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 TRIBUNAL
PÉNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE 
 
2e semestre 2001 
  
Le Procureur c. Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago 
Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic, 
IT-95-16-A, Chambre d’appel, Arrêt, 23 octobre 2001 
(sur le site 
du TPIY : Arrêt 
HTML |
PDF - Communiqué de Presse N°
629 en 
anglais) 
  
par 
Céline
Renaut 
Doctorante
à l'Université de Paris Sud XI 
  
 
 
  
  
    
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         Note
        : Les jugements et arrêts étant rarement disponibles en français, la
        décision a été prise de traduire les passages cités afin de
        faciliter la lecture de cette chronique (le texte original a été alors
        placé entre parenthèses ou en note). Les liens renvoient aux sites
        officiels.
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Le 14 janvier 
2000, la Chambre de première instance II condamnait Zoran Kupreskic, Mirjan 
Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic et Vladimir Santic pour crimes 
contre l’humanité (persécution), crimes perpétrés au cours de l’attaque des 
Musulmans bosniaques du village d’Ahmici en avril 1993. 
Ils ont été respectivement condamnés à une peine d’emprisonnement de 10, 8, 6, 
15 et 25 ans. Seul Dragan Papic a été acquitté. Tant le Procureur que les 
défendeurs ont fait appel de ce jugement. La Chambre d’appel, par son arrêt du 
23 octobre 2001, annule les condamnations de Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic 
et Vlatko Kupreskic et accueille partiellement les griefs présentés par les deux 
autres accusés dont les peines d’emprisonnement seront réduites à une durée de 
12 ans pour le premier et de 18 ans pour le second. 
  
Réexamen des 
faits par la Chambre d’appel 
  
La Chambre 
d’appel souligne à nouveau 
qu’elle ne fonctionne pas comme une seconde chambre de première instance, en 
indiquant que sa fonction n’est pas de procéder à un réexamen et que, 
conformément à l’article 25 du Statut du TPIY, son rôle est de corriger les 
erreurs sur les points de droit qui invalident une décision ou les erreurs de 
fait ayant entraîné un déni de justice. En dehors de ces hypothèses, la Chambre 
d’appel n’examinera les arguments des parties que dans le cas exceptionnel où 
ils soulèvent une question particulièrement importante pour la jurisprudence du 
Tribunal 
(§ 22). 
  
Par 
conséquent, ce ne sont pas toutes les erreurs de droit ou de fait qui conduisent 
la Chambre d’appel à annuler un jugement de première instance mais seulement 
celles qui ont provoqué un déni de justice 
(§ 29). Conformément à la jurisprudence du Tribunal, les Chambres de première 
instance sont les mieux placées pour examiner les éléments de preuve et 
notamment les témoignages présentés au procès, pour les évaluer et pour leur 
accorder une valeur probante. La Chambre d'appel se doit donc d'accorder a 
priori un crédit à l'évaluation par la Chambre de première instance des 
éléments de preuve présentés au procès. Elle ne peut annuler les conclusions 
factuelles de la Chambre de première instance que lorsqu'un tribunal raisonnable 
n'aurait pas retenu les éléments de preuve qui fondent la décision ou lorsque 
l'évaluation des preuves est totalement erronée 
(§ 30). 
  
Réexamen des faits 
lorsque des moyens de preuve supplémentaires sont admis en application de 
l’article 115 du Règlement de procédure et de preuve (RPP) 
  
Les requérants 
ayant fait 26 requêtes aux fins de présenter des moyens de preuve 
supplémentaires, la Chambre commence par rappeler la jurisprudence du Tribunal 
en matière d’application de l’article 115 du RPP. Ainsi apparaît-il que le 
nouveau moyen de preuve qui aurait probablement montré que la condamnation ou la 
peine prononcée n’étaient pas justifiées doit être admis dans l’intérêt de la 
justice. 
  
En l’espèce, 
la Chambre d’appel considère (§ 68) qu’il convient d’appliquer l’article 115 du 
RPP en appel lorsque le nouveau moyen de preuve « aurait pu influencer » le 
verdict rendu en première instance (« ‘could’ have had an impact on the 
verdict ») et non quand il « aurait probablement influencé » ce verdict 
(« ‘would probably’ have done so »). La Chambre souligne que ce changement dans 
la formulation de sa jurisprudence a moins d’incidence sur sa substance que sur 
son application dans le temps. En effet, le second critère (« would probably ») 
doit être maintenu pour déterminer en dernier ressort s’il y a eu ou non un déni 
de justice justifiant une annulation du jugement de première instance (§ 69). 
  
Compte tenu de 
la difficulté liée à établir si l’intérêt de la justice exige que soit pris en 
compte les nouveaux moyens de preuve présentés, la Chambre d’appel impose à la 
partie qui se prévaut de l’article  115 du RPP d’indiquer clairement l’impact 
que ces nouveaux moyens auraient pu avoir sur la décision de première instance 
(§ 69). 
  
L’article 115 
du RPP ne précise pas à quel moment de la procédure en appel doit intervenir 
l’admissibilité des moyens de preuve supplémentaires. Toutefois, de la 
combinaison des articles 115 et 117 du RPP, il découle que même si la décision 
d’admettre des moyens de preuve supplémentaires est prise en même temps que 
l’appel principal, une procédure en deux temps doit cependant être envisagée 
dans laquelle les nouvelles preuves, après avoir été admises, seront évaluées 
quant à leur effet sur l’appel dans son entier (§ 71). 
  
En somme, la 
Chambre d’appel décide souverainement d’admettre des moyens de preuve 
supplémentaires en application de l’article 115 du RPP avant ou pendant l’appel. 
Pour déterminer si ces moyens de preuves auraient dû être admis en première 
instance, elle doit établir s’ils auraient pu influencer le verdict de première 
instance. Les nouvelles preuves, si elles sont admises, ne permettent 
l’annulation du verdict antérieur en cause que si le requérant a démontré qu’un 
tribunal raisonnable n’aurait pas conclu à sa culpabilité sur la base des 
preuves présentées en première instance et des nouvelles preuves présentées en 
appel 
(§§ 75-76). 
  
Degré de 
précision de l’acte d’accusation et procès équitable
  
Zoran et 
Mirjan Kupreskic allèguent que la Chambre de première instance a commis une 
erreur de droit en les condamnant pour persécution sur la base de faits 
matériels non visés dans l’acte d’accusation, point sur lequel la Chambre 
d’appel leur répond favorablement. Car il a résulté du fait que les faits sur 
lesquels ils ont été condamnés ne figuraient pas à l’acte d’accusation, que leur 
droit à être informés de la nature des faits retenus contre eux et de disposer 
du temps et des moyens nécessaires à la préparation de leur défense n’a pas été 
respecté. En d’autres termes, c’est leur droit à un procès équitable (art. 21 du 
Statut) qui a été bafoué en l’espèce (§ 124).  
  
Après avoir 
accueilli ce moyen (§ 134), la Chambre d’appel examine s’il est ou non opportun 
de procéder à un nouveau jugement des frères Kupreskic. La condamnation de ces 
derniers reposant essentiellement sur le témoignage du témoin H. et la Chambre 
de première instance n’ayant pas pris en compte plusieurs éléments qui mettaient 
en cause la crédibilité de ce témoin (§§ 224 et ss.), la Chambre d’appel 
considère que les charges retenues contre les accusés ne peuvent être maintenues 
(§ 245). 
  
La Chambre 
d’appel accueille de la même manière le grief soulevé par Drago Josipovic 
relatif au manque de précision de son acte d’accusation. Elle reconnaît 
également que la Chambre de première instance ne disposait pas des preuves 
nécessaires pour affirmer qu’il occupait une position de supérieur à l’égard des 
soldats impliqués dans l’attaque du village d’Ahmici et réduit donc la durée de 
la peine d’emprisonnement du plaignant (§§ 437-439). 
  
Révision des 
peines de Vladimir Santic et de Vlatko Kupreskic 
  
La réduction 
de la peine de Vladimir Santic ne découle qu’en partie d’une erreur 
d’appréciation des faits de la part de la Chambre de première instance. En 
effet, la Chambre d’appel n’a pas seulement pris en considération le fait qu’il 
n’était pas prouvé que l’accusé avait aidé à préparer l’attaque d’Ahmici. Elle a 
également tenu compte de son aveu de culpabilité concernant certains des chefs 
d’accusation et de la coopération substantielle avec le Procureur dont il a fait 
preuve après sa condamnation (§§ 465-466). 
  
Quant à Vlato 
Kupreskic, la Chambre d’appel estime qu’au vu des preuves présentées à son 
encontre en première instance, un Tribunal ne peut pas raisonnablement conclure 
à sa culpabilité pour persécution et l’acquitte (§ 304). 
  
Cumul des 
condamnations 
  
Le Procureur 
fait reproche à la Chambre de première instance d’avoir refusé de condamner 
Drago Josipovic et Vladimir Santic pour violation des articles 3 et 5 du Statut 
sur la base des mêmes actes. La question du cumul des condamnations n’a été 
examinée par la Chambre d’appel dans les affaires Delalic et Jelisic
qu’après le jugement de première instance rendu dans l’affaire Kupreskic, 
ce qui explique que la Chambre de première instance ait fait une application 
erronée du droit sur ce point. En effet, il découle de la jurisprudence de la 
Chambre d’appel que le cumul des condamnations pour un même comportement violant 
les articles 3 et 5 du Statut est autorisé. Toutefois, l’erreur de la Chambre de 
première instance n’a pas entraîné une augmentation de la peine infligée aux 
deux accusés concernés car le Procureur avait précisé qu’il ne souhaitait que 
l’annulation de leur acquittement pour la violation de l’article 5 du Statut 
(§ 388). 
  
  
* * * 
  
  
   
  NOTES 
    
  
   
    
  
  
    
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Copyright : © 2002 Céline Renaut. Tous droits réservés.  | 
     
   
  
 
     
 
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