sous juridiction turque. L’affaire 
inter-étatique qui suivra en 2001, ainsi que l’ensemble des décisions sur un 
objet semblable, confirment cette jurisprudence malgré le refus de la Turquie 
d’exécuter la décision Loizidou c. Turquie. 
Pourtant, le 26 novembre 2003, le gouvernement turc a accepté de payer à Madame 
Titina Loizidou l’amende d’un million d’euros de dédommagement à laquelle la 
Cour l’avait condamné. 
Néanmoins, cette exécution de la décision de la Cour n’est que partielle, la 
Turquie maintenant son refus de laisser la requérante retourner sur ses terres. 
Cette question est laissée en suspens jusqu’en décembre 2004, date à laquelle 
l’Union se prononcera sur l’opportunité de débuter les négociations d’adhésion 
avec la Turquie. 
  
L’apport de la Cour de justice 
des Communautés européennes (CJCE) est plus modeste mais ses conséquences sont 
fondamentales. En effet, l’arrêt Anastasiou du 5 juillet 1994 implique 
que les produits du Nord doivent obtenir la certification du gouvernement 
chypriote grec, seul reconnu pour l’ensemble de l’île, afin de pouvoir exporter 
leurs produits agricoles vers l’Union européenne. 
La confiance absolue nécessaire à la certification phytosanitaire ne saurait 
être octroyée à une autorité non reconnue. La situation économique de la partie 
Nord risque peu de s’améliorer suite à cette décision fondée sur la légitimité 
du gouvernement chypriote à représenter seul l’ensemble de l’île. 
  
Cette analyse, fondée sur 
l’examen des caractéristiques juridiques des deux entités, entraîne un certain 
nombre de conséquences à deux niveaux. D’un point de vue international, la « RTCN » 
ne dispose que des droits reconnus aux régimes de fait, c’est à dire la seule 
possibilité d’établir des relations diplomatiques informelles. En réalité, sa 
dépendance à l’égard de la Turquie est totale. 
Politiquement, le gouvernement de Rauf Denktash est l’archétype du gouvernement 
« fantoche » ‑ comme le soulignent les Professeurs Alain Pellet et Patrick 
Daillier ‑ 
et la responsabilité internationale véritable repose sur Ankara. Maurice Flory 
notait déjà la dépendance économique de l’entité turque : « [u]n gouvernement 
souverain est sans doute ce qui manque le plus à la nouvelle République […]. Le 
nouvel Etat ne semble pouvoir fonctionner qu’avec l’aide économique et 
financière de la Turquie qui alimente son budget à hauteur de 60% et qui a 
substitué sa propre monnaie, la livre turque, à la livre chypriote ». 
La population elle-même a connu des mutations. Ainsi, sur les 160 000 habitants 
recensés en 1997, 35 000 sont des soldats turcs auxquels s’ajoutent 50 000 
colons souvent en provenance d’Anatolie. Aujourd’hui les Chypriotes turcs sont à 
nouveaux une minorité au sein même de la partie nord. 
  
D’un point de vue interne, cette 
qualification juridique a de nombreuses conséquences sur la conduite des 
négociations. La position des autorités du Nord est principalement identitaire. 
La reconnaissance de ses caractéristiques étatiques est en effet le centre de 
ses revendications. Nœud gordien, la réussite des efforts du Secrétaire général 
des Nations Unies est donc liée à la reconnaissance d’une situation contredisant 
l’ensemble des positions internationales. Si la « RTCN » n’a pas d’existence 
internationale, le consentement de ses autorités n’en demeure pas moins 
nécessaire à tout règlement du conflit. L’inadéquation du fait au droit serait 
alors la source de l’échec constant d’une des plus anciennes entreprise 
diplomatique onusienne. 
Cet élément ne permet pourtant pas de prendre la mesure exacte de ces 
négociations. 
  
De nombreux principes de droit 
international propres aux négociations diplomatiques semblent systématiquement 
violés. En effet, les pourparlers successifs ne vont pas dans le sens de la 
recherche graduelle d’une solution. Les accords précédents sont systématiquement 
remis en cause. Pour exemple, l’accord Makarios-Denktash de 1977, base de 
négociation insistant sur le caractère unitaire de l’Etat, est interprété 
différemment selon les parties et les époques jouant entre les notions de 
fédération et de confédération ou sur les différentes interprétations du 
principe d’égalité. De plus Grecs et Turcs rejettent toujours la responsabilité 
totale de l’échec diplomatique sur l’autre camp. 
La bonne foi et la loyauté nécessaire à toute négociation font ici défaut et on 
peut s’interroger sur la volonté réelle d’aboutir des négociateurs tant des 
considérations externes à l’objet des discussions semblent être déterminantes. 
Le terme de « négociations sans fin » fut extrait d’une lettre de M. Nikos 
Rolandis, ministre chypriote grec démissionnaire après l’échec des pourparlers 
de 1985. Celui-ci stigmatisait le fait que les dirigeants ne recherchaient 
aucune solution leur imposant de faire un choix politique, préférant négocier 
sans fin à une éventuelle réunification où ils ne trouveraient pas leur intérêt 
satisfait. 
L’absence de bonne foi dans les négociations doit être rapprochée de l’essence 
du conflit : nationaliste avant tout, c’est l’argument de l’impossible 
coexistence entre communautés qui était mis en avant pour faire échec à la 
recherche d’un compromis. Or l’actualité récente infirme clairement cette 
analyse et permet de regagner l’espoir d’une solution diplomatique rapide 
permettant l’adhésion d’une république réunifiée. 
  
  
II. ‑ 
L’espoir suscité par l’élargissement européen 
  
  
L’émergence d’une union 
politique et économique entre les Etats européens au lendemain de la seconde 
guerre mondiale constitue bien plus qu’une simple démarche d’uniformisation. 
Elle est issue du traumatisme résultant des guerres opposant les puissances 
européennes depuis un siècle. La réconciliation franco-allemande est étroitement 
liée à cette volonté d’intégration. Théorisant cette constatation, MM. Maurice 
Schiff et L. Alan Winters démontrent que l’intégration régionale constitue une 
forme aboutie de diplomatie réduisant ‑ voire annihilant ‑ les tensions 
militaires entre pays voisins. 
Ces auteurs analysent les liens entre le conflit opposant le Brésil à 
l’Argentine et la création du MERCOSUR. Leurs conclusions démontrent que les 
tensions politiques et stratégiques s’effacent dans le cadre d’une union 
économique. Une telle union tend à faire converger les intérêts des Etats 
impliqués de manière approfondie. Le rôle des politiques économiques et 
financières dans une économie mondiale dont l’interdépendance est le moteur 
permet d’effacer rapidement les antagonismes politiques traditionnels. 
Appliquée au conflit chypriote, cette idée est porteuse d’espoir. 
  
En effet, la division de Chypre 
n’est plus un obstacle à l’adhésion de l’île à l’Union européenne, comme elle 
l’a été par le passé. 
L’île entière à vocation à adhérer et les négociations entreprises sont valables 
pour les deux communautés. La perspective d’une adhésion de la seule partie Sud 
est envisageable mais aucune négociation séparée avec la « RTCN » n’est 
possible. Ceci reviendrait à une reconnaissance de fait. Néanmoins un 
rattachement ultérieur à l’Union, sur le mode déjà utilisé lors de la 
réunification allemande, serait applicable. 
  
La certitude de l’adhésion 
conduit à envisager plusieurs difficultés auxquelles il n’a pas été apporté de 
réponse. La mission de Kofi Annan visait à la tenue de deux référendums 
distincts dans chaque partie de l’île afin de permettre à une république 
réunifiée d’adhérer à l’Union. 
Une situation inverse serait conflictuelle par nature. Le gouvernement grec 
étant seul reconnu, l’adhésion a vocation à intégrer l’ensemble de l’île. La 
mise à l’écart du Nord ne serait fonction que de l’occupation subie. Ainsi, 
Chypre intégrée, c’est une partie du territoire de l’Union qui se trouverait 
occupée par un Etat lui-même candidat à l’adhésion. Cette situation grèverait 
les chances d’adhésion de la Turquie. C’est alors son éventuelle adhésion qui 
serait otage de la résolution du conflit et plus l’inverse. La date critique à 
cet égard est le 1er mai 2004, jour de l’adhésion officielle de la 
République de Chypre à l’Union. La Commission européenne, dans son rapport 
annuel sur l’élargissement, a accru ses exigences envers la Turquie afin de 
favoriser la résolution du conflit. Ceci n’a pu être fait qu’au prix d’un 
infléchissement de sa position officielle. Jusqu’à présent, la résolution du 
conflit n’était plus considérée formellement comme un préalable à l’adhésion 
turque. Comme tout candidat, cette dernière n’était soumise qu’aux respect des 
critères de Copenhague et de Maastricht. Les questions propres à la division de 
l’île devaient donc être envisagées à travers le prisme de ces critères. La 
Commission européenne a franchi un pas en novembre 2003 en conditionnant 
directement l’adhésion de la Turquie à la conclusion d’un accord avant le 1er 
mai 2004. La décision de décembre 2004 sur l’ouverture des négociations serait 
la conséquence de l’infléchissement souhaité de la position turque avant le 1er 
mai 2004. En effet, l’exécutif européen dispose que : 
« La Commission rappelle que les 
efforts consentis pour résoudre le problème chypriote s’inscrivent dans le 
dialogue politique renforcé entre l’Union européenne et la Turquie. Comme l’a 
souligné à plusieurs reprises le Conseil européen, il est de l’intérêt évident 
de la Turquie, comme de toutes les parties concernées, de soutenir résolument 
les efforts en faveur d’un règlement global du problème chypriote. La Commission 
estime que les conditions sont favorables à un accord général entre les deux 
communautés sur le problème chypriote avant l’adhésion de Chypre à l’Union 
européenne le 1er mai 2004. L’absence d’accord pourrait constituer 
un obstacle sérieux aux aspirations européennes de la Turquie ».
 
  
Le référendum proposé est 
logique dans la mesure où il respecte le droit des peuples à disposer 
d’eux-mêmes, principe souvent négligé lors de la signature des accords de Zürich 
et de Londres aboutissant à l’indépendance de chypre en 1960. Si l’impossible 
coexistence des peuples est l’argument prioritaire du refus du plan Annan, la 
tenue d’un tel référendum aurait permis à ces mêmes peuples d’exprimer 
directement leur volonté. N’ayant pu le faire dans les urnes, c’est dans la rue 
que l’on a retrouvé le peuple chypriote turc descendu massivement soutenir le 
plan Annan. En janvier 2003, un tiers des chypriotes turcs avait ainsi exprimé 
son soutien au plan onusien, fissurant la thèse de l’impossible coexistence. 
Ceci peut s’expliquer par les écarts en termes de développements entre les deux 
zones de l’île. Alors que le Nord regroupait 80 % des richesses de l’île en 
1974, le PIB actuel est très inférieur à celui du sud. L’adhésion à l’Union est 
par ailleurs plus attractive économiquement que le rattachement à une Turquie 
aux prises avec des difficultés économiques majeures et soutenue à bout de bras 
par le FMI. La volonté de réunification et d’adhésion de la population chypriote 
turque ressort également des résultats obtenus par les formations d’opposition 
résolument pro-européenne lors des dernières élections législatives de décembre 
2003. Obtenant la moitié des cinquante sièges du parlement, elles ne sont pas en 
mesure de former un nouveau gouvernement, mais enregistrent une poussée 
électorale sans précédent dans un système dominé depuis l’origine par la 
formation de Rauf Denktash. 
  
Il y a dix ans, la 
Commission européenne notait la difficulté fondamentale : « [a]s a result of the
de facto division of the island into two strictly separated parts, 
however, the fundamental freedoms laid down by the Treaty, and in particular 
freedom of movement of goods, services and capital, right of establishment and 
the universally recognized political, economic, social and cultural rights could 
not today be exercised over the entirety of the island’s territory. 
These 
freedoms and rights would have to be guaranteed as part of a comprehensive 
settlement restoring constitutional arrangements covering the whole of the 
Republic of Cyprus ».
Fondamentalement, 
la division de l’île est incompatible avec le système juridique communautaire 
visant à la libre circulation des personnes et des marchandises. Or c’est 
justement à cet égard que les développements récents de la situation chypriote 
font naître l’espoir. Depuis le 22 avril 2003, la « ligne verte » est ouverte. 
Ceci fait suite à une décision unilatérale du Président chypriote turc Rauf 
Denktash sous l’influence probable d’Ankara. Les Chypriotes grecs et turcs 
peuvent circuler librement et les casques bleus, face à l’afflux massif de la 
population chypriote passe de force d’interposition à un nouveau rôle inattendu, 
celui d’agent de la circulation. En dix jours seulement, le sixième de la 
population a fait le déplacement de l’autre côté et le gouvernement chypriote 
grec ne fait pas obstacle à cette liberté de circulation retrouvée. 
L’impossible coexistence semble bien un mythe, un prétexte utilisé lors des 
négociations. 
  
Le gouvernement chypriote grec, 
sous l’autorité du Président Tassos Papadopoulos, a répondu à cette initiative 
le 30 avril 2003 par une série de mesures concernant l’attitude de la République 
vis-à-vis des Chypriotes turcs. 
Celles-ci sont édictées dans le soucis de n’accomplir en aucun cas d’actes 
s’assimilant à une reconnaissance de la « RTCN ». Le droit international est 
rappelé en préambule et l’entité chypriote turque est toujours qualifiée de 
« sécessionniste ». Néanmoins les mesures proposées, bien qu’imprécises et 
déclaratives, s’apparentent à une avancée juridique comparable à l’ouverture de 
la ligne de démarcation. Il est prévu de faciliter la libre circulation des 
personnes, des biens et des marchandises au sein de l’île mais également avec 
les marchés de l’Union européenne et des Etats tiers. Les Chypriotes turcs 
pourront travailler dans les mêmes conditions que les Chypriotes grecs. 
L’objectif affiché dès le préambule est d’offrir aux Chypriotes turcs les mêmes 
droits que ceux « que la République de Chypre offre à ses citoyens » 
dans tous les domaines, économiques, politiques, sociaux et culturels. Cette 
attitude est conforme à la position juridique constante du gouvernement 
chypriote. Les citoyens de l’ensemble de l’île sont chypriotes, ceux du Nord 
vivent sous occupation militaire. La non-reconnaissance de la « RTCN » implique 
logiquement l’unité de nationalité de la population. Dans cet esprit de 
nombreuses mesures sont annoncées allant de l’accès à la couverture médicale à 
la participation aux élections locales et notamment européennes. Le déminage de 
la « buffer zone », zone de déploiement de la force d’interposition onusienne (UNFICYP), 
est envisagé comme si son heure avait déjà sonné. A cet égard, l’élection des 
membres du Parlement européen de juin 2004, à laquelle la République de Chypre 
participera pour la première fois, permettra d’appréhender la réalité des 
promesses du gouvernement chypriote. Parallèlement, Ankara semble assouplir sa 
position. Le Conseil national de sécurité, institution fondamentale en Turquie, 
déclarait le 23 janvier « sa détermination politique à atteindre rapidement une 
solution qui prenne comme référence le plan Annan et tienne compte des réalités 
de l’île ». 
En marge du forum économique de Davos de janvier 2004, le Premier ministre turc 
rencontrait le Secrétaire général des Nations Unies et affirmait son accord à la 
tenue d’un référendum à Chypre d’ici le 1er mai, ce qui, selon Kofi 
Annan, « améliorerait considérablement les relations de la Turquie avec l’Union 
européenne ». 
  
Ces éléments constituent un pas 
décisif dans la direction donnée par la Commission européenne, par son avis du 
30 juin 1993, dans la recherche de l’adaptation durable de l’acquis 
communautaire. 
L’Europe semble alors plus proche malgré les difficultés d’acceptation du plan 
onusien. Dans cette perspective, le Commissaire européen en charge de 
l’élargissement, Günter Verheugen, se mettait à imaginer que « Chypre unifiée 
puisse rejoindre l’Union européenne en mai 2004 ». 
L’année 2004 sera vraisemblablement historique pour Chypre : le moment semble 
venu pour les différents protagonistes de faire le choix définitif entre la 
réunification ou la partition définitive de l’île d’Aphrodite. 
  
  
* * * 
  
   
  NOTES 
    
  
     
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
    
   
    
  
  
    
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Copyright : © 2003 2004 David K. Nanopoulos. Tous droits réservés. Impression
        et citations : Seule la version
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Mode 
officiel de citation :  
NANOPOULOS David K. - « L'Union 
européenne, catalyseur de la réunification chypriote ». - Actualité et Droit International, 
février 2004. 
<http://www.ridi.org/adi>. 
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