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TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA
 

L’essentiel de la jurisprudence du TPIR depuis sa création jusqu’à septembre 2002

par
Roland Adjovi
Doctorant à l’Université Panthéon – Assas (Paris II)
et
Florent Mazeron
ATER à l’Université d’Auvergne (Clermont I)

 

 

Résumé : Créé par la résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est compétent pour connaître des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre perpétrés en 1994 au Rwanda ou dans des pays voisins. Malgré des débuts difficiles et un bilan encore mince, sa jurisprudence apporte indéniablement une contribution importante au droit international humanitaire dont nous souhaitons relever ici les traits essentiels.

 

Abstract: Created by Security Council’s resolution 955 (1994), the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) is competent with genocide, crimes against humanity and war crimes committed in Rwanda and bordering countries in 1994. Despite numerous difficulties in its early stages, this tribunal is building progressively an important contribution to international humanitarian law. The aim of this article is to pick up the most significant elements of this contribution.


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INTRODUCTION

 

 

Sur la base de différents rapports faisant état de la commission d’actes de génocide ainsi que d’autres violations systématiques du droit international humanitaire au Rwanda en 1994[1] et à la demande expresse du nouveau gouvernement de ce pays[2], le Conseil de sécurité des Nations Unies créa le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) par sa résolution 955 (1994) adoptée le 8 novembre 1994. Après avoir appelé de ses vœux la création de cette institution, le Rwanda vota finalement contre la résolution 955 pour diverses raisons dont les deux principales sont l’absence de priorité donnée dans le Statut au crime de génocide et l’absence de la peine capitale parmi les sanctions[3]. La prise en compte des crimes de guerre dans le mandat du TPIR et l’extension de sa compétence ratione temporis au delà de la prise de pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR) en juillet 1994 peuvent également expliquer la position des autorités rwandaises. Les premières mises en accusation de membres de l’armée patriotique rwandaise (APR) seraient d’ailleurs imminentes[4] et les relations entre Arusha et Kigali s’en sont récemment trouvées tendues, au point que le gouvernement rwandais aurait empêché certains de ses ressortissants d’aller témoigner devant le TPIR[5]. Elles risquent de se détériorer plus encore avec les résultats, attendus pour l’automne, de l’enquête menée par la justice française sur l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au Président rwandais Habyarimana et qui marqua le début du génocide. Le Procureur du TPIR devra alors décider s’il se saisit ou non du dossier. Or, si l’enquête française confirme le rapport Hourigan[6] qui avait mis en cause l’actuel Président rwandais Paul Kagamé, le Tribunal risque d’être le seul à pouvoir exercer des poursuites en raison de l'immunité de juridiction pénale que le droit international reconnaît aux chefs d’État en exercice devant les tribunaux étrangers[7]. La fin de l’année 2002 s’annonce donc particulièrement cruciale pour le TPIR.

Selon l’article premier de son Statut, la compétence générale du TPIR concerne « les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d’Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ». Les articles 2 à 4 du Statut détaillent ensuite la compétence ratione materiae du Tribunal, qui comprend le génocide, les crimes contre l’humanité ainsi que les violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et de leur Protocole additionnel II.

Depuis sa création, le TPIR a rendu huit jugements portant condamnation, dont sept ont fait l’objet d’un appel. La chambre d’appel a pour l’instant confirmé six condamnations, les appels du Procureur et de la défense dans l’affaire Rutaganda étant en délibéré[8]. Un acquittement a également été prononcé par la Chambre de première instance et confirmé par la chambre d’appel, celui d’Ignace Bagilishema, Bourgmestre de Mabanza[9]. Ce dernier a été relaxé de tous les chefs d’accusation pesant sur lui : génocide, complicité de génocide, entente en vue de commettre le génocide, crimes contre l’humanité et violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève, et du Protocole II.

Ces différents jugements et arrêts feront l’objet de la présente analyse, qui ne porte que sur le fond du droit, et non sur les éléments de procédure. Elle exclut également les problèmes concernant la fixation de la peine, de même que ceux relatifs à l’article 6 du Statut qui détermine la nature et l’étendue de la responsabilité pénale individuelle. Pour chaque catégorie de crimes visée au Statut, nous relèverons les principaux apports des décisions mentionnées ci-dessus, en veillant à les replacer dans la perspective de la jurisprudence antérieure et de la doctrine pertinente, afin d’en identifier les problèmes juridiques majeurs. Enfin, nous examinerons une problématique commune aux différents crimes, le concours d’infractions.

 

Nous exclurons en revanche de notre étude trois affaires qu’il convient néanmoins de présenter brièvement. Deux d’entre elles sont terminées sans avoir été jugées au fond, à la suite du retrait des actes d’accusation. La première implique Bernard Ntuyahaga, ancien membre des Forces armées rwandaises (FAR), accusé des meurtres d’Agathe Uwilingiyimana, Premier Ministre par intérim du Rwanda et de dix casques bleus belges de la Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR). Après avoir rejeté une demande d’extradition de la Belgique[10], la Chambre de première instance I a pris la décision d’accorder au Procureur le retrait de son acte d’accusation le 18 mars 1999[11] et de remettre en liberté le major Ntuyahaga. Faisant néanmoins l’objet de deux autres procédures d’extradition déposées par la Belgique et le Rwanda auprès de la Tanzanie, il a été immédiatement arrêté par les autorités de ce pays où il est encore détenu, la procédure d’extradition étant en cours. La seconde concerne Léonidas Rusatira, ancien commandant de l'Ecole supérieure militaire de Kigali au sein des FAR. Le 14 août 2002[12], le Président du Tribunal, la juge Pillay, a rendu une décision qui autorise le Procureur à retirer l'acte d'accusation contre Léonidas Rusatira pour défaut de preuves. L’arrestation de Léonidas Rusatira avait en effet provoqué l'émoi dans les milieux des défenseurs des droits de l'homme ; il est connu pour avoir lancé dès le 12 avril 1994 des appels à l'arrêt des massacres et pour avoir sauvé de nombreux Tutsis[13].

Enfin, il nous faut signaler l'affaire Barayagwiza qui constitue un pathétique feuilleton judiciaire. Arrêté et mis en détention au Cameroun à la demande du Procureur du TPIR en 1996, Jean-Bosco Barayagwiza attendra huit mois pour être transféré à Arusha et encore cinq mois avant sa première comparution. Le 3 novembre 1999[14], se fondant sur la doctrine de l’abus de procédure judiciaire, la Chambre d’appel annule les charges retenues contre Barayagwiza, ordonne sa libération immédiate et interdit au Procureur d’exercer de nouvelles poursuites pour les mêmes faits. La chambre d’appel envisage d’abord de le remettre au Cameroun qui, cependant, ne souhaite pas l’accueillir. Quant à la solution, plus logique, de la libération simple, elle est rejetée car elle équivaudrait à une livraison de facto au Rwanda et exposerait Barayagwiza à la peine de mort. Seul le dépôt par le Procureur d’une requête en révision de l’arrêt de 1999 permettra de sortir de l’impasse, en offrant notamment une justification au maintien en détention. Finalement, au prix d’une interprétation très souple des conditions de révision, la Chambre d’appel décidera, dans un arrêt en date du 31 mars 2000[15], de lever l’interdiction des poursuites. Après avoir failli s’arrêter définitivement, cette affaire reprend actuellement son cours devant le TPIR, désormais jointe à d’autres actes d’accusation dans le cadre du procès des médias.

 

 

I. – CRIME DE GENOCIDE

 

 

Le crime de génocide est une construction du XXe siècle, même si l’acte nous semble avoir toujours existé. S’agissant du Rwanda en particulier, c’est la qualification première à laquelle les différents rapports sur les événements d’avril 1994 font référence. L’originalité du TPIR sera, d’une part, de déterminer le fondement juridique de ce crime dans le contexte rwandais, et, d’autre part, d’en offrir la première interprétation dans le cadre d’un procès pénal international.

 

 

A. - Le génocide : fondement conventionnel et coutumier

 

 

Les sources classiques du droit international sont, conformément à l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ), les conventions, la coutume, les principes généraux de droit et, auxiliairement, la jurisprudence et la doctrine. C’est donc à juste titre que les juges d’Arusha ont recherché dans ces différents éléments, le fondement juridique du crime de génocide, étape nécessaire pour respecter le principe de légalité inhérent à tout régime pénal.

La source la moins discutable[16] de cette incrimination est la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, entrée en vigueur en 1951. C’est la première consécration du génocide comme crime spécifique dans un texte juridique à valeur obligatoire[17]. Or, le Rwanda a adhéré à cette convention le 16 avril 1975[18], ce qui suffit à appliquer les dispositions conventionnelles à la situation survenue dans le pays en 1994, sans violer le principe de légalité. Néanmoins, la jurisprudence du TPIR a approfondi la question de la source, en affirmant la valeur coutumière du caractère criminel du génocide.

Dès la première décision au fond (Akayesu, Jugement, 1998), les juges ont affirmé que « [l]a Convention sur le génocide est incontestablement considérée comme faisant partie du droit international coutumier comme en témoigne l’avis consultatif rendu en 1951 par la Cour internationale de Justice sur les réserves[19] et comme l’a d’ailleurs rappelé le Secrétaire général des Nations Unies dans son rapport sur la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie » (ibid, § 495)[20].

La mention dudit rapport nous apparaît superflue dans le raisonnement. Il n’a aucune valeur juridique en soi et, de plus, ne fonde la valeur coutumière du crime de génocide que sur le seul avis consultatif de 1951. C’est donc exclusivement dans cette référence qu’il faut rechercher la consécration coutumière des dispositions conventionnelles. Or, dans cet avis, la CIJ s’est contentée d’affirmer que « les principes qui sont à sa base [de cette Convention] sont reconnus par les nations civilisées comme engageant même en dehors de tout lien conventionnel »[21]. Cette formule laconique, qui fonde depuis le caractère coutumier du crime de génocide, relève davantage de l’incantation morale que de la démonstration juridique. A notre sens, celle-ci aurait exigé que soit rapportée la preuve d’une pratique concordante des États et d’une opinio juris. La CIJ ne l’a pas fait, et le TPIR n’a pas pallié cette lacune. Pourtant, cinquante ans après l’avis sur les réserves, la démonstration aurait pu s’appuyer sur les nombreuses résolutions des Nations Unies qui, à la suite de celle du 9 décembre 1948 (Rés. 260 A (III)), ont réaffirmé le caractère criminel du génocide, ainsi que sur un examen détaillé de la législation et de la jurisprudence des États[22].

Qu’à cela ne tienne, la doctrine - à la fois « des publicistes les plus qualifiés »[23] et des États - semble unanime sur ce point, et nul ne conteste l’universalité du caractère criminel du génocide. La contribution la plus riche de la jurisprudence du TPIR se situe donc, à ce jour, dans la détermination des éléments constitutifs de ce crime.

 

 

B. - Le génocide à travers ses éléments constitutifs

 

 

Comme tout crime, le génocide dans ses différentes formes[24] comprend deux éléments, l’un matériel et l’autre psychologique. Les précisions apportées par la jurisprudence du TPIR sont nombreuses, mais nous ne retiendrons que les questions relatives au dol spécial et au groupe, soit parce que les autres éléments ont déjà fait l’objet de critiques auxquelles nous adhérons[25], soit parce qu’ils n’appellent pas de critique à notre connaissance[26].

 

1. - Dol spécial

 

Le dol spécial constitue un élément très spécifique du génocide. Les juges le définissent comme l’intention précise, chez le criminel, de provoquer le résultat incriminé, à savoir la destruction, en tout ou en partie, d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel (Akayesu, Jugement, 1998, § 498)[27]. La difficulté majeure est de savoir à quel niveau il faut rechercher cette intention spécifique[28]. En fonction de l’autorité exercée par la personne inculpée, la preuve du dol sera plus ou moins difficile, les juges l’ayant recherchée tantôt au niveau de l’accusé, tantôt dans la politique génocidaire (ibid., § 523).

La politique génocidaire constitue le « contexte général de perpétration » du crime ; elle apparaît dans les prises de position des autorités de fait ou de droit, quel que soit leur rang. Participent aussi de la preuve de cette politique génocidaire, « l’échelle des atrocités commises, leur caractère général, dans une région ou un pays, ou encore le fait de délibérément et systématiquement choisir les victimes en raison de leur appartenance à un groupe particulier, tout en excluant les membres des autres groupes » (ibid., § 523). La difficulté, au niveau pénal, est de savoir si le juge, une fois que l’existence d’une telle politique a été prouvée dans une affaire, peut faire l’économie de sa démonstration dans les autres affaires et se contenter de déterminer dans quelle mesure l’acte spécifique d’une personne participe de cette politique. Dans la pratique actuelle des tribunaux pénaux internationaux (TPI), les juges ont choisi d’en faire la démonstration dans chaque affaire, mais, en réalité, ils reprennent la même analyse. Cette difficulté s’accentue lorsque des instances internationales non juridictionnelles ont établi l’existence d’une telle politique, comme ce fut le cas avec le rapport de Degni-Ségui, où il est dit explicitement que les événements survenus en avril 1994 revêtent la nature d’« un génocide résultant des massacres de Tutsi »[29]. Il faut craindre dès lors que cette qualification extrajudiciaire par le système ayant mis en place la juridiction pénale internationale n’influence les décisions judiciaires, risque qui n’est cependant pas spécifique aux tribunaux pénaux internationaux.

Quant à l’intention d’une personne en particulier de « détruire, en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux », la preuve en paraît bien plus difficile si la personne n’est pas dans une position d’autorité. Les juges ont alors recherché dans les « actes et propos » de l’accusé, l’existence d’une volonté bien déterminée en ce sens, même si le groupe visé n’a pas été totalement décimé (ibid., § 497)[30]. La politique génocidaire reste un critère essentiellement pour les accusés qui ont une fonction gouvernementale : elle sera déterminée par les actes et propos de l’accusé mais aussi par les actes des organes de l’État.

 

2. - Groupe

 

La Convention de 1948 établit quatre types de groupe dont les critères distinctifs sont la nation, la race, l’ethnie et la religion. Ces critères sont tous, à des degrés différents, flous, du moins si l’on tente d’en donner une définition objective.

En ce qui concerne le groupe national, la Chambre de première instance I du TPIR tente de le définir objectivement, en se fondant sur la jurisprudence Nottebohm de la Cour internationale de Justice[31]. Elle l’envisage comme « un ensemble de personnes considérées comme partageant un lien juridique basé sur une citoyenneté commune, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs » (ibid., § 512). Elle écarte ainsi une définition plus subjective de la Nation, fondée sur le sentiment d’appartenance, pour ne retenir que le lien objectif de nationalité. L’inconvénient d’une telle définition est son caractère restrictif. Dans le cas rwandais, elle exclut la qualification des groupes Tutsi ou Hutu de « national ». Elle entraîne aussi, dans un autre contexte, une interrogation sur la pertinence du caractère national du groupe Bosniaque musulman, puisque Bosniaques, Croates et Serbes faisaient partie d’une même entité étatique antérieure, la Yougoslavie. A ce titre la seule qualification par la Constitution yougoslave de 1963, du groupe Bosniaque musulman comme une Nation, suffit-elle à fonder l’analyse du juge ?[32]

Si les juges ont retenu une définition exclusivement étatique et objective du critère national, c’est peut-être aussi pour ne pas empiéter sur le critère ethnique, qu’ils ont également tenté de définir objectivement dans un premier temps, en affirmant que le « groupe ethnique qualifie généralement un groupe dont les membres partagent une langue ou une culture commune » (ibid., § 513). Dans la perspective occidentale, Hutus et Tutsis sont généralement distingués sur la base de ce critère. Mais n’y a-t-il pas là une certaine méconnaissance de l’environnement social rwandais, où les groupes ethniques qu’on tend à y distinguer, ont une langue et, pour l’essentiel, une culture communes[33] ?

Le critère racial n’est pas plus évident à définir objectivement. Même s’il est certaines différences physiques indéniables entre les humains – Blanc, Noir, Pygmées, Blond, Cheveux crépus, etc.[34] – ces différences ne font pas pour autant des êtres humains ayant les mêmes caractéristiques une race à part. Les travaux d’experts réunis sous l’égide de l’UNESCO[35] ont conduit à la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux[36] qui, dès son article premier (§ 1), affirme que « [t]ous les êtres humains appartiennent à la même espèce et proviennent de la même souche ». Pourtant, de nombreux textes de droit international positif persistent à utiliser le critère racial pour désigner les persécutions ou les discriminations prohibées.

Enfin, s’agissant du critère religieux[37], la difficulté réside, s’agissant du contexte africain en particulier, dans l’hétérogénéité des croyances, avec toutes les combinaisons possibles. Ainsi, une plaisanterie courante - mais révélatrice d’une réalité sociale certaine - veut qu’il y ait, au Bénin, 45% de chrétiens, 25% de musulmans et 100% d’animistes ! Cette réalité est commune aux États de l’Afrique subsaharienne. En conséquence, le groupe chrétien sera facile à déterminer, mais celui des adorateurs de l’arc-en-ciel beaucoup moins…

Ces difficultés nous conduisent donc à douter de l’opportunité d’une méthode strictement objective pour déterminer l’existence d’un groupe protégé. D’ailleurs, après avoir adopté une telle méthode, particulièrement dans l’affaire Akayesu, les juges d’Arusha vont progressivement se tourner vers une approche subjective à partir de l’affaire Kayishema – Ruzindana (Jugement, 1999, § 98)[38], comme le fait bien apparaître Edouard Delaplace dans sa contribution au récent colloque du CREDHO de Rouen consacré à la répression du génocide rwandais[39].

Mais l’approche subjective présente en outre d’autres difficultés. En particulier, l’une des questions qui se posent est de savoir s’il faut retenir la perception de l'auteur du crime ou celle de sa victime et, dans ce dernier cas, s’il faut retenir la perception que la victime a, individuellement, d’elle-même ou celle que le groupe de victimes a de lui-même[40]. A l’instar du TPIR, il nous semble néanmoins que l’approche subjective centrée sur l'auteur devrait être privilégiée[41]. Le but originel du crime de génocide n’est-il pas, en effet, de punir l’intention de détruire un groupe, quel qu’il soit, à partir du moment où le criminel se le représente comme tel ? Certes, il est vrai qu’une approche exclusivement subjective peut se heurter à un problème de preuve. Elle est également limitée par la liste établie dans la définition du génocide, qui exclut a priori les autres types de groupes, notamment politique ou culturel[42]. Il convient cependant de remarquer que, dans l’affaire Akayesu (Jugement, 1998, § 702), la première chambre a estimé que l’énumération n’était pas limitative et qu’elle pouvait s’étendre à tout groupe stable et permanent, car telle était l’intention des rédacteurs de la Convention de 1948.

Au final, il nous semble donc que seule une combinaison des différentes approches permettra de déterminer, au cas par cas, si le groupe tel que se le figure subjectivement le criminel correspond effectivement à un groupe qui, de manière plus instinctive que rationnelle, est susceptible d’être objectivement identifiable par un observateur extérieur impartial… Tout un programme !

 

 

II. - CRIMES CONTRE L'HUMANITE

 

 

L’existence de la catégorie « crime contre l’humanité » est bien antérieure au XXe siècle, mais son contenu a varié dans le temps. La Chambre de première instance I offre la définition contemporaine de ce crime, en ces termes :

 

« De l’avis de la Chambre, l’article 3 du Statut confère au Tribunal compétence pour poursuivre des personnes du chef de divers actes inhumains constitutifs de crimes contre l’humanité. Cette catégorie de crime comporte grosso modo quatre éléments essentiels, à savoir :

i) l’acte, inhumain par définition et de par sa nature, doit infliger des souffrances graves ou porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé mentale ou physique ;

ii) l’acte doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ;

iii) l’acte doit être dirigé contre les membres d’une population civile ;

iv) l’acte doit être commis pour un ou plusieurs motifs discriminatoires, notamment pour des motifs d’ordre national, politique, ethnique, racial ou religieux ». (Akayesu, Jugement, 1998, § 578)[43].

 

Cette définition offre une vue synthétique assez claire de ce crime dans le Statut du TPIR. Des quatre éléments énumérés, le premier est commun à toute définition du crime contre l’humanité : c’est pourquoi notre analyse l’écarte dans les lignes à suivre, et s’intéresse plus particulièrement aux trois autres, à savoir la population civile, l’attaque généralisée ou systématique et le motif discriminatoire.

 

 

A. - Population civile (contexte particulier d’un conflit interne)

 

 

De manière générale en droit international humanitaire, c’est l’une des questions qui divisent, en corrélation avec la qualification de combattants. Ainsi selon Mario Bettati, « [l]a définition de la population civile est négative en ce que l’on dit ce qu’elle n’est pas, et non ce qu’elle est. On en déduit donc, en résumé, qu’est personne civile tout non-combattant »[44]. Or, la difficulté de détermination du combattant, classique en droit des conflits armés, est accentuée par le caractère non international du conflit survenu au Rwanda en 1994. En effet, dans une guerre où des civils ont pris les armes contre d’autres civils, sans que les combattants caractérisés – groupes armés organisés – ne soient hors du jeu, comment déterminer qui, de la population civile, participe au conflit ?

Nous pensons que le caractère civil de certaines personnes doit être présumé de manière irréfragable. C’est le cas notamment des enfants[45] et de toute personne inapte à combattre. Mais il reste une marge d’incertitude importante. La jurisprudence du TPIR n’est pas prolixe sur cette définition, et il faut rechercher, au cas par cas, la preuve que la victime est ou non un membre de la population civile[46].

 

 

B. - Attaque généralisée ou systématique

 

 

A la lecture de la seule version française du Statut du TPIR, on aurait pu croire à une autre spécificité, dans la mesure où les deux formes d’attaque semblent constituer des critères cumulatifs, en raison de la conjonction de coordination « et ». Mais dès l’affaire Akayesu, les juges ont rétabli la concordance entre cette version et les autres versions linguistiques, en affirmant qu’il s’agissait là d’une erreur de traduction (Jugement, 1998, § 579, note 143). Ils en ont profité pour affirmer l’existence d’une définition coutumière dans laquelle ces deux caractères de l’attaque sont alternatifs, ce que semble confirmer le Statut de Rome dans son Article 7 (§ 1), puisque cette disposition n’a pas fait l’objet de discussions particulières durant la Conférence de Rome.

Quant à la définition même des deux caractères, la Chambre d’instance a affirmé que « [l]e caractère ‘généralisé’ résulte du fait que l’acte présente un caractère massif, fréquent, et que mené collectivement, il revêt une gravité considérable et est dirigé contre une multiplicité de victimes. Le caractère ‘systématique’ tient, quant à lui, au fait que l’acte est soigneusement organisé selon un modèle régulier en exécution d’une politique concertée mettant en œuvre des moyens publics ou privés considérables » (ibid., § 580)[47]. Quant à l’attaque, elle « peut se définir comme tout acte contraire à la loi du type énuméré aux alinéas a) à i) de l’article 3 du Statut (assassinat, extermination, réduction en esclavage, etc.) » (ibid., § 581)[48].

De ces précisions, il résulte d’abord une insatisfaction : l’absence de seuil dans la gravité, le caractère massif, la fréquence, etc. Un tel seuil est indéterminable, sauf à adopter une approche numérique de l’inhumanité : un millier de morts pourrait ainsi constituer un crime contre l’humanité, tandis que « mille moins un » (999) morts n’en constituerait pas un[49]. L’impossibilité pratique de ce critère, qui en accentue la subjectivité, ne devrait-elle pas conduire à adopter des critères moins fluctuants pour une meilleure sécurité juridique[50] ?

De plus, il découle de ces définitions qu’il n’est pas nécessaire que soit établie l’existence d’une politique d’État (ibid., § 580)[51]. Le parallèle doit être établi ici avec le génocide pour lequel l’intention de détruire peut résulter d’une politique d’ensemble qui n’est pas forcément la politique d’un État déterminé. Mais il est nécessaire qu’il s’agisse de la politique d’un groupe humain donné.

Enfin, et s’agissant des actes constitutifs de crimes contre l’humanité, il faut signaler le cas particulier du viol, pour lequel, en l’absence d’un consensus international (ibid., § 596), la Chambre offre sa définition en s’inspirant en partie de jurisprudences nationales : le viol est « une invasion physique de nature sexuelle commise sur la personne d’autrui sous l’emprise de la contrainte » (ibid., § 598)[52]. Cette méthode pose toujours problème dans la mesure où elle confère un large pouvoir d’interprétation à des juges qui n’ont qu’une vision parcellaire des droits nationaux, malgré l’utilisation de la formule rituelle « les grands systèmes juridiques ». Pourtant cette définition fera jurisprudence devant les TPI, puisque dans l’affaire Furundzija, la Chambre de première instance du TPIY la reprend à son compte et l’approfondit[53].

 

 

C. - Motif discriminatoire

 

 

La définition que le TPIR donne de la discrimination dans la qualification du crime contre l’humanité corrobore parfaitement notre affirmation selon laquelle les crimes commis à l’encontre d’autres groupes que ceux mentionnés dans la définition du génocide, entrent dans cette catégorie plus large. L’article 3 du Statut du TPIR inclut d’ailleurs expressément le groupe politique. S’agissant des quatre autres groupes – national, racial, ethnique ou religieux – qui sont communs aux crimes contre l’humanité et au génocide, la distinction se fera dans l’existence ou non de l’intention spéciale : la volonté de détruire, en tout ou en partie, le groupe. En l’absence de cette intention, la personne en cause est coupable d’un crime contre l’humanité.

Il faut ajouter que ce motif discriminatoire constitue, conformément à la jurisprudence constante du TPIR, une limitation spéciale de sa compétence[54], limitation dérogatoire au droit international coutumier qui n’exige pas cet élément sauf pour la persécution.

 

 

III. – CRIMES DE GUERRE

 

 

Dans la catégorie des « crimes de guerre », l’article 4 du Statut du TPIR incrimine de manière générale les « violations graves » de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et de leur Protocole additionnel II avant de dresser, dans ses alinéas a) à h), une liste non limitative d’infractions constitutives de ces violations graves. Au moins sur le papier, la compétence du TPIR diffère donc substantiellement de celle du TPIY.

Parmi les affaires étudiées, des chefs d’accusation fondés sur des violations de l’article 3 commun et du Protocole II ont été émis contre Akayesu, Kayishema, Ruzindana, Rutaganda et Musema et Bagilishema. Tous ces chefs d’accusation sont relatifs aux articles 4 a) ou 4 e) du Statut. A chaque fois, les juges de première instance ont prononcé des verdicts de non culpabilité. La Chambre d’appel n’a eu pour l’instant à se prononcer qu’une seule fois sur ce fondement, dans l’affaire Akayesu. Bien que ne souscrivant pas au raisonnement de la Chambre de première instance sur la nécessité du lien entre l'auteur de l’infraction et une partie au conflit, elle n’est pas revenue sur la non-culpabilité d’Akayesu pour ce chef d’accusation, car l’appel du Procureur ne portait que sur la réformation d’une erreur de droit. Dans l’affaire Kayishema – Ruzindana, l’appel du procureur a été rejeté car présenté hors délais. Dans l’affaire Musema, le procureur n’a pas interjeté appel. Enfin, dans l’affaire Rutaganda, l’acte d’appel du Procureur a été déposé le 6 janvier 2000, mais la décision d’appel est pour l’instant en délibéré.

L’étude des affaires précitées apporte de nombreux éléments sur les conditions d’application des « violations graves » visées à l’article 4 du Statut. Elle ne nous apprend en revanche rien sur la définition de ces différentes infractions puisque les juges ont estimé que toutes les conditions d’application n’étaient pas réunies. Nous allons donc passer en revue de manière thématique les conditions posées par le TPIR pour l’application de l’article 4 de son Statut, à partir d’une lecture croisée des décisions. Après s’être penchés sur la valeur juridique des normes visées à l’article 4 au moment de la commission des faits et sur la possibilité d’engager la responsabilité pénale individuelle des auteurs de leur violation (A), les juges ont ensuite qualifié la situation en vigueur au Rwanda au moment des faits, pour voir si elle permettait l’application des textes visés au Statut (B) avant d’examiner les conditions tenant au rapport entre l’infraction et le conflit armé (C) et à la qualité de la victime de l’infraction (D).

 

 

A. - Valeur juridique des règles inscrites à l’article 4 du Statut et fondement de la responsabilité pénale individuelle

 

 

Elaboré directement par le Conseil de sécurité, et non en collaboration avec les services juridiques du Secrétaire général, comme l’avait été celui du TPIY, le Statut du TPIR avait été critiqué par le Secrétariat général au motif que son article 4 relevait davantage de la lex ferenda que du droit positif[55]. La question du fondement légal des incriminations de l’article 4 était donc particulièrement importante pour le tribunal s’il ne voulait pas se voir reprocher une violation du principe cardinal nullum crimen sine lege. Or, en droit international pénal, c’est un double fondement légal qu’il convient de démontrer. Il ne suffit pas d’établir l’existence de la règle violée en droit international ; il faut aussi prouver qu’il s’agit d’une règle dont la violation engage la responsabilité pénale individuelle selon le droit international[56].

 

1. - Valeur juridique des normes visées à l’article 4 du Statut

 

Le Rwanda étant partie aux Conventions de Genève de 1949 et au Protocole II au moment des faits, le fondement conventionnel des normes visées à l’article 4 est incontestable. Quant à leur caractère coutumier, il est, dans un premier temps, facilement démontré par la Chambre de première instance I dans l’affaire Akayesu (Jugement, 1998, §§ 608-610). Celle-ci rappelle d’abord que la valeur coutumière de l’article 3 commun a été établie par le TPIY[57]. Puis, pour démontrer le caractère coutumier des autres normes visées à l’article 4 du Statut, elle estime que ces règles sont extraites de l’article 4 § 2 du Protocole II, et que celui-ci ne fait que reprendre et compléter les dispositions de l’article 3 commun. La question de la valeur des autres articles du Protocole II est donc laissée en suspens par la Chambre de première instance I, qui se contente de reprendre à son compte l’affirmation du TPIY[58] selon laquelle certaines dispositions seulement du Protocole II, qu’elle ne précise pas, présentent un caractère coutumier. En effet, la liste d’infractions jointe à l’article 4 du Statut n’étant qu’illustrative, d’autres articles du Protocole II pourraient en théorie rentrer dans le champ de compétence ratione materiae du Tribunal[59], à condition que l'auteur de l’infraction ait commis une « violation grave » de cette disposition. Selon le TPIR (Jugement Akayesu, 1998, § 616 ; Jugement Musema, 2000, § 286), qui reprend la définition donnée par le TPIY (Arrêt Tadic, 1995, § 94), une violation grave est une infraction qui viole une règle protégeant des valeurs importantes et qui emporte de graves conséquences pour la victime. Cette définition, qui n’en est pas vraiment une en raison de son caractère circulaire, a permis au TPIY dans l’affaire Celebici d’écarter le chef d’accusation de pillage comme ne présentant pas ce critère de gravité[60].

Curieusement, dans les affaires suivantes, les juges restent nettement plus réservés sur le caractère coutumier de ces dispositions. Dans les affaires Musema et Rutaganda, le caractère coutumier est affirmé du bout des lèvres, exclusivement par référence à Akayesu. Dans l’affaire Kayishema – Ruzindana, la Chambre de première instance II se replie nettement sur le fondement conventionnel et semble douter de la pertinence du fondement coutumier[61].

 

2. - Fondement de l’incrimination

 

A la différence des quatre conventions de Genève relatives aux conflits armés internationaux, ni l’article 3 commun à ces conventions, ni le Protocole II ne prévoient de responsabilité pénale individuelle pour les auteurs d’infractions graves à leurs dispositions. La base conventionnelle est donc inopérante pour démontrer le fondement légal de l’incrimination, et il ne reste que le recours à la coutume.

Pour démontrer le caractère coutumier de l’incrimination, la Chambre I s’est essentiellement appuyée, dans Akayesu (Jugement 1998, § 613), sur les conclusions du TPIY dans l’arrêt Tadic de 1995, qui avait lui-même emprunté la démarche du Tribunal de Nuremberg[62]. Le TPIY s’était ainsi référé à la législation des États de l’ex-Yougoslavie et à d’autres législations nationales pour déduire le caractère coutumier de la criminalisation des violations graves des règles et principes coutumiers relatifs aux conflits internes.

Bien que le TPIR n’ait pas pu en tenir compte en raison du principe de non rétroactivité en matière pénale, il convient de souligner que la démonstration faite dans l’arrêt Tadic pourrait aujourd’hui être renforcée par la mention des articles 8 § 2 c et 8 § 2 e du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) et par un examen des positions des États lors des négociations, autant d’éléments qui fournissent des indices supplémentaires de la cristallisation de cette norme coutumière d’incrimination.

Dans l'affaire Kayishema – Ruzindana, la Chambre de première instance II qui, comme on l’a vu, avait préféré ne pas se prononcer sur le caractère coutumier des normes visées à l’article 4, reste très laconique sur la responsabilité individuelle, et ne fonde cette dernière que sur le droit pénal rwandais, qui, selon elle, incriminait toutes les infractions mentionnées à l’article 4 du Statut au moment des faits. Mais, curieusement, aucun renvoi précis au droit rwandais n’est effectué, et le TPIR ne précise pas si ces infractions étaient simplement codifiées comme crimes de droit commun ou si elles l’étaient aussi comme crimes de guerre commis à l’occasion d’un conflit armé non international, ce qui paraît toutefois peu probable[63].

 

 

B. - Conditions d’application ratione contextus

 

 

Selon le TPIR, l’accusation doit apporter dans chaque affaire la preuve qu’un conflit armé interne répondant à la définition requise pour l’application de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et du Protocole II se déroulait sur le territoire rwandais au moment de la commission des faits incriminés (Jugement Akayesu, 1998, § 618).

Sur la notion de conflit armé, les chambres estiment qu’elle se distingue de celle de troubles et tensions internes par une différence d’intensité des hostilités et d’organisation des parties en présence. Un conflit armé implique donc l’existence d’hostilités ouvertes entre les autorités gouvernementales et des groupes armés plus ou moins organisés ou entre de tels groupes au sein d'un Etat. Il commence dès l’ouverture des hostilités et se prolonge jusqu'à ce qu'un règlement pacifique soit atteint. (Jugement Akayesu, 1998, § 619 ; Jugement Musema, 2000, § 248. La même définition est donnée par le TPIY dans l’arrêt Tadic, 1995, § 70).

Concernant la notion de conflit armé non-international, les chambres reconnaissent que l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le Protocole II obéissent à des conditions d’application distinctes (Jugement Akayesu, 1998, § 607 ; Jugement Rutaganda, 1999, §§ 74-78). Pour l’article 3 commun, sont utilisés les critères proposés par le CICR dans son commentaire des Conventions de Genève (Jugement Akayesu, 1998, § 619 ; Jugement Rutaganda, 1999, § 75). Pour le Protocole II, les chambres utilisent les critères précis énoncés à l’article 1 alinéa 1 de ce texte. Néanmoins, pour l’application de l’article 4 du Statut, il semble que les juges d’Arusha exigent que soit démontrée la condition d’application la plus contraignante, à savoir celle du Protocole II[64].

Pour les crimes commis entre le 7 avril 1994 et le 18 juillet 1994, date de l’entrée victorieuse du FPR dans Kigali, la condition d’indivisibilité de la qualification posée par le TPIR ne suscitera pas de difficultés car il ne fait aucun doute qu’un conflit non international de type Protocole II se déroulait alors au Rwanda[65]. Tous les actes d’accusation émis jusqu’à présent concernent cette période. Néanmoins, la compétence ratione temporis du tribunal s’étend du 1er janvier au 31 décembre 1994 et le Procureur pourrait prochainement décider de lancer des poursuites contre des membres du FPR pour des crimes commis après le 18 juillet[66]. Pourra-t-on encore considérer qu’il y a conflit armé, et surtout que la condition du contrôle du territoire par les forces rebelles, nécessaire pour identifier un conflit armé de type Protocole II, est toujours remplie ?

 

 

C. - La condition du lien entre l’infraction et le conflit armé

 

 

C’est l’établissement de ce lien qui fait la spécificité des crimes de guerre et qui permet de les distinguer des crimes de droit commun commis à l’occasion d’un conflit armé[67]. Pour le démontrer, il n’est cependant pas nécessaire que les infractions se déroulent à proximité immédiate du terrain des hostilités. Le droit international humanitaire s’applique en effet sur l’ensemble du territoire de la Haute Partie contractante et la connexité entre l’infraction et le conflit sera établie y compris dans le cas où les crimes sont liés à des hostilités se déroulant dans d’autres parties du territoire[68]. Dans les différentes affaires étudiées, les juges refusent de définir in abstracto le lien de connexité, ce qui leur permet d’en apprécier souverainement l’existence au cas par cas, sur la base des faits présentés par le Procureur (Jugement Kayishema – Ruzindana, 1999, § 189 ; Jugement Musema, 2000, § 262 qui reprend le Jugement Rutaganda).

Dans les affaires Musema (Jugement 2000, § 974) et Rutaganda (Jugement 1999, § 481), les juges ont estimé, sans plus de précision, que le Procureur n’avait pas démontré, au delà de tout doute raisonnable, l’existence d’un tel lien entre les crimes reprochés à l’accusé et le conflit armé.

Dans les affaires Akayesu et Kayishema – Ruzindana, c’est pour un autre motif que les chefs d’accusation de crimes de guerre ont été rejetés : le défaut de démonstration du lien entre l'auteur de l’infraction et l’une des parties au conflit. En réalité, dans les quatre affaires étudiées, les juges de première instance du TPIR ont érigé ce critère en condition autonome d’application de l’article 4 du Statut, à côté de celui du lien entre l’infraction et le conflit, alors que le TPIY ne le considère lui que comme un moyen parmi d’autres de prouver l’existence de la relation entre l’acte criminel et le conflit armé[69]. Les chambres de première instance ont ainsi élaboré une définition précise des auteurs qui pourront être tenus responsables de violations graves de l’article 3 commun ou du Protocole II. Selon elles, l’article 4 s’applique « aux individus de tous rangs qui appartiennent aux forces armées sous le commandement militaire de l'une ou l'autre partie belligérante, ou aux individus qui ont été dûment mandatés et qui sont censés soutenir ou mettre en œuvre les efforts de guerre du fait de leur qualité de responsables ou d’agents de l'Etat ou de personnes occupant un poste de responsabilité ou de représentants de facto du Gouvernement. » (Jugement Akayesu, 1998, § 631, Jugement Kayishema – Ruzindana, 1999, §§ 175 et ss. ; Jugement Rutaganda, 1999, § 81 ; Jugement Musema, 2000, § 266). Autrement dit, les civils ne pourront voir leur responsabilité engagée que s’ils étaient agents publics de facto ou de jure et s’il est démontré qu’à ce titre, ils soutenaient effectivement l’effort de guerre[70].

Cette approche a néanmoins été censurée par la Chambre d’appel du TPIR dans l’arrêt Akayesu. Pour la Chambre d’appel, l’objet et le but de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 commandant qu’on ne fasse pas du rapport particulier entre l'auteur des infractions et une partie au conflit une condition autonome de mise en œuvre de la responsabilité pénale pour une violation de l’article 4 du Statut (Arrêt Akayesu, 2001, § 444). Ainsi, selon elle, « la Chambre de première instance a commis une erreur sur un point de droit en limitant l’application de l’article 3 commun à une certaine catégorie de personnes » (ibid., § 445), ce qui ne l’empêche pas de rappeler que le lien étroit entre les violations commises et le conflit armé requis par l’article 3 commun « implique que, dans la plupart des cas, l’auteur du crime entretiendra probablement un rapport particulier avec une partie au conflit » (ibid., § 444). La Chambre d’appel rejette donc le critère dit de l’agent public employé par les chambres de première instance. Elle s’inscrit ainsi dans la droite ligne de la jurisprudence des différents tribunaux militaires nationaux qui avaient eu à connaître, parallèlement au Tribunal militaire international de Nuremberg (TMI), des atrocités de la seconde guerre mondiale et qui avaient déjà rejeté la limitation de la responsabilité pénale pour crimes de guerre aux seuls membres des forces armées et agents publics[71].

La définition donnée par les juges de première instance est sans doute trop restrictive. Elle aurait notamment eu pour conséquence d’exclure du champ des crimes de guerre les casques bleus participant à des opérations de maintien de la paix qui, par définition, ne présentent aucun lien avec les parties au conflit. De manière plus générale, l’esprit du droit international humanitaire ne commande sans doute pas de poser des conditions aussi strictes de rattachement des exactions commises contre la population civile avec le conflit armé. Néanmoins cette démarche conduit à s’interroger sur la question, à notre sens légitime, de la responsabilité pénale d’individus isolés, dépourvus de tout lien avec une partie au conflit, pour violations graves du droit international humanitaire. Sont-ils vraiment en mesure de respecter ce droit qui s’adresse à des parties ayant un minimum d’organisation ? Dès lors, relèvent-ils vraiment du droit international pénal ? Ne convient-il pas d’établir une distinction entre les crimes de guerre « de droit international », qui correspondent à des infractions internationalement définies et qui permettent de poursuivre les auteurs selon le principe de la compétence universelle ou devant une juridiction internationale, et les crimes de guerre « de droit interne », qui ne sont que l’inscription discrétionnaire par un Etat dans sa législation de tous les autres actes en relation avec la guerre qu’il souhaite incriminer, mais dont la répression ne pourra se faire que selon le principe de la compétence territoriale ou personnelle ? Or, justement, l’accord de Londres du 8 août 1945 établissait une distinction entre « les criminels de guerre dont les crimes sont sans localisation géographique précise », qui devaient être jugés par le TMI, et tous les autres responsables d’atrocités, « qui seront renvoyés dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés, afin d’y être jugés et punis conformément aux lois de ces pays libérés ». On peut donc se demander si la référence à ces jugements est vraiment probante concernant le TPIR, dont la compétence repose exclusivement sur le droit international.

Autant de questions auxquelles nous n’avons pas la prétention d’apporter de réponse tranchée, mais que les juges du TPIR ont le mérite d’avoir soulevées. Peut-être d’ailleurs malgré eux, car il est probable qu’en l’espèce, des arguments de politique pénale aient davantage pesé dans le choix de ce double critère que des considérations strictement juridiques. Il est en effet assez facile, à travers les affaires étudiées, d’identifier un certain embarras du TPIR à l’égard des crimes de guerre, qui peut s’expliquer par la particularité du contexte rwandais. Deux catégories simultanées d’événements se sont en effet déroulés au Rwanda en 1994 : d’une part le conflit armé proprement dit entre l’armée régulière rwandaise (FAR) et le FPR, qui luttaient pour le pouvoir dans le pays ; d’autre part une chasse à l’homme systématique, orchestrée par les autorités civiles et militaires, et dont le but était de massacrer des civils sans armes, spécifiquement désignés. Or, comme les chefs d’accusation de crimes de guerre et de génocide visent les mêmes faits, il nous semble que le TPIR redoute que la double qualification ne vienne diminuer la portée de l’accusation de génocide, qui constitue la priorité de la politique jurisprudentielle du Tribunal. Nous ne discuterons pas ici des raisons de cette priorité[72]. Mais elles peuvent expliquer les conditions très contraignantes posées par le TPIR pour établir la connexité de l’infraction et du conflit armé, dès lors que les règles relatives au concours d’infractions prescrivent le cumul de ces deux qualifications (cf. infra, IV).

On est ainsi en droit de se demander si les crimes de guerre n’ont pas été éclipsés par la priorité donnée au génocide et si le verdict des juges serait identique dans l’impossibilité de prouver la qualification de génocide. Cette intuition est renforcée par l’examen de deux arrêts récents rendus par des tribunaux belges et suisses sur le drame rwandais, deux affaires dans lesquelles la condamnation pour génocide était exclue puisque ce crime n’était pas intégré à la législation pénale de ces deux pays au moment des faits… Le 27 avril 2001, le Tribunal militaire de cassation suisse condamnait définitivement, pour des faits similaires à ceux de l’affaire Akayesu, un ancien bourgmestre rwandais pour crimes de guerre en appliquant pourtant à la lettre la « double condition » définie par les chambres de première instance du TPIR[73]… Le 7 juin 2001, la Cour d'assises de Bruxelles condamnait, pour sa part, par un jugement non motivé par écrit dont les médias se sont largement fait l’écho (procès des « quatre de Butare »[74]), un professeur d'université, un industriel et deux religieuses pour crimes de guerre sur le fondement de la loi belge de 1993 qui réprime les violations graves du droit international humanitaire. Pour le TPIR, l’épreuve de vérité en matière de crimes de guerre viendra sans doute lorsqu’ils auront à juger des membres du FPR, si toutefois ils ont à le faire un jour… Il sera sans doute impossible d’établir la qualification de génocide pour ces actes, et celle de crime de guerre pourrait dès lors retrouver grâce aux yeux des juges d’Arusha.

 

 

D. - Conditions d’application ratione personae tenant à la qualité de la victime

 

 

L’alinéa premier de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 confère une protection aux « personnes qui ne participent pas directement aux hostilités » et l’article 4 du Protocole II vise quant à lui « toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités ». Les juges souscrivent à cette définition négative de la personne civile[75] (Jugement Kayishema – Ruzindana, 1999, §§ 177-181). Mais, au surplus, dans les Jugements Rutaganda (1999, § 84) et Musema (2000, §§ 276-281), les juges avancent leur propre définition de la victime, qui n’est autre que le reflet de leur définition de l'auteur[76]. Néanmoins, le rejet de cette dernière par les juges d’appel dans l’affaire Akayesu rejaillit nécessairement sur celle de la victime. Surtout, faut-il rappeler à la Chambre II que, dans un conflit interne, par définition, victimes et bourreaux partagent la même nationalité ? On ne peut donc absolument pas appliquer dans ce contexte la logique de la 4ème Convention de Genève, qui ne protège que les ressortissants civils de la partie adverse[77].

Malgré la différence de rédaction des deux Statuts et mis à part le problème du lien entre l'auteur de l’infraction et une partie au conflit, le TPIR suit donc très fidèlement, pour déterminer les conditions d’application de l’article 4, l’analyse faite par les juges de La Haye pour l’article 3 du Statut du TPIY. La mise en œuvre de ces deux articles impose donc que les conditions générales suivantes soient réunies :

- une norme de droit international humanitaire, qui peut être coutumière ou conventionnelle, doit avoir été violée ;

- la violation doit être grave et entraîner, en vertu du droit international coutumier ou conventionnel, la responsabilité pénale individuelle de son auteur ;

- la violation doit avoir été commise dans le cadre d’un conflit armé et un lien étroit doit exister entre cette violation et ledit conflit ;

- enfin la victime doit présenter la qualité de personne ne participant pas aux hostilités[78].

 

 

IV. – LE CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS

 

 

Dans le cas, fréquent, où un même fait revêt plusieurs qualifications juridiques sous des chefs d’accusation différents, les juges ne doivent-ils retenir qu’une seule desdites qualifications ou peuvent-ils reconnaître l’accusé coupable de toutes les infractions susceptibles de découler du même fait ? Telle est la question soulevée par le concours idéal d’infractions. Deux problèmes distincts doivent en réalité être distingués. Celui du concours d’infractions au sein d’un même crime n’a pas posé de problème particulier aux juges. Ils ont en effet clairement rejeté la possibilité d’être condamné cumulativement, pour un même fait, comme auteur principal et complice (Jugement Akayesu, 1998, § 469 ; Jugement Musema, 2000, § 291). Celui du concours d’infractions entre deux crimes différents mérite en revanche une attention particulière. Il a en effet divisé la première et la deuxième chambre du TPIR avant que la chambre d’appel ne mette un terme au différend dans l’arrêt Musema. En effet, dans le jugement Kayishema – Ruzindana, la Chambre de première instance II s’est écartée de la solution retenue par la Chambre de première instance I et le TPIY.

Dans cette affaire, l’acte d’accusation qualifie les mêmes faits à la fois de meurtre et d’extermination, et les incrimine tant sur le fondement du génocide que du crime contre l’humanité. La chambre II n’a finalement retenu que le chef de génocide car, selon elle, « les chefs d’extermination et d’assassinat sont […] entièrement compris dans celui de génocide, et constituent, en l’occurrence, une seule et même infraction » (Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, § 648). A première vue, une telle solution paraît étonnante lorsque l’on sait que la Chambre de première instance II a défendu une position de principe similaire à celle adoptée dans l’affaire Akayesu[79] par la Chambre I, selon laquelle un accusé ne peut être reconnu coupable de différentes infractions pour les mêmes faits que si les éléments constitutifs des infractions visées ou les intérêts que la société cherche à protéger à travers ces dispositions sont différents[80]. Or, dans les jugements Musema, Rutaganda, Akayesu, Kambanda et Serushago, la Chambre de première instance II a prononcé des condamnations multiples pour génocide et crime contre l’humanité (extermination). En réalité, la divergence s’explique par le fait que les deux chambres n’ont pas utilisé la même méthode de comparaison des éléments constitutifs des infractions. Curieusement, la Chambre II ne procède pas à cette comparaison de manière abstraite, en vérifiant que l’un au moins des éléments constitutifs d’une des infractions en concours se distingue, sur le papier, des éléments constitutifs de l’autre infraction, mais in concreto, en fonction des faits de l’espèce[81]. La chambre II constate en effet que les actes incriminés correspondent aux éléments constitutifs des deux infractions pour en déduire que les éléments du crime d’extermination et d’assassinat sont, en l’espèce, englobés dans ceux du génocide. Ce raisonnement nous semble erroné. En effet, si le problème du concours de qualifications se pose, c’est justement parce que les définitions des crimes visés au Statut se recoupent partiellement. L’analyse concrète proposée par la chambre II s’apparente en réalité à une simple opération de qualification. Elle ne permet de distinguer que la partie commune des éléments constitutifs, et non leur partie autonome. Cette solution a d’ailleurs été contestée par le juge Khan dans son opinion dissidente, ainsi que par le Procureur. Mais, l’appel de ce dernier ayant été rejeté dans l’affaire Kayishema – Ruzindana car présenté hors délais, il faudra attendre l’arrêt Musema pour connaître la position de la chambre d’appel sur la question. Cette dernière retient, comme il fallait s’y attendre, la méthode abstraite de comparaison et reprend les conclusions de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Celebici[82].

Deux exemples issus de la jurisprudence du TPIY permettront de mieux comprendre cette comparaison des éléments constitutifs. Dans l’arrêt Kupreskic (2002, § 386), la Chambre d’appel du TPIY infirme la conclusion des juges de première instance qui ont déclaré impossible le cumul du meurtre comme violation des lois et coutumes de la guerre (article 3 du Statut) et de l’acte inhumain comme crime contre l’humanité (article 5 du Statut). Elle estime en effet que l’article 3 exige un lien étroit entre l’infraction et le conflit armé, élément qui n’est pas requis par l’article 5 tandis que, pour sa part, l’article 5 exige la preuve que l’acte incriminé soit commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile, ce qui n’est pas le cas de l’article 3. En conséquence, le cumul des condamnations est possible pour les mêmes faits sur le fondement des articles 3 et 5 du Statut du TPIY.

En revanche, dans l’arrêt Celebici (2001, § 420 ), la même Chambre d’appel estime que le cumul entre les qualifications d’homicide intentionnel et de meurtre fondées sur les articles 2 et 3 du Statut n’est pas envisageable. En effet, on ne peut relever qu’une seule différence dans les définitions respectives : l’article 2 exige que les actes criminels soient commis contre une personne protégée tandis que l’article 3 requiert que la victime soit une personne ne prenant pas une part active aux hostilités. Les personnes protégées étant nécessairement des individus qui ne prennent pas une part active aux hostilités, la définition de l’article 3 est certes plus large mais elle ne contient pas « d’élément matériellement distinct », car elle n’exige pas la preuve d’un fait qui n’est pas requis par la définition de l’article 2. Il convient donc de retenir l’article 2 car sa définition est plus spécifique.

La jurisprudence des deux tribunaux pénaux est donc désormais claire en la matière. Le cumul des qualifications est autorisé de manière générale dans les actes d’accusation (Arrêt Musema, 2001, § 369) et les juges peuvent prononcer, si les conditions examinées ci-dessus sont remplies, des condamnations multiples, en appliquant ensuite la confusion des peines. Il convient néanmoins de remarquer que la comparaison des éléments constitutifs des différentes infractions ne fournira pas nécessairement la même réponse pour le Statut du TPIR et pour celui du TPIY. En effet, les définitions des crimes ne sont pas identiques dans les deux Statuts, notamment pour les crimes contre l’humanité.

En définitive, l’admission, selon une doctrine assez libérale, du cumul des condamnations renforce le maillage de la répression internationale[83] et évite aux juges d’avoir à établir une hiérarchie des infractions, comme ils auraient dû le faire s’ils avaient opté pour la solution de certaines législations pénales qui, en cas de concours idéal, ne retiennent que l’infraction la plus grave[84]. Néanmoins, au regard des difficultés soulevées par un éventuel cumul des qualifications de crime de guerre et de génocide dans le contexte rwandais (cf. supra, III, C), on peut se demander si le temps n’est pas venu pour un grand débat sur cette question, légitime, de la hiérarchisation.

 

 

CONCLUSION

 

 

Cette analyse transversale des affaires définitivement jugées par le tribunal d’Arusha révèle à tout le moins un sentiment d’inachevé, voire une insatisfaction globale devant le produit de son activité judiciaire. Mais nul doute que la critique serait plus virulente encore si ce tribunal n’existait pas. Il faut donc espérer que les prochaines décisions du TPIR compléteront opportunément ce développement imparfait, tout comme la jurisprudence nationale à venir sur le même sujet. En effet, lors de leur douzième assemblée plénière, les juges ont adopté un nouvel article 11 bis au Règlement de preuve et de procédure, qui permet au TPIR de transférer des affaires aux juridictions nationales de l’État d’arrestation ou de tout autre État[85]. Ceci répond à l’ultimatum, lancé aux Tribunaux pénaux internationaux par le Conseil de sécurité sous la pression des États-Unis, afin que leur mission soit achevée au plus tard en 2008. En consacrant une compétence universelle conjoncturelle[86], cette innovation conduit les juridictions nationales à venir compléter, dans une probable cacophonie, l’œuvre des TPI. Il est en effet à craindre que l’absence d’un organe suprême pour uniformiser l’interprétation du droit ne nuise à la cohérence du système mis en place. En revanche, entre les deux TPI, la chambre d’appel commune ainsi que la volonté de leur administration respective d’œuvrer dans le sens d’une coopération renforcée – comme en témoigne la déclaration commune des greffiers en date du 20 septembre 2001[87] – assurent un certain degré d’harmonisation. Les chroniques à venir dans cette même rubrique nous permettront de poursuivre cette ébauche d’appréciation de la jurisprudence du TPIR.

 

 

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NOTES

 

[1] Cf. notamment les rapports suivants : S/1994/879, S/1994/906, S/1994/1125 et S/1994/1157.

[2] Cf. S/1994/115 du 29 septembre 1994.

[3] Cf. Conseil de sécurité, 49ème session, 3453ème séance, 8 novembre 1994, S/PV 3453, pp. 14 et ss.

[4] Selon le Procureur, les premières mises en accusation devraient intervenir à la fin de l’année 2002, en dépit du manque de coopération du gouvernement rwandais pour les enquêtes. Cf. International Crisis Group, Tribunal pénal international pour le Rwanda : le compte à rebours, Rapport Afrique n°50, 1er août 2002, p. 14. Voir aussi Le Monde, 4 septembre 2002, p. 3.

[5] Cf. Diplomatie judiciaire du 21 juin 2002 (http://www.diplomatiejudiciaire.com/Tpir/TPIR56.htm) et du 29 juin 2002 (http://www.diplomatiejudiciaire.com/Rwanda/Rwanda21.htm), ainsi que les dépêches de l’agence Hirondelle du 10 au 24 juin 2002 (http://www.hirondelle.org). Ces faits ont néanmoins été réfutés par les autorités rwandaises.

[6] Du nom de l’auteur de ce rapport, ancien enquêteur au bureau du procureur du TPIR. Voir notamment Hirondelle du 28 mai 2002, AT/GF/FH (ME-0528B) et Diplomatie judiciaire, 9 mai 2000

(http://www.diplomatiejudiciaire.com/Tpir/Parquet29.htm).

[7] La Cour internationale de Justice a récemment affirmé le caractère absolu de cette immunité pour un ministre des affaires étrangères en exercice : Arrêt du 14 février 2002 dans l’affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c/ Belgique). Voir notamment QUENEUDEC Jean-Pierre, « Un arrêt de principe : l'arrêt de la C.I.J. du 14 février 2002 », cette revue, mai 2002 (http://www.ridi.org/adi/articles/2002/200205que.htm) et VERHOEVEN Joe, « Mandat d'arrêt international et statut de ministre », cette revue, mai 2002 (http://www.ridi.org/adi/articles/2002/200205ver.htm).

[8] Le Procureur c/ Jean-Paul Akayesu : ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998 et ICTR-96-4-A, Chambre d’appel, Arrêt, 1er juin 2001 ; Le Procureur c/ Clément Kayishema et Obed Ruzindana (affaires jointes) : ICTR-95-1-T, Chambre de première instance II, Jugement, 21 mai 1999 et ICTR-95-1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 1er juin 2001 ; Le Procureur c/ Jean Kambanda : ICTR-97-23-S, Chambre de première instance I, Jugement, 4 septembre 1998 et ICTR-97-23-A, Chambre d’appel, Arrêt, 19 octobre 2000 ; Le Procureur c/ Georges Ruggiu : ICTR-97-32-I, Chambre de première instance I, Jugement, 1er juin 2000 ; Le Procureur c/ Alfred Musema : ICTR-96-13-T, Chambre de première instance I, Jugement, 27 janvier 2000 et ICTR-96-13-A, Chambre d’appel, Arrêt, 16 novembre 2001 ; Le Procureur c/ Georges Rutaganda : ICTR-96-3-T, Chambre de première instance I, Jugement, 6 décembre 1999 ; Le Procureur c/ Omar Serushago : ICTR-98-39-S, Chambre de première instance I, Jugement, 5 février 1999 et ICTR-98-39-A, Chambre d’appel, Arrêt, 6 avril 2000.

[9] Le Procureur c/ Ignace Bagilishema : ICTR-95-1A-T, Chambre de première instance I, Jugement, 7 juin 2001 et ICTR-95-1A-A, Chambre d’appel, Arrêt, 3 juillet 2002. La chambre d’appel a unanimement rejeté tous les motifs d’appel du Procureur. Néanmoins, la motivation de l’arrêt ne sera publiée qu’ultérieurement, comme l’autorise l’article 88C) du Règlement de procédure et de preuve (ci-après RPP).

[10] Lors de la session plénière de juillet 2002, les juges ont ajouté au RPP un article 11 bis qui leur permet désormais de renvoyer à des juridictions internes certaines affaires dont le TPIR est saisi. Avec ce nouvel article, l’argument qui avait fondé le refus du transfert de Ntuyahaga vers la Belgique serait donc inopérant aujourd’hui (http://www.ictr.org/wwwroot/french/PRESSREL/2002/9-13-22fr.htm).

[11] Le Procureur c/ Bernard Ntuyahaga, ICTR-98-40-T, Chambre de première instance I, Décision, 18 mars 1999.

[12] Le Procureur c/ Léonidas Rusatira, ICTR-2002-80-I, Décision du Président, 14 août 2002.

[13] Voir Hirondelle du 15 août 2002, AT/DO/FH(RS-0815A) (http://www.hirondelle.org).

[14] Jean-Bosco Barayagwiza c/ Le Procureur, ICTR-97-19-AR72, Chambre d’appel, Décision, 3 novembre 1999.

[15] Le Procureur c/ Jean-Bosco Barayagwiza, ICTR-97-19-AR72, Chambre d’appel, Arrêt (demande du Procureur en révision ou réexamen), 31 mars 2000.

[16] L’article 2 §§2 et 3 reprend mot pour mot, les Articles II et III de ladite convention.

[17] Référence aux documents antérieurs de l’AGNU qui ont pu qualifier le génocide de crime, notamment la Résolution 96 (9) du 11 décembre 1946 qualifiant le génocide de « crime de droit des gens »…

[18] Le Rwanda a exprimé une réserve sur l’Article IX, excluant ainsi la compétence de la Cour internationale de justice quant aux différends entre les parties.

[19] Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 15. C’est nous qui ajoutons cette note à la citation.

[20] Cet obiter dictum a été repris in extenso dans les décisions suivantes : Rutaganda, Jugement, 1999, § 45 ; Musema, Jugement, 2000, § 151 ; Bagilishema, Jugement, 2001, § 54. Dans l’affaire Kayishema – Ruzindana (Jugement, 1999), les juges formulent autrement la même idée (§ 88) : « La Chambre relève que le crime de génocide est considéré comme faisant partie intégrante du droit international coutumier qui, de surcroît, est une norme impérative du droit ». Dans les deux autres affaires (Kambanda et Serushago), cette analyse n’a pas été rappelée parce que les accusés ont plaidé coupables, ce qui n’a pas donné l’occasion aux juges de discuter la source du caractère criminel du génocide.

[21] Il aurait fallu une recherche méthodique des deux éléments constitutifs de la coutume. Ainsi dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis), fond, arrêt (cf. C.I.J. Recueil 1986, p. 14, §§ 183 et ss.), la Cour a procédé à une telle recherche minutieuse des règles coutumières s’agissant du recours à la force dans les relations entre les États. Dans les affaires liées au droit de la mer, la Cour a su aussi le faire. Voir à ce propos l’analyse de Barbara KWIATKOWSKA : « The Contribution of the International Court of Justice to the Development of the Law of the Sea », 3 Mars 1998, mise à jour le 19 Juin 2002, Online Papers of NILOS (Netherlands Institute for the Law of the Sea), Faculté de Droit de l’Université d’Utrecht, Pays-Bas (http://www.law.uu.nl/english/isep/nilos/paper/trien.pdf).

[22] Particulièrement de ceux (environ une soixantaine) qui ne sont pas parties à la Convention de 1948.

[23] Dixit article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice.

[24] Ces cinq formes sont énumérées à l’alinéa 3 de l’article 2 du Statut du TPIR : génocide, entente en vue de commettre le génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide, tentative de génocide et complicité dans le génocide.

[25] Cf. par exemple la critique de H. Ascensio et R. Maison relative à la définition du meurtre comme l’homicide commis avec l’intention de donner la mort alors que le thème anglo-saxon de killing inclut le meurtre non intentionnel (Cf. AFDI, XLIV, 1998, p. 401, note 91). Cette analyse apparaît dans les jugements eux-mêmes. Voir par exemple Akayesu, Jugement, 1998, § 500 et Rutaganda, Jugement, 1999, § 50.

[26] Ainsi par exemple de la nécessité d’une politique génocidaire pour une effectivité du crime de génocide. Le TPIR a parfois recherché l’existence d’une telle politique sans en faire une condition pour l’incrimination. Voir par exemple, Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, § 94.

[27] Cette définition a été reprise et appliquée dans les autres jugements : Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, §§ 91-92 ; Rutaganda, Jugement, 1999, §§ 59-63 ; Musema, Jugement, 2000, §§ 164-167 et Bagilishema, Jugement, 2001, §§ 60-65.

[28] C’est l’interrogation à laquelle Laurence Burgorgue-Larsen tente de répondre en partie dans sa contribution au colloque du CREDHO de 1999. Cf. Paul TAVERNIER et Laurence BURGORGUE-LARSEN (dir.), Un siècle de droit international humanitaire. Centenaire des Conventions de La Haye, Cinquantenaire des Conventions de Genève, Bruxelles, Bruylant, 2001, Collection du CREDHO n°1, pp. 179-181.

[29] A/49/508 – S/1994/1157 § 42. Les §§ 43-48 offrent une analyse plus détaillée où le Rapporteur Spécial essaie de déterminer les éléments constitutifs du crime de génocide.

[30] Cf. aussi TPIY, Le Procureur c/ Radovan Karadzic et Ratko Mladic, affaires IT-95-5-561 et IT-95-18-R61, 11 Juillet 1996, § 92 : « l’effectivité de la destruction partielle ou totale n’est pas nécessaire pour conclure à l’existence du génocide ». Cité par H. Ascensio et R. Maison, AFDI XLIII, 1997, p. 395, note 127.

[31] Nottebohm, deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1955, p. 4.

[32] Cf. TPIY, IT-98-33, Le Procureur c/ Radislav Krstic, Chambre de première instance I, Jugement, 2 Août 2001, § 559.

[33] Ainsi, dans leur chronique, H. Ascensio et R. Maison (AFDI XLIV, 1998, pp. 394-395) ont pu accepter la définition des groupes Hutu et Tutsi comme constituant des ethnies, alors même qu’il y avait une contradiction interne au raisonnement des juges, lesquels ont affirmé que les ethnies sont caractérisées par une langue et une culture communes. Or, les deux groupes Hutu et Tutsi ne peuvent pas être distingués avec ces critères. De plus, comment se justifie l’intégration des métis, c’est-à-dire de toute personne née d’un Hutu et d’une Tutsi (ou inversement), à l’un ou à l’autre groupe ? A moins qu’il n’existe un troisième groupe !

Cette critique vaut d’ailleurs pour toutes les analyses tendant à trouver partout en Afrique des groupes ethniques. Souvent, la situation est bien plus complexe que l’œil de l’étranger ne la perçoit. Ainsi au Bénin par exemple, les Fon forment un groupe important dans lequel on distingue de nombreux autres sous-groupes, tandis que les Fon eux-mêmes participent d’un groupe encore plus grand, les Aja. Dans ces conditions, où doit-on situer l’ethnie ? Si c’est le groupe Aja qui est une ethnie, quid du groupe Fon et de ses subdivisions ? Si c’est le groupe Fon qui constitue une ethnie, quid du groupe Aja et des sous-groupes Fon ? Si, par contre, chacun de ces groupes constituent une ethnie, les critères déterminés par les juges et par les ethnologues en général, ne paraissent donc plus pertinents…

[34] Nous en faisons état parce que dans l’affaire Akayesu (Jugement, 1998), les juges ont proposé une définition basée sur ces critères physiques : « [l]a définition classique du groupe racial est fondée sur les traits physiques héréditaires, souvent identifiés à une région géographique, indépendamment des facteurs linguistiques, culturels, nationaux ou religieux » (§ 514).

[35] Cf. Four Statements on the Race Question, COM.69/II.27/A, 1969

(http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001229/122962eb.pdf).

[36] Déclaration adoptée par acclamation le 27 novembre 1978 à Paris

(http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/d_prejud_fr.htm) .

[37] Akayesu, Jugement, 1998, § 514 : « [l]e groupe religieux est un groupe dont les membres partagent la même religion, confession ou pratique de culte ».

[38] Cette analyse est confirmée dans d’autres affaires comme Musema (Jugement, 2000, § 154) et Bagilishema (Jugement, 2001, § 55). Toutefois dans le jugement Kayishema – Ruzindana (Jugement, 1999, § 98), les juges font déjà apparaître l’approche subjective en indiquant que le groupe ethnique, c’est aussi ce que les « autres, y compris les auteurs des crimes » percevaient comme étant un groupe ethnique. Cette approche subjective est aussi retenue dans l’affaire Le Procureur c/ Goran Jelisic (Affaire IT-95-10, Chambre de première instance I, Jugement, 14 décembre 1999), dans un obiter dictum encore plus explicite : « Si la détermination objective d’un groupe religieux est encore possible, tenter aujourd’hui de définir un groupe national, ethnique ou racial à partir de critères objectifs et scientifiquement non contestables serait un exercice à la fois périlleux et dont le résultat ne correspondrait pas nécessairement à la perception des personnes concernées par cette catégorisation. Aussi est-il plus approprié d’apprécier la qualité de groupe national, ethnique ou racial du point de vue de la perception qu’en ont les personnes qui veulent distinguer ce groupe du reste de la collectivité. » (§ 70). Mais auparavant, dans les affaires Le Procureur c/ Radovan Karadzic et Ratko Mladic (IT-95-5-R61 et IT-95-18-R61, 11 juillet 1996, § 94) d’une part, Le Procureur c/ Dragan Nikolic alias « Jenki » (IT-94-2, 20 octobre 1995, § 26) d’autre part, le TPIY, dans l’examen des actes d’accusation conformément à l’article 61 du Règlement de procédure et de preuves (RPP), paraissait déjà avoir adopté cette approche subjective (ces affaires sont citées par H. ASCENSIO et R. MAISON, AFDI, XLIV, 1998, p. 403, note 99).

[39] Edouard DELAPLACE, « La notion de groupe », communication présentée au Colloque du CREDHO-Rouen (à paraître dans la Collection du CREDHO, Bruylant).

[40] Edouard Delaplace a pu parler de subjectivité collective ou individuelle, op. cit., p. 9.

[41] A une toute autre échelle, les méthodes objective et subjective peuvent être illustrées à l’aide d’un exemple, celui de la distinction entre un meurtre simple et un parricide. En utilisant la méthode objective, la qualification de parricide sera soumise à la détermination objective, chez la victime, de sa qualité de père de l’accusé. Mais quid si l’accusé a pris son père pour quelqu’un d’autre ? Avec la méthode subjective, et selon la perspective utilisée, il faudra démontrer soit que l’accusé considérait sa victime comme étant son père, soit que la victime se considérait comme le père de l’accusé. La suprématie de la méthode subjective centrée sur l'auteur nous semble bien ressortir de cet exemple : l’essentiel n’est-il pas que l'auteur du crime ait eu l’intention de tuer quelqu’un qu’il considérait comme son père, qu’importent la réalité objective ou la perception de la victime ?

[42] Néanmoins, ces autres formes de destruction ou de tentative de destruction d’un groupe autre que national, racial, ethnique ou religieux peuvent entrer dans la catégorie des crimes contre l’humanité.

[43] Cette définition est reprise dans les autres affaires, dans la qualification détaillée des faits incriminés : Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, §§ 119-154 ; Rutaganda, Jugement, 1999, §§ 64-84 ; Musema, Jugement, 2000, §§ 199-233 ; Bagilishema, Jugement, 2001, §§ 72-95.

[44] Mario BETTATI, Droit humanitaire. Textes introduits et commentés, Paris, Seuil, 2000, Collection Essais, p. 57.

[45] L’existence d’enfants-soldats induit une approche très restrictive de cette catégorie. La pratique du Tribunal pénal spécial pour la Sierra Leone permettra probablement de mieux appréhender cette logique, même si l’article 7 §1 de son Statut limite sa compétence ratione personae aux « personnes qui avaient atteint l’âge de quinze ans au moment de la commission du crime ».

[46] Ainsi, dans l’affaire Kayishema – Ruzindana (Jugement, 1999, §§ 127-128), s’agissant plus particulièrement de la préfecture de Kibuye, les juges ont affirmé :

« 127. Les notions juridique de ‘civils’ et de ‘population civile’ dans le contexte d’un conflit armé ont toujours fait couler beaucoup d’encre. Toutefois, le TPIR considère, en vertu de son Statut, que les crimes contre l’humanité peuvent effectivement être commis soit dans le cadre soit en dehors d’un conflit armé. Par conséquent, le terme ‘civil’ doit être entendu comme s’appliquant tant à une situation de guerre qu’à un contexte de paix relative. La Chambre estime qu’il convient d’interpréter au sens large la notion de ‘civil’, ce qui signifie que toutes les personnes vivant à l’époque dans la préfecture de Kibuye, qui avait jusque là été épargnée par le conflit armé, étaient des civils, exception faite de celles chargées de maintenir l’ordre public et investies du pouvoir de faire usage de la force publique. A titre d’exemple, ne sont pas considérés comme des civils les éléments des FAR, du FPR, de la police et de la gendarmerie nationale.

128. Concernant le caractère civil de la population civile ciblée, la Chambre se rallie aux conclusions contenues dans le jugement Tadic où il est dit que la population visée doit essentiellement être civile, la présence de certains non-civils en son sein ne modifiant en rien son caractère civil ».

[47] Cf. aussi Kayishema – Ruzindana, Jugement 1999, § 123 ; Rutaganda, Jugement, 1999, § 69 ; Musema, Jugement, 2000, § 204 ; Bagilishema, Jugement, 2001, §§ 77-78.

[48] Cf. aussi Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, § 122 ; Rutaganda, Jugement, 1999, § 70 ; Musema, Jugement, 2000, § 205.

[49] Certaines des analyses faites après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis sont de ce type, cf. Frederik L. KIRGIS, « Terrorists Attacks on the World Trade Center and the Pentagon », ASIL Insights? 77 (September 2001) (http://www.asil.org/insights/insigh77.htm). L’auteur écrit, tout en se référant à l’article 7 du Statut de Rome : « The use of the hijacked aircraft as lethal weapons, resulting in the deaths of hundreds if not thousands of persons, may be a crime against humanity under international law ».

[50] Certains opposants à l’adoption de critères moins fluctuants pourraient arguer de l’instrumentalisation possible, c’est-à-dire de la possibilité pour le criminel de commettre son forfait de façon à ce qu’il ne puisse pas s’inscrire dans le cadre objectif déterminé. Notre réponse est simple : en est-il autrement pour l’un quelconque des autres crimes qui ont fait l’objet d’une définition claire et sans ambiguïté ?

[51] Dans l’affaire Kayishema – Ruzindana (Jugement, 1999), les juges reviennent plus longuement sur cet aspect (cf. §§ 124-126). Cf. aussi Rutaganda, Jugement, 1999, § 69 ; Musema, Jugement, 2000, § 204 ; Bagilishema, Jugement, 2001, § 78.

[52] Dans l’affaire Musema (Jugement, 2000), la Chambre de première instance reprend cette définition (§§ 220-229).

[53] TPIY, IT-95-17/1, Chambre de première instance II, Le Procureur c. Anto Furundzija, Jugement du 10 décembre 1998, §§ 174-186. Au § 176, la Chambre cite expressément le jugement Akayesu.

[54] Ainsi dans l’affaire Kayishema – Ruzindana (1999? § 130), les juges ont affirmé : « Le Statut du TPIR prévoit un critère supplémentaire qu’on ne retrouve ni dans le Statut du Tribunal de Nuremberg ni dans celui du TPIY, à savoir que l’attaque soit commise pour des motifs d’ordre national, politique, ethnique, racial ou religieux. » La différence apparaît avec le TPIY où la Chambre d’appel dans l’affaire Tadic (IT-94-1-A, Le Procureur c/ Dusko Tadic, Arrêt, 15 juillet 1999, § 305) a affirmé que : « The Prosecution was correct in submitting that the Trial Chamber erred in finding that all crimes against humanity require a discriminatory intent. Such an intent is an indispensable legal ingredient of the offence only with regard to those crimes for which this is expressly required, that is, for Article 5 (h), concerning various types of persecution ». La Chambre d’appel du TPIR est revenue à la charge dans l’arrêt Akayesu (1er Juin 2001, §§ 462 et ss.), en affirmant :

« 462. La présente Chambre d’appel estime, toutefois, que cette jurisprudence [Tadic], ainsi que l’interprétation de l’article 5 du Statut du TPIY, sont d’une utilité limitée en l’espèce et pour l’examen, par la Chambre d’appel, de l’article 3 du Statut et, ce, du fait surtout que ces deux dispositions sont sensiblement différentes. En effet, l’article 5 du Statut du TPIY ne contient pas dans son chapeau la même condition, à savoir que les crimes contre l’humanité peuvent être poursuivis ‘lorsqu’ils ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse. […]

464. Pour la Chambre d’appel, sauf dans le cas de la persécution, le droit international humanitaire n’exige nullement que soit établie l’existence d’une intention discriminatoire comme élément constitutif de tous les crimes contre l’humanité. Dans cette mesure la Chambre d’appel reprend à son compte la conclusion et l’analyse générales figurant dans l’Arrêt Tadic, telles qu’elles sont exposées ci-dessus. Toutefois, bien qu’une telle condition ne s’attache pas au crime lui-même, des crimes contre l’humanité de toutes sortes peuvent, dans les faits, être commis dans le contexte d’une attaque discriminatoire dirigée contre une population civile. […] C’est dans ce contexte, et compte tenu de la nature des événements du Rwanda (où une population civile a effectivement été la cible d’une attaque discriminatoire), que le Conseil de sécurité a décidé de limiter la compétence du Tribunal à l’égard des crimes contre l’humanité aux seuls cas dans lesquels ils survenaient dans une situation caractérisée par la discrimination. Ce qui revient à dire que le Conseil de sécurité entendait par là que le Tribunal ne devait pas poursuivre les auteurs d’autres éventuels crimes contre l’humanité ».

[55] Voir S/1995/134, 13 février 1995, § 12.

[56] C’est le raisonnement qui a été suivi par le tribunal de Nuremberg. Il a estimé possible une incrimination d’actes individuels constituant des violations particulièrement graves du droit international par le mécanisme d’une norme coutumière d’incrimination venant se greffer sur celle qui régit le comportement en question (Jugement du tribunal militaire international, in Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, tome I, Nuremberg, 1947, pp. 232-235 ou, en ligne et en anglais : http://www.yale.edu/lawweb/avalon/imt/proc/v1menu.htm).

L’exigence de cette double démonstration est également affirmée dans le jugement Akayesu, 1998, § 611.

[57] Dans son arrêt Tadic de 1995 (IT-94-1-AR-72, Le Procureur c/ Dusko Tadic, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, §§ 99 et ss.), la Chambre d’appel du TPIY s’est livré à un examen détaillé de la pratique des États avant de dresser un exposé de l’évolution de la coutume internationale relative aux conflits armés non internationaux.

[58] Arrêt Tadic, 1995, § 117.

[59] Cette possibilité semble néanmoins écartée dans l’affaire Akayesu (Jugement 1998, §§ 609-610) où la chambre affirme que seuls les articles 3 commun aux Conventions de Genève et l’article 4§2 du Protocole II fondent la compétence ratione materiae définie à l’article 4 du statut.

[60] Elément cité dans la chronique de H. Ascensio et R. Maison, AFDI XLIV, 1998, p. 386.

[61] Au § 156, elle fait cette curieuse déclaration : « La Chambre est instruite du fait que la question de savoir si les instruments susmentionnés doivent être considérés comme des dispositions du droit international coutumier dont les violations graves engagent la responsabilité pénale des auteurs continue de faire l’objet de débats dans des cadres autres que celui du Tribunal ». Est-ce à dire que la Chambre de première instance II doute de la solidité du raisonnement tenu par sa consœur la Chambre de première instance I dans l’affaire Akayesu ?

[62] A l’instar du Protocole II et de l’article 3, la Convention de La Haye de 1907, sur laquelle les juges de Nuremberg se sont principalement appuyés, ne prévoyait aucune forme de responsabilité pénale individuelle.

[63] Postérieurement au génocide, le Rwanda s’est doté d’une législation spécifique visant la poursuite et la répression du génocide et des crimes contre l’humanité commis entre le 1er Octobre 1990 et le 31 décembre 1994 : loi organique n°8/96 du 30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, Journal Officiel de la République rwandaise, 30 août 1996 (document disponible en ligne : http://www.droit.fundp.ac.be/genocide/Index.htm). En revanche, rien n’a été fait concernant les crimes de guerre.

[64] Ainsi, selon la Chambre de première instance I dans l’affaire Rutaganda, même si l’acte d’accusation ne comporte que des chefs d’accusation fondés sur l’article 3 commun, il convient pour l’accusation de prouver que les conditions d’application du Protocole II sont réunies. La Chambre estime en effet, au § 424 du Jugement, « que les conditions matérielles d'application de l'Article 4 du Statut sont indivisibles, autrement dit qu'il doit être satisfait aux conditions de l'Article 3 commun et du Protocole additionnel II pris ensemble pour qu'une infraction soit réputée tomber sous le coup de l'Article 4 du Statut ».

Dans Kayishema – Ruzindana, la Chambre de première instance II ne pose pas clairement cette condition de l’indivisibilité mais ne se penche que sur les conditions d’application du Protocole II, et non de l’article 3 commun (§§ 170-172).

On peut remarquer que cette condition de contrôle du territoire, propre au Protocole II, ne figure plus dans les définitions des conflits armés non internationaux des articles 8 d et 8 f du statut de la CPI, qui doivent servir respectivement de référence pour l’application des violations incriminées aux articles 8 c et 8 e.

[65] C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle les chambres parviennent dans les affaires étudiées : voir Jugement Akayesu, 1998, § 627 ; Jugement Kayishema – Ruzindana, 1999, § 597 ; Jugement Musema, 2000, §§ 244-258.

[66] Après de longues tergiversations, les premières mises en accusation de membres du FPR devraient avoir lieu à la fin de l’année 2002 (voir supra, note 4).

[67] Cet élément a été rappelé par la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale, qui a estimé lors de sa première session que ce lien de connexité était un élément constitutif fondamental de tout crime de guerre (Deuxième rapport de synthèse : PCNICC/1999/WGE/RT.2).

[68] Sur ce point, voir, pour le TPIR : Jugement Kayishema – Ruzindana, 1999, §§ 183-185 ; Jugement Musema, 2000, §§ 259-262 et pour le TPIY : Arrêt Tadic, 1995, § 70 ; Le Procureur c/ Zejnil Delalic et al., IT-96-21-T, Chambre de première instance II, Jugement, 16 novembre 1998, § 193.

[69] Sauf dans une affaire récente (TPIY, Le Procureur c/ Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic, IT-96-23-T et IT-96-23/1-T, Chambre de première instance II, Jugement, 22 février 2001, § 407), où les juges ont indiqué sans plus de développement que « l’article 3 commun pourrait également exiger l’existence d’un lien entre l’auteur et une partie au conflit ».

[70] Ainsi, dans le cas d’Akayesu, qui était bourgmestre, la Chambre de première instance I estime (§ 642) que « [l]a preuve relative au port d'un treillis militaire et d'un fusil n'est pas […] de nature suffisante pour démontrer qu'Akayesu a activement soutenu l'effort de guerre. Au surplus, la Chambre estime que l'assistance limitée que l'accusé a prêtée aux militaires en sa qualité de responsable de la commune ne suffit pas à établir qu'il a activement soutenu l'effort de guerre ». Pour Kayishema – Ruzindana, voir Jugement, 1999, § 619.

[71] Par exemple, dans l’affaire du lynchage d’Essen, trois civils ont été condamnés pour le meurtre de prisonniers de guerre non armés : Cour militaire britannique, Essen, Erich Heyer et six autres, LRTWC, vol. I, pp. 88-92. Une dizaine d’autres procès ont vu des personnes privées condamnées pour des faits de fourniture de poisons pour le meurtre de civils alliés, de réduction en esclavage et de déportation pour travail forcé, de prostitution forcée, de vol et de recel de biens volés, d’appartenance à une organisation criminelle ou encore de pillage et de spoliation de propriétés publiques et privées : pour la référence de ces affaires, voir H. ASCENCIO, E. DECAUX, A. PELLET (dir.), Droit international pénal, Paris, Pédone, 2000, p. 230.

[72] Parmi celles-ci figure la crainte de créer un lien de cause à effet entre le conflit armé et le génocide, et de donner ainsi une prise à la stratégie de défense des génocidaires hutu, selon laquelle tous les civils tutsi étaient des complices de l’envahisseur FPR. Avant même les premiers procès, ce souci avait été exprimé par Frederik Harhoff in « Le tribunal international pour le Rwanda : présentation de certains aspects juridiques », RICR, n°828, décembre 1997, pp. 711-720 (http://www.cicr.org/fre/revue) : « les aspects juridiques du génocide risqueraient de devenir bien obscurs si les victimes étaient, d’une part, simplement considérées comme des victimes collatérales d’un conflit armé en cours et, d’autre part, considérées en même temps comme des victimes d’une tentative visant à détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».

De manière plus stratégique, il y a peut-être également la volonté de ne pas créer un motif de rupture entre le TPIR et le régime rwandais, pour qui l’évocation d’un éventuel lien entre les actes de génocide et le conflit armé est inadmissible. Néanmoins, est-il possible de dissocier complètement ces deux événements concomitants et donc nécessairement imbriqués, au moins dans une certaine mesure ? Les juges d’Arusha eux-mêmes ne semblent pas unanimes, et on peut relever certaines contradictions révélatrices dans la jurisprudence du TPIR. Ainsi, dans le Jugement Rutaganda, la Chambre I déclare (est-ce une erreur ou un lapsus révélateur ?) au § 482 que « le génocide des Tutsis est indéniablement lié au conflit entre les FAR et le FPR » avant de rejeter le chef d’accusation fondé sur l’article 4 faute pour le Procureur d’avoir démontré le lien entre l’infraction et le conflit. Pourtant, l’accusé a été reconnu coupable de génocide, pour les mêmes faits… A comparer avec Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, § 621 : « [i]l est vrai que les atrocités commises sont survenues au cours du conflit armé. Toutefois, leur commission s’inscrit dans le cadre d’une politique de génocide clairement définie; ces infractions ont été commises parallèlement au déroulement du conflit armé et non en conséquence de celui-ci ».

[73] Cf. § 9 d de l’arrêt. Texte intégral dans la base de données « national implementation » du CICR : (http://www.cicr.org/ihl-nat).

[75] Bien qu’elle pose certains problèmes : voir supra les développements consacrés à la population civile dans la partie sur les crimes contre l’humanité.

[76] « La chambre entendra par « personne civile » toute personne n’appartenant pas à la catégorie des « auteurs » définie supra », Rutaganda, Jugement, 1999, § 84.

[77] Analyse qui a d’ailleurs été récemment rappelée par la chambre d’appel du TPIY dans l’arrêt Celebici (2001, § 420) : « [l]’article 3 commun aux Conventions de Genève vise à fournir des garanties minimales aux personnes qui, sans y participer activement, sont prises dans un conflit armé. Il s’applique à toute personne qui ne participe pas aux hostilités et par conséquent son champ d’application déborde celui envisagé par le IVème Convention de Genève incorporée dans l’article 2 du Statut […] ». A l’inverse, dans l’affaire Kayishema – Ruzindana, aux §§ 621 et 622 du Jugement, la Chambre de première instance II estime que les crimes commis au Rwanda, parce qu’ils l’ont été par les autorités rwandaises contre sa propre population civile, ne relèvent pas du droit international humanitaire mais des droits de l’homme…

[78] Cette énumération est faite par le TPIY dans le jugement Kunarac, 2001, § 407 et rappelée dans l’arrêt Akayesu de la chambre d’appel du TPIR (2001, § 438).

[79] Dans l'affaire Akayesu (Jugement, 1998, § 468), la chambre juge « qu'il est acceptable de convaincre l'Accusé de deux infractions à raison des mêmes faits dans les circonstances ci-après: 1) les infractions comportent des éléments constitutifs différents; ou 2) les dispositions créant les infractions protègent des intérêts distincts, ou 3) il est nécessaire d'obtenir une condamnation pour les deux infractions pour rendre pleinement compte du comportement de l'Accusé. Toutefois, la Chambre juge qu'il n'est pas justifiable de convaincre un accusé de deux infractions à raison des mêmes faits si a) l'une des infractions est une infraction mineure constitutive de l'autre [...], ou si b) une infraction engage la responsabilité du chef de complicité et l'autre infraction la responsabilité en tant qu'auteur principal ».

[80] Kayishema – Ruzindana, Jugement, 1999, § 627.

[81] Cf. § 636 : « le génocide et les crimes contre l’humanité peuvent coïncider dans certaines situations mais pas dans d’autres […] en conséquence, le concours des deux types d’infractions sera toujours fonction des faits propres à chaque cause et de la preuve particulière sur laquelle l’accusation choisit de faire fond pour établir les crimes allégués ».

[82] Le cumul est possible seulement « si chacune des dispositions comporte un élément constitutif matériellement distinct qui fait défaut dans l’autre. Un élément est matériellement distinct d’un autre s’il exige la preuve d’un fait que n’exige pas l’autre » (Celebici, Arrêt, 2001, § 412).

« Lorsque ce critère n’est pas rempli, la Chambre doit décider de quelle infraction elle déclarera l’accusé coupable. Elle doit le faire en partant du principe qu’elle doit se fonder sur la disposition la plus spécifique. Ainsi, si un ensemble de faits est régi par deux dispositions dont l’une comporte un élément supplémentaire matériellement distinct, la Chambre se fondera uniquement sur cette dernière disposition pour déclarer l’accusé coupable » (Celebici, Arrêt, 2001, § 413).

[83] De manière plus cynique, les mauvaises langues diront que le cumul permet aussi de compenser le manque de préparation manifeste de certains actes d’accusation du Procureur…

[84] Voir la comparaison des législations nationales dans Celebici, Arrêt, 2001, §§ 406 et ss.

[85] Cette possibilité n’existait pas auparavant, et c’est l’une des facettes de l’affaire Barayagwiza : lorsque la Chambre d’appel a confirmé en novembre 1999, l’annulation de la procédure contre l’accusé, il a été question de « remise en liberté », la Chambre demandant au Greffier de prendre les mesures nécessaires pour rétablir le statu quo ante.

[86] Il est paradoxal que l’action des États-Unis qui contestent vigoureusement l’existence d’une compétence universelle s’agissant de la Cour pénale internationale, même si cette critique n’est pas fondée, soit à l’origine de l’établissement d’une telle compétence pour les crises intervenues en ex-Yougoslavie et au Rwanda.

 


 

Copyright : © 2003 Roland Adjovi et Florent Mazeron. Tous droits réservés.

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Mode officiel de citation :
ADJOVI Roland et MAZERON Florent. - « L’essentiel de la jurisprudence du TPIR depuis sa création jusqu’à septembre 2002 ». - Actualité et Droit International, février 2003. <http://www.ridi.org/adi>.

 

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