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TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE


2e semestre 2001

 

Le Procureur c. Radislav Krstic, IT-98-33-T, Chambre de première instance III, Jugement, 2 août 2001

(sur le site du TPIY : Arrêt HTML - Communiqué de Presse N° 609)

 

par

Céline Renaut

Doctorante à l'Université de Paris Sud XI

 

 

Note : Les jugements et arrêts étant rarement disponibles en français, la décision a été prise de traduire les passages cités afin de faciliter la lecture de cette chronique (le texte original a été alors placé entre parenthèses ou en note). Les liens renvoient aux sites officiels.

 

 

Radislav Krstic est la première personne reconnue coupable de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Outre ce crime, celui que l’on présente comme le commandant en second du Drina - l’un des corps de l’armée de la République de Srpska -, est reconnu coupable de meurtres, traitements cruels et inhumains, extermination, transfert forcé de la population civile, destruction de biens privés de civils bosniaques musulmans dans la région de Srebrenica. Il sera condamné à une peine d’emprisonnement de 46 ans.

 

A titre préliminaire, la Chambre de première instance III établit l’existence d’un conflit armé au moment des faits puis, faisant référence au jugement rendu par la Chambre de première instance II dans l’affaire Kunarac qui énonce les cinq éléments constitutifs d’une attaque dirigée contre une population civile, affirme que l’attaque de l’enclave de Srebrenica constitue une « attaque dirigée contre une population civile » au sens de l’article 5 du Statut. Les éléments en question sont les suivants : une attaque a eu lieu, les actes de l’accusé font partie de cette attaque, l’attaque est dirigée contre une population civile, l’attaque menée est généralisée ou systématique et l’accusé doit avoir connaissance du contexte dans lequel interviennent ses actes et savoir que ses actes font partie de l’attaque[1]. Tous les éléments des crimes prévus par les articles 3 et 5 du Statut sont donc réunis en l’espèce (§ 482).

 

La Chambre de première instance III examine ensuite chacun des chefs d’incrimination.

 

 

I. - Meurtres

 

 

La Chambre précise qu’elle adhère à la solution donnée par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) au problème causé par la différence de terminologie dans les versions anglaise et française du Statut qui utilisent les expressions de « killing » et de « meurtre ». Ainsi, la notion de « meurtre » étant plus précise que celle de « killing », qui vise n’importe quel acte causant la mort sans préciser le degré d’intention requis de la part de son auteur, est aussi plus favorable à l’accusé et devra donc être retenue. Quant à la notion française d’« assassinat », parfois utilisée pour traduire l’expression « murder », dans la mesure où elle suppose la préméditation de son auteur et peut impliquer une peine plus lourde, elle correspond moins au droit international coutumier que l’expression « meurtre », qu’il convient donc d’utiliser[2].

 

La Chambre rappelle[3] que la notion de « meurtre » vise la mort d’une personne résultant d’un acte ou d’une omission de l’accusé commis avec l’intention de tuer ou de causer des blessures graves dont l’accusé doit savoir qu’elles sont susceptibles d’être mortelles (§ 485).

 

Face aux milliers de Musulmans bosniaques assassinés, la Chambre de première instance III a reconnu Radislav Krstic coupable de meurtre au sens des articles 3 (violations des lois et coutumes de la guerre) et 5 (crimes contre l’humanité) du Statut du TPIY (§ 489).

 

 

II. - Définition de l’extermination

 

 

Après avoir observé que le TPIY n’avait pas encore défini l’extermination (§ 492), la Chambre se réfère pour cette entreprise à la définition fournie par les jugements du TPIR[4].

 

D’après la jurisprudence du TPIR, les cinq éléments constitutifs du crime d’extermination sont :

 

« 1. L'accusé ou son subordonné ont participé à la mise à mort de certaines personnes nommément désignées ou précisément décrites ;

2. L'acte ou l'omission était à la fois contraire à la loi et intentionnel ;

3. L'acte ou l'omission contraires à la loi doivent s'inscrire dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique ;

4. L'attaque doit être dirigée contre la population civile ;

5. L'attaque doit être mue par des motifs discriminatoires fondés sur l'appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse des victimes »[5].

 

La Chambre de première instance III ne retiendra que quatre de ces éléments : le cinquième, relatif au caractère discriminatoire de l’extermination, ne saurait être retenu dans la mesure où l’article 5 du Statut du TPIY n’exige pas d’intention discriminatoire, contrairement au Statut du TPIR.

 

Le meurtre et l’extermination ont donc en commun, comme le souligne la Chambre de première instance III (§ 495), leur élément intentionnel : l’auteur de l’acte incriminé doit dans les deux cas avoir l’intention de tuer ou de causer des blessures graves et savoir que celles-ci sont susceptibles d’être mortelles.

 

Pour trouver ce qui les différencie, la Chambre se réfère notamment à l’article 7(2)(b) du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) [6], au rapport de la commission préparatoire de la CPI sur les éléments des crimes et aux travaux de la Commission du droit international (§§ 496-502).

 

De l’article 7(2)(b) du Statut de la CPI, la Chambre déduit que peuvent être constitutifs du crime d’extermination des actes commis avec l’intention de tuer un grand nombre de personnes, soit de façon directe, soit de façon indirecte, en créant des conditions propres à causer leur mort (§ 498). Quant au rapport de la Commission préparatoire de la CPI sur les éléments des crimes, il précise l’article 7 du Statut de la CPI en indiquant que l’accusé doit avoir tué une ou plusieurs personnes et que cet acte doit s’inscrire dans le meurtre collectif des membres d’une population civile (§ 498). Ces éléments, qui ne font aucune mention du caractère éventuellement discriminatoire du meurtre incriminé, confortent la Chambre dans son refus de prendre en compte ce caractère pour déterminer s’il entre ou non dans la catégorie du crime d’extermination (§ 499). Elle se conforte dans sa position, en se référant à la Commission du droit international qui, dans son projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité[7], différencie l’extermination et le génocide par le caractère discriminatoire propre au dernier (§ 500).

 

Bien que l’expression « extermination » renvoie à la commission de meurtres sur une grande échelle, il faut cependant reconnaître, qu’en théorie, elle pourrait s’appliquer à un crime qui n’est pas généralisé mais dont le but est de détruire une population entière. A cet égard, la définition du Statut de la CPI n’est pas très précise : seule la destruction d’« une partie » de la population est visée. Comme chaque fois que différentes interprétations d’une disposition de droit pénal sont possibles, le Tribunal choisit celle qui est la plus favorable à l’accusé. En conséquence, l’extermination implique la destruction d’une grande partie de la population visée (§§ 501-502).

 

De tous ces éléments, il découle que, pour établir l’existence d’un crime d’extermination, il faut, « en plus des conditions généralement requises pour les crimes contre l’humanité, faire la preuve qu’une population en particulier était visée et que ses membres ont été tués ou soumis à des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d’une part importante de cette population »[8].

 

 

III. - Mauvais traitements

 

 

1. - Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe

 

L’actus reus de l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres d’un groupe, incriminée par l’article 4 du Statut du TPIY (génocide) est « l’acte ou l’omission (…) causant de grandes souffrances physiques ou mentales », étant entendu que cet acte ou omission doit être intentionnel pour que le crime soit constitué. La gravité de ces souffrances doit être évaluée au cas par cas. Comme le TPIR l’avait fait dans l’affaire Akayesu[9], la Chambre de première instance II estime que l’atteinte grave en question ne doit pas nécessairement être à l’origine de souffrances permanentes et irrémédiables, mais qu’elle doit provoquer une souffrance « supérieure à un chagrin temporaire, à de la gêne ou à un sentiment d’humiliation. Il doit s’agir d’une atteinte grave et durable à la capacité de la victime à mener une vie normale et constructive ».[10] Concrètement et comme le TPIR l’avait déjà affirmé dans l’affaire susmentionnée[11], ces atteintes peuvent prendre la forme d’actes de torture, de traitements inhumains, de violences sexuelles et de persécution, cette liste n’étant pas exhaustive (§ 513).

 

2. -  Traitement cruel et inhumain

 

La Chambre rappelle la définition du traitement cruel et inhumain telle qu’elle apparaît dans la jurisprudence du TPIY : « un acte ou une omission intentionnel, soit un acte qui, jugé objectivement, est délibéré et non accidentel, et qui cause des souffrances ou des blessures physiques ou mentales ou constitue une atteinte grave à la dignité humaine »[12]. La notion d’atteinte grave ayant été définie dans le cadre de l’incrimination précédente, la Chambre applique directement la règle au cas d’espèce et reconnaît l’accusé coupable de ce chef d’accusation (§ 517).

 

 

IV. - Déportation ou transfert forcé

 

 

La Chambre de première instance III souligne que la déportation et le transfert forcé sont deux notions distinctes bien que le droit international humanitaire les condamne de la même façon (§ 522). La déportation désigne en effet le déplacement d’individus en dehors de leur Etat d’origine tandis que le transfert forcé vise le déplacement d’individus à l’intérieur d’un Etat. Dans ces deux hypothèses, le déplacement est imposé aux individus concernés et, dès lors, illicite (§ 521).

 

La Chambre reprend ensuite à son compte l’affirmation de la Chambre de première instance II dans l’affaire Kupreskic[13] selon laquelle le déplacement forcé à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières nationales fait partie des actes inhumains incriminés par l’article 5(i) du Statut du TPIY relatif aux crimes contre l’humanité (§ 523).

 

 

V. - Persécution

 

 

La Chambre d’appel définit la persécution en se référant à la jurisprudence du TPIY. Elle commence par rappeler la définition de la persécution donnée par la Chambre de première instance I dans l’affaire Kupreskic comme étant « le déni manifeste ou flagrant, pour des raisons discriminatoires, d’un droit fondamental consacré par le droit international coutumier ou conventionnel, et atteignant le même degré de gravité que les autres actes prohibés par l’article 5 du Statut »[14]. Elle relève ensuite que la persécution ne se limite ni aux actes énumérés aux autres alinéas de l’article 5 du Statut du TPIY[15] ni aux actes incriminés dans les autres dispositions de ce Statut[16] mais inclut également le déni d’autres droits de l’homme fondamentaux, pourvu qu’ils soient d’une gravité équivalente. La Chambre souligne enfin que pour déterminer si des actes discriminatoires constituent une persécution, il convient de « les évaluer dans leur contexte et non pas isolément, en prenant en considération leur effet cumulatif. Même si les actes, pris individuellement, peuvent ne pas être inhumains, leurs conséquences globales doivent choquer l’humanité à un point tel qu’elles peuvent être qualifiées d’“ inhumaines ” »[17].

 

 

VI. - Génocide

 

 

Le général Krstic a été accusé de génocide et, subsidiairement, de complicité dans le génocide pour les exécutions massives de Bosniaques musulmans à Srebrenica entre le 11 juillet et le 1er novembre 1995.

 

La Chambre de première instance III affirme tout d’abord qu’il convient de prendre en compte le droit international coutumier dans l’état qui était le sien au moment des événements de Srebrenica. A cette fin, la Chambre se réfère à titre principal à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (en particulier aux articles II et III) et souligne que celle-ci codifie une norme devenue depuis impérative, ainsi que l’a affirmé la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif relatif aux réserves à la Convention sur le génocide[18]. Aux fins d’interprétation de cette convention, la Chambre s’est inspirée des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 : outre le sens ordinaire des termes employés dans la Convention sur le génocide, elle a également pris en considération l’objet et le but de celle-ci, ainsi que ses travaux préparatoires et les circonstances entourant son élaboration (§ 541).

 

Autres éléments de référence utilisés par la Chambre : la jurisprudence sur le crime de génocide, et, en particulier, celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de la Commission du droit international (notamment les pages 106 à 114), les rapports de la sous-commission pour la prévention de la discrimination et la protection des minorités de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, la pratique des Etats, leur législation ainsi que les décisions de leurs tribunaux, et enfin le document final de la Commission préparatoire de la CPI relatif aux éléments des crimes[19]. Bien que ce dernier document soit postérieur aux événements de Srebrenica, la Chambre l’estime utile pour établir l’opinio juris des Etats et faire la synthèse du droit international coutumier tel qu’il découle des autres éléments de référence (§ 541).

 

La Chambre rappelle ensuite (§ 542) que le crime de génocide, conformément à l’article 4 du Statut du TPIY, est constitué de deux éléments :

 

- l’actus reus du crime, soit l’un ou plusieurs des actes énumérés à l’article 4(2) ;

- le mens rea du crime, soit l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel.

 

1. - Elément matériel

 

La Chambre, ayant déjà établi que l’accusé était coupable des meurtres, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres d’un groupe, extermination et persécutions dont il était accusé, ne revient pas sur l’élément matériel du crime de génocide (§ 543). Reste à déterminer si l’accusé avait l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel.

 

2. - Elément psychologique

 

A titre préliminaire, la Chambre souligne « (…) la nécessité de distinguer l’intention individuelle de l’accusé de l’intention associée à la conception et à la commission du crime. La gravité et la taille du crime de génocide laissent normalement supposer que plusieurs personnes sont impliquées dans sa perpétration. Bien que les mobiles de chaque participant puissent être différents, le but de l’entreprise criminelle reste le même. Dans ces cas de participation collective, l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe en tant que tel doit être perceptible dans l’acte criminel en soi, séparément de l’intention de chaque participant. Il est ensuite nécessaire de déterminer si l’accusé poursuivi pour génocide avait également l’intention de commettre un génocide »[20].

 

L’intention génocidaire étant caractérisée par l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe en tant que tel, la Chambre considère que deux éléments doivent être réunis pour que soit établie l’intention criminelle en question[21] :

 

- l’acte ou les actes doivent viser un groupe national, ethnique, racial ou religieux et

- cet acte ou ces actes doivent tendre à la destruction du groupe en tout ou en partie.

 

- Un groupe en tant que tel

 

Le génocide ne vise pas seulement un ou plusieurs individus mais un groupe en tant que tel[22]. Cette caractéristique, rappelle la Chambre, fait du génocide un crime particulièrement grave et le distingue des autres crimes graves, notamment de la persécution qui implique que son auteur sélectionne ses victimes en raison de leur appartenance à un groupe spécifique sans chercher nécessairement à détruire ce groupe en tant que tel (§ 553).

 

Ainsi que l’observe la Chambre, la Convention sur le génocide ne protège que les groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux (§ 554). Les travaux préparatoires de cette convention montrent qu’en dressant cette liste de qualificatifs les auteurs de la Convention ne cherchaient pas à énumérer plusieurs catégories de groupes humains mais à décrire à grands traits ce qui correspondait avant la seconde guerre mondiale aux minorités nationales. Il en découle qu’« essayer de différencier chacun des groupes nommés sur la base d’un critère scientifique objectif ne serait pas conforme à l’objet ni au but du traité »[23].

 

Ainsi, comme l’a fait précédemment la Chambre de première instance I dans les affaires Nikolic[24] et Jelisic[25], la Chambre de première instance III utilisera un critère subjectif pour apprécier l’appartenance à un groupe national, racial, religieux ou ethnique : c’est en effet la stigmatisation, par la collectivité, du groupe en tant qu’entité ethnique, raciale ou nationale distincte, qui permettra de déterminer si la population visée constitue, pour les auteurs présumés de l’acte, un groupe ethnique, racial, religieux ou national.

 

En l’espèce, le groupe visé était celui des Bosniaques musulmans de Srebrenica. A cet égard, la Chambre souligne que ce groupe, perçu à l’origine comme un groupe religieux, a été reconnu comme une nation par la Constitution yougoslave de 1963. De plus, les preuves présentées au Tribunal ne laisse aucun doute quant au fait que les hautes autorités politiques bosno-serbes et les forces armées opérant à Srebrenica considéraient les Bosniaques musulmans comme un groupe national spécifique. Les Bosniaques musulmans forment donc un groupe protégé au sens de l’article 4 du Statut et les Bosniaques musulmans de Srebrenica représentent une partie de ce groupe car leur localisation géographique ne saurait en faire un groupe distinct de l’ensemble des Bosniaques musulmans (§§ 559-560).

 

Estimant que les preuves démontrent de façon certaine que les forces bosno-serbes avaient pris pour cible les Bosniaques musulmans vivant à Srebrenica en raison de leur appartenance au groupe des Bosniaques musulmans (§§ 562-568), la Chambre recherche si cette attaque discriminatoire avait pour but, au sens de l’article 4 du Statut du TPIY, de le détruire en tout ou en partie.

 

- Intention de détruire un groupe en tout ou en partie

 

* L’intention de détruire

 

Au vu de tous les éléments de référence cités supra, la Chambre considère que le génocide n’englobe « que les actes commis dans le but de détruire en tout ou en partie un groupe »[26]. L’article 4 du Statut n’exige pas que les actes constitutifs de génocide soient prémédités de longue date : l’intention de détruire un groupe peut devenir le but d’une opération après que celle-ci ait été mise en œuvre. Et la Chambre de première instance III de rappeler que la Chambre d’appel dans l’affaire Jelisic a considéré que l’existence d’un plan n’est pas un élément constitutif du crime de génocide mais peut aider à prouver l’intention des auteurs des actes incriminés[27]. En l’espèce, l’existence d’un plan a été prouvée (§ 572).

 

La Chambre aborde ensuite la question de la forme que doit prendre la destruction du groupe pour être qualifiée de génocide au sens de l’article 4 du Statut. Tout en reconnaissant que la destruction physique du groupe est la méthode la plus évidente, elle suggère que la destruction du groupe pourrait tout aussi bien émaner de l’éradication de sa culture et de son identité afin de provoquer sa disparition en tant que groupe distinct de l’ensemble de la communauté. Toutefois, consciente que cette suggestion ne peut s’appuyer que sur quelques développements juridiques récents[28] (v. §§ 577-579), la Chambre, conformément au principe nullum crimen sine lege, souligne que « le droit international coutumier limite la définition du génocide aux actes visant la destruction physique ou biologique de tout ou partie d’un groupe »[29].

 

Si les attaques contre les seules caractéristiques culturelles ou sociologiques d’un groupe dans le but d’anéantir ces qualités propres au groupe en question ne rentrent pas dans la définition du génocide, la Chambre est cependant d’avis que ces attaques, dans la mesure où elles sont souvent menées parallèlement aux actes de destruction physiques et biologiques « peuvent légitimement être considérées comme des preuves de l’intention de détruire physiquement le groupe »[30].

 

* En partie

 

La Chambre de première instance III a dû ensuite déterminer si les Musulmans bosniaques qui ont été tués, étaient tous des hommes en âge de servir dans l’armée, représentaient une partie suffisamment importante du groupe des Musulmans bosniaques pour que l’intention de les détruire puisse être qualifiée d’intention de détruire un groupe en tout ou en partie au sens de l’article 4 du Statut.

 

Selon la Chambre, l’expression « en tout ou en partie » employée dans la Convention sur le génocide témoigne de l’intention de ses auteurs de réprimer l’intention de détruire un groupe et non seulement sa destruction. Tout acte visant la destruction d’un groupe en tant que tel constitue donc un acte de génocide, que ce groupe soit effectivement détruit ou non (§ 584).

 

Par contre, la Convention ne dit rien sur le contenu de l’intention de détruire un groupe en partie. A cet égard, la Chambre relève dans un premier temps qu’il ressort tant de la doctrine[31], des travaux de la Commission du droit international et de l’Assemblée générale des Nations Unies ainsi que de la jurisprudence des tribunaux pénaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie (§§ 585-588), que l’intention de détruire un groupe en partie doit viser un nombre considérable d’individus[32]. Puis, confirmant ainsi le jugement rendu par la Chambre de première instance I dans l’affaire Jelisic, elle affirme que l’intention de détruire un groupe vivant dans une zone géographique limitée, telle qu’une région ou même un village d’un Etat, peut être qualifiée de génocide (§ 589)[33]. Elle ajoute (§ 634) que les personnes visées par le génocide doivent représenter une partie substantielle, « soit numériquement, soit qualitativement »[34], du groupe auquel elles appartiennent.

 

L’appréciation de la notion d’intention de détruire en partie un groupe est donc largement laissée à la discrétion de la Chambre, discrétion que la Chambre elle-même reconnaît être limitée par l’obligation de statuer en conformité avec l’objet et le but de la Convention sur le génocide (§ 590).

 

Cette limite posée, la Chambre affirme que « vouloir détruire un groupe, même seulement en partie, signifie chercher à détruire une partie distincte du groupe par opposition à la somme des individus isolés qui le composent »[35]. Elle ajoute que bien qu’il ne soit pas exigé que les auteurs d’un génocide cherchent à détruire le groupe protégé par la Convention dans son ensemble, il faut toutefois qu’ils perçoivent la partie du groupe qu’ils souhaitent détruire comme une entité distincte qui doit être éliminée en tant que telle (§ 590).

 

La Chambre a finalement estimé que le meurtre des hommes en âge de servir l’armée appartenant au groupe des Bosniaques musulmans visait à détruire la communauté des Musulmans bosniaques de Srebrenica en tant que telle (§ 594). Il répond par conséquent à la qualification d’intention de détruire en partie un groupe, au sens de l’article 4 du Statut, et doit être sanctionné en tant que crime de génocide (§ 598).

 

 

VII. - Responsabilité de Krstic

 

 

1. - Responsabilité pour les crimes contre l’humanité commis à Potocari

 

La Chambre se livre à un résumé de la jurisprudence des TPI concernant les formes de participation au crime sanctionnées par le Statut. C’est ainsi qu’elle rappelle que[36] :

 

« - la « planification » signifie qu'une ou plusieurs personnes envisagent de programmer la commission d'un crime, aussi bien dans ses phases de préparation que d'exécution[37] ;

- « l’instigation » consiste dans le fait de provoquer autrui à commettre une infraction[38] ;

- « le fait d’ordonner » la commission d’un crime suppose que la personne qui est en position d'autorité en use pour convaincre une autre personne de commettre une infraction[39] ;

- « la commission » couvre la perpétration physique d’un crime ou le fait de provoquer une omission coupable en violation du droit pénal[40] ;

- « le fait d’encourager ou d’aider » une personne à commettre un crime signifie faciliter de façon substantielle la perpétration du crime[41] ; et

- la responsabilité pour « entreprise criminelle collective » est une forme de responsabilité pénale que la Chambre d’appel a estimé implicitement incluse dans l’article 7(1) du Statut. Elle vise la responsabilité individuelle pour la participation à une entreprise criminelle collective dans le but de commettre un crime[42] ».

 

Dans la mesure où le Procureur n’a pas inculpé le général Krstic de l’une de ces formes de responsabilité en particulier, la Chambre estime qu’il lui revient d’exercer ce rôle dans les limites de l’acte d’accusation ainsi que des crimes prouvés devant elle (§ 602).

 

Le Procureur ayant également allégué que la responsabilité de l’accusé devait être évaluée au regard de sa position de supérieur hiérarchique, la Chambre rappelle que trois conditions doivent être réunies pour qu’une personne soit tenue pour responsable des actes d’une autre personne en vertu de l’article 7(3) du Statut du TPIY[43] : l’existence d’une relation de subordination entre ces deux personnes ; le supérieur savait ou avait des raisons de savoir que l’acte criminel était sur le point d’être commis ou avait été commis ; le supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher l’acte criminel ou punir son auteur (§ 604). La Chambre précise que lorsque l’accusé peut être tenu pour responsable d’un crime à titre individuel et en tant que supérieur hiérarchique, il convient d’appliquer l’article 7(1) du Statut sur la responsabilité individuelle[44]. Il en va de même du supérieur susceptible d’être reconnu responsable pour participation à une entreprise criminelle collective du fait du comportement de ses subordonnés (§ 605). Ainsi, bien que l’article 7(3) soit applicable en l’espèce, la Chambre examine la responsabilité de Krstic sous l’angle de l’article 7(1) du Statut.

 

La Chambre se demande dans un premier temps si l’accusé a effectivement participé, au côté du général Mladic et des autres figures de tête du VRS, à l’entreprise criminelle collective visant le « nettoyage » de Srebrenica (§ 610). Pour répondre à cette question, elle vérifie que les éléments matériel et intentionnel de cette incrimination, tels qu’ils ont été définis par la Chambre d’appel dans l’affaire Tadic[45], sont bien réunis.

 

L’élément matériel de la participation à une entreprise criminelle collective est constitué par la réunion de trois conditions : une pluralité d’individus ; l’existence d’un plan commun qui consiste en la commission d’un crime prévu par le Statut ou implique la commission d’un tel crime ; et la participation de l’accusé dans l’exécution de ce plan commun. La Chambre considérant que ces trois conditions étaient remplies en l’espèce (§ 612), elle examine s’il en va de même pour l’élément intentionnel de cette forme de participation criminelle.

 

Conformément à l’arrêt Tadic, la Chambre distingue les crimes commis en exécution du plan commun des crimes sur lesquels les participants à l’entreprise criminelle collective ne s’étaient pas entendus mais qui constituent néanmoins des conséquences naturelles et prévisibles de cette entreprise (§ 613). Le mens rea requis varie donc selon que l’on envisage la responsabilité de l’accusé pour l’une ou l’autre de ces catégories de crimes. Si l’acte incriminé fait partie du plan commun, le Procureur doit alors prouver que l’accusé et la personne qui a personnellement commis le crime étaient pareillement animés par l’état d’esprit prévu par le droit pour ce crime. Si l’acte incriminé dépasse les objectifs de l’entreprise criminelle collective, le Procureur doit seulement prouver que l’accusé avait conscience que ce crime était une conséquence possible de cette entreprise et que, parce qu’il en était conscient, il a participé à cette entreprise[46].

 

De cette analyse en deux temps, la Chambre conclut à la culpabilité du général Krstic en tant que membre d’une entreprise criminelle collective dont l’objectif était d’expulser par la force les femmes, les enfants et les personnes âgées bosniaques musulmans de Potocari et de provoquer une crise humanitaire pour favoriser ce dessein en obligeant les habitants de Srebrenica à fuir à Potocari où les conditions de vie misérables devaient aviver leur sentiment de peur et de panique et finalement leur désir de quitter le territoire. Le général est également reconnu responsable des meurtres, viols, passages à tabac et mauvais traitements survenus en marge de l’exécution de cette entreprise criminelle à Potocari (§ 617). De plus, étant prouvé que l’accusé savait que ces crimes étaient liés à une attaque généralisée ou systématique dirigée contre la population civile des Bosniaques musulmans de Srebrenica et sa participation à ces crimes prouvant incontestablement son intention de discriminer les Bosniaques musulmans, la Chambre le juge coupable de traitements inhumains et de persécution en tant que crimes contre l’humanité (§ 618).

 

2. - Responsabilité pour le meurtre des hommes musulmans bosniaques en âge de servir dans l’armée : génocide

 

La Chambre relève ensuite que le plan de « nettoyage » de Srebrenica s’est durci après l’expulsion des femmes, enfants et personnes âgées de la région et que cette intensification s’est traduite par le meurtre des Bosniaques musulmans de sexe masculin et en âge de servir dans l’armée. La Chambre considère que ces meurtres avaient pour objectif d’amener les Bosniaques musulmans à disparaître à jamais de Srebrenica, et qu’ils sont par conséquent constitutifs de génocide (§ 619). La Chambre doit donc déterminer si le général Krstic était ou non membre de cette entreprise criminelle collective endurcie et s’il est ou non coupable de génocide. Elle doit également analyser les rapports entre les article 7(1) et 4(3) du Statut pour déterminer si le général Krstic est coupable de « génocide » (art. 4(3)) ou de « complicité dans le génocide » (art. 4 (3)(e)) (§ 620).

 

* Participation du général Krstic à l’entreprise collective génocidaire ayant pour but de tuer les hommes musulmans bosniaques en âge de servir dans l’armée

 

Tout d’abord, la Chambre observe que le général Krstic exerçait un contrôle effectif sur les troupes de la Drina sur le territoire où la détention, l’exécution et l’inhumation des Bosniaques musulmans ont eu lieu. Elle note ensuite que le général a participé à toutes les étapes du plan criminel visant à tuer ces hommes (§ 631). Il est donc établi, « au-delà de tout doute raisonnable », qu’il est resté membre de l’entreprise criminelle collective après le durcissement de son action. S’il se peut que l’accusé ne soit pas à l’origine de ce durcissement, il reste qu’à partir du moment où il a eu connaissance des meurtres généralisés et systématiques dont étaient victimes les Bosniaques musulmans et où il a pris part à leur commission, il est réputé avoir eu une intention génocidaire au même titre que les autres participants de cette entreprise criminelle (§ 633).

 

Quant aux supplices endurés par les hommes qui ont survécu aux massacres, la Chambre les qualifie d’actes génocidaires causant des blessures physiques et mentales graves au sens de l’article 4(2)(b) du Statut. Bien que le plan d’origine de l’entreprise criminelle collective à laquelle l’accusé a participé visait la mort effective de ces hommes, les souffrances des survivants apparaissent comme des conséquences naturelles et prévisibles de cette entreprise. Le général devait avoir conscience de cette possibilité et doit donc être également tenu pour responsable de ces crimes (§ 635)

 

Par conséquent, le général Krstic est reconnu responsable des meurtres ainsi que des blessures physiques et mentales graves infligés aux Bosniaques musulmans en tant que co-participant à une entreprise criminelle collective de génocide (§ 636).

 

* Rapports entre les articles 7(1) et 4(3) du Statut du TPIY

 

Sur la question des rapports entre les articles 7(1) et 4(3) du Statut du TPIY, la Chambre rappelle que l’article 7(1) est une disposition générale sur la responsabilité pénale individuelle applicable à tous les crimes prévus par le Statut, tandis que l’article 4(3) n’envisage que la responsabilité individuelle pour le crime de génocide en reprenant in extenso l’article III de la Convention sur le génocide. L’article 4(3) prévoit deux incriminations absentes de l’article 7(1) : l’entente en vue de commettre le génocide (art. 4(3)(b)) et la « tentative de génocide » (art. 4(3)(d)). L’incorporation de cet article au Statut a pour but d’assurer la compétence du Tribunal sur toutes les formes de participation au génocide prohibées par le droit international coutumier. La juxtaposition de ces deux articles a pour conséquence que l’article 4(3) recoupe l’article 7(1) (§ 640).

 

En l’espèce, le Procureur ayant alternativement accusé le général Krstic de génocide et de complicité dans le génocide, le TPIY est pour la première confronté à la question de savoir si la participation à une entreprise criminelle collective prévue à l’article 7(1) correspond au génocide ou à la complicité de génocide en vertu de l’article 4(3) du Statut (§ 641).

 

La Chambre rappelle que dans l’affaire Tadic, la Chambre d’appel s’est référée à la notion d’objectif commun en tant que forme de responsabilité au titre de co-auteur[47]. Toutefois, contrairement à la Chambre de première instance II qui s’est appuyée sur cette affirmation de la Chambre d’appel pour distinguer la « commission » de la « responsabilité pénale pour avoir participé à un but commun »[48], les juges dans l’affaire Krstic ont considéré que la responsabilité d’un membre d’une entreprise génocidaire collective, dont la participation est particulièrement importante et exercée en haut de l’échelle hiérarchique, peut être appréhendée comme la responsabilité d’un co-auteur (§ 642).

 

Pour justifier cette position, la Chambre relève que l’observation faite par la Chambre d’appel dans l’affaire Tadic n’est pas partie du ratio decidendi du jugement qu’elle a rendu et que la Chambre d’appel n’a pas voulu dire que toute participation à une entreprise criminelle collective renvoie automatiquement la responsabilité de l’accusé dans la catégorie de la complicité dans le génocide. La Chambre de première instance III invoque également l’arrêt de la Chambre d’appel rendu dans l’affaire Celebici ainsi que le jugement qu’elle a rendu dans l’affaire Kordic et Cerkez dans lesquels il est affirmé que l’article 7(1) s’applique aux auteurs directs et aux complices (§ 642)[49].

 

La Chambre estime que la responsabilité pour avoir participé à une entreprise criminelle collective est une forme de participation secondaire par opposition à la responsabilité de l’auteur direct et des auteurs principaux. La Chambre est d’avis que cette distinction coïncide avec celle qui est faite entre le génocide et la complicité dans le génocide à l’article 4(3). La question est alors de savoir si dans le cas d’espèce la responsabilité de quelqu’un qui a participé à l’entreprise criminelle correspond plus à celle d’un auteur direct ou à celle d’un complice ayant joué un rôle secondaire (§ 643).

 

En l’espèce, le général Krstic n’a pas conçu le plan ayant abouti au meurtre des Bosniaques musulmans, pas plus qu’il n’a tué personnellement ces hommes. Cependant il a joué un rôle clef dans la coordination de la mise en œuvre du plan, notamment en faisant en sorte que ses subordonnés commettent des meurtres. Aussi la Chambre estime-t-elle devoir considérer l’accusé comme un auteur principal (« principal perpetrator ») de ces crimes et le déclare-t-elle coupable de génocide au titre de l’article 4(2) du Statut (§ 644).

 

3. - Responsabilité pour persécution, extermination en tant que crimes contre l’humanité et pour meurtre en tant que crime contre l’humanité et crime de guerre

 

Du fait de sa participation à l’entreprise criminelle collective consistant à tuer les Bosniaques musulmans en âge de servir dans l’armée, le général Krstic est coupable de meurtres en tant que crimes de guerre. De plus, comme il savait que ces meurtres s’inscrivaient dans une attaque généralisée et systématique contre la population civile bosniaque musulmane, il est également coupable d’extermination et de meurtres en tant que crimes contre l’humanité, le but de l’entreprise criminelle étant de tuer tous les hommes bosniaques musulmans vivant à Srebrenica. Ces meurtres sont également constitutifs d’actes de persécution en raison de la volonté de l’accusé de discriminer la population bosniaque musulmane de Srebrenica (§ 646).

 

 

VIII. - Cumul des condamnations

 

 

Concernant la question du cumul des condamnations, la Chambre rappelle les règles jurisprudentielles posées par la Chambre d’appel dans les affaires Delalic et Jelisic avant d’en faire application au cas d’espèce[50]. Ainsi, réaffirme-t-elle que le cumul des condamnations pour un même comportement n’est possible que lorsque ce comportement tombe sous le coup d’incriminations dont les définitions contiennent un élément permettant de les distinguer les unes des autres. La comparaison des définitions des infractions s’effectue au regard de leurs principaux éléments constitutifs (§ 666). Dans l’hypothèse où le cumul des condamnations n’est pas permis, priorité sera donnée à la condamnation en vertu de l’incrimination la plus spécifique (§ 667).

 

En l’espèce la Chambre complète la jurisprudence du Tribunal en matière de cumul des condamnations :

 

- la condamnation d’un même comportement au titre des articles 3 et 4, d’une part, et 3 et 5, d’autre part, est possible. Sur ce dernier point, la Chambre adopte la position de la Chambre d’appel dans l’affaire Jelisic.

- à l’inverse, le cumul des condamnations sur la base des articles 4 et 5 n’est pas permis. Le génocide étant le crime le plus spécifique, il convient de donner la préférence à cette incrimination (§ 686).

 

Pour donner un reflet fidèle de la jurisprudence du Tribunal en matière de cumul des condamnations, il faut rappeler que le cumul est également impossible quand sont en concurrence les articles 2 et 3 du Statut (affaire Celebici). Dans cette hypothèse, c’est l’article 2 qui prévaut car il est plus précis que l’article 3.

 

 

 

* * *

 

 


NOTES

 

[1] Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac and Zoran Vukovic, IT-96-23T& IT-96-23/1-T, Chambre de première instance II, Jugement, 22 février 2001, § 410.

[2] V. note de bas de page 1119, dans laquelle la Chambre de première instance III renvoie à l’arrêt Akayesu : Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, §§ 501 et 588.

[3] Cette définition semble bien ancrée dans la jurisprudence des Tribunaux pénaux internationaux ; v. Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, 2 septembre 1998, § 589 ; Le Procureur c. Zejnil Delalic et al., IT-96-21-A, Chambre d’appel, Arrêt, 20 février 2001, § 439 ; Le Procureur c. Tihomir  Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, 3 mars 2000, §§ 153, 181 et 217 ; Le Procureur c. Goran Jelisic, IT-95-10-A, Chambre de première instance I, 14 décembre 1999, Jugement, §§ 35 et 63.

[4] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, §§ 591 et 592 ; Le Procureur c. Jean Kambanda, ICTR-97-23-T, Chambre de première instance I, Jugement, 4 septembre 1998 ; Le Procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana, ICTR-95-1-T & ICTR-96-10-T, Chambre de première instance II, Jugement, 21 mai 1999 ; Le Procureur c. Georges Rutaganda, ICTR-96-3-T, Chambre de première instance I, Jugement, 6 décembre 1999 ; Le Procureur c. Alfred Musema, ICTR-96-13-T, Chambre de première instance I, Jugement, 27 janvier 2000.

[5] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 592.

[6] Cet article stipule : « [p]ar “extermination”, on entend notamment le fait d'imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population ».

[7] Report of the International Law Commission on the work of its 48th session, 6 May - 26 July 1996, Official Documents of the United Nations General Assembly’s 51st session, Supplement no. 10 (A/51/10), Article 18, p. 118.

[8] § 503 : “ … the crime of extermination to be established, in addition to the general requirements for a crime against humanity, there must be evidence that a particular population was targeted and that its members were killed or otherwise subjected to conditions of life calculated to bring about the destruction of a numerically significant part of the population ”. Traduction de l’auteur.

[9] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 502.

[10] § 513 : “ … goes beyond temporary unhappiness, embarrassment or humiliation. It must be harm that results in a grave and long-term disadvantage to a person’s ability to lead a normal and constructive life”. Traduction de l’auteur.

[11] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, 2 septembre 1998, § 504.

[12] § 516 : “ … an intentional act or omission, that is an act which, judged objectively, is deliberate and not accidental, which causes serious mental or physical suffering or injury or constitutes a serious attack on human dignity”. Traduction de l’auteur.

[13] Le Procureur c. Zoran Kupreskic et al., IT-95-16, Chambre de première instance II, Jugement, 14 janvier 2000, § 566.

[14] Ibid., § 621.

[15] Ibid., § 605.

[16] Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2, Chambre de première instance III, Jugement, 26 février 2001, § 193.

[17] § 535; la Chambre cite le § 622 du jugement rendu dans l’affaire Kupreskic : Le Procureur c. Zoran Kupreskic et al., IT-95-16, Chambre de première instance II, Jugement, 14 janvier 2000.

[18] Reservations to the Convention on the Prevention and Punishment of Genocide, Advisory Opinion, ICJ Reports (1951), p. 23.

[19] PCNICC/2000/INF/3/Add. 2, 6 Juillet 2000.

[20] § 549 : “ … the need to distinguish between the individual intent of the accused and the intent involved in the conception and commission of the crime. The gravity and the scale of the crime of genocide ordinarily presume that several protagonists were involved in its perpetration. Although the motive of each participant may differ, the objective of the criminal enterprise remains the same. In such cases of joint participation, the intent to destroy, in whole or in part, a group as such must be discernible in the criminal act itself, apart from the intent of particular perpetrators. It is then necessary to establish whether the accused being prosecuted for genocide shared the intention that a genocide be carried out ”. Traduction de l’auteur.

[21] Cette position avait déjà été adoptée par la Chambre de première instance I dans l’affaire Jelisic : Le Procureur c. Goran Jelisic, IT-95-10-A, Chambre de première instance I, 14 décembre 1999, Jugement, § 66.

[22] V. les §§ 551-552 dans lesquels la Chambre de première instance III rappelle la position des parties au procès, celle de l’Assemblée générale des Nations Unies (Résolution 96(1)), de la CIJ (Reservations to the Convention on the Prevention and Punishment of Genocide, Advisory Opinion, ICJ Reports (1951), p. 23), de la Commission du droit international (ILC Draft Code, p. 88) et du TPIR (Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 522 et Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, ICTR-95-1, Chambre de première instance II, Jugement, § 99.

[23] § 556 : “ To attempt to differentiate each of the named groups on the basis of scientifically objective criteria would thus be inconsistent with the object and purpose of the Convention ”. Traduction de l’auteur.

[24] The Prosecutor v. Nikolic, Review of the indictment pursuant to Rule 61, Decision of Trial Chamber I, 20 October 1995, case no. IT-94-2-R61, § 27.

[25] Le Procureur c. Goran Jelisic, IT-95-10-A, Chambre de première instance I, 14 décembre 1999, Jugement, § 70.

[26] § 571 : “ only acts committed with the goal of destroying all or part of a group ”. Traduction de l’auteur.

[27] Le Procureur c. Goran Jelisic, IT-95-10-A, Chambre d’appel, arrêt, 5 juillet 2001, § 48.

[28] La Chambre cite un arrêt de la Cour fédérale constitutionnelle d’Allemagne (2 BvR 1290/99, 12 Décembre 2000, para. (III)(4)(a)(aa)) et une résolution de l4Assemblée générale des Nations Unies (UN Doc. AG/Res/47/121 du 18 Décembre 1992).

[29] § 580: “ customary international law limits the definition of genocide to those acts seeking the physical or biological destruction of all or part of the group ”. Traduction de l’auteur.

[30] § 580 : “ may legitimately be considered as evidence of an intent to physically destroy the group ”. Traduction de l’auteur.

[31] La Chambre se réfère en particulier à trois auteurs : Nehemia Robinson et Pieter Drost (§ 585) et Benjamin Whitaker (§ 587).

[32] V. The Prosecutor v. Radovan Karadzic and Ratko Mladic, Review of the Indictments pursuant to Rule 61 of the Rules of Procedure and Evidence, IT-95-5-R61 and IT-95-18-R61, 11 July 1996, § 97 ; Le Procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana, ICTR-95-1-T & ICTR-96-10-T, Chambre de première instance II, Jugement, 21 mai 1999 ; Le Procureur c. Ignace Bagilishema , ICTR-95-1A-T, Chambre de première instance I, Jugement, 7 juin 2001, § 64.

[33] Le Procureur c. Goran Jelisic, IT-95-10-A, Chambre de première instance I, jugement, 14 décembre 1999, § 83.

[34] § 634: “ either numerically or qualitatively ”. Traduction de l’auteur.

[35] § 590 : “ … the intent to destroy a group, even if only in part, means seeking to destroy a distinct part of the group as opposed to an accumulation of isolated individuals within it ”. Traduction de l’auteur.

[36] § 601 : « The essential findings in the jurisprudence may be briefly summarised as follows :

- “Planning” means that one or more persons design the commission of a crime at both the preparatory and execution phases;

- “Instigating” means prompting another to commit an offence;

- “Ordering” entails a person in a position of authority using that position to convince another to commit an offence;

- “Committing” covers physically perpetrating a crime or engendering a culpable omission in violation of criminal law;

- “Aiding and abetting” means rendering a substantial contribution to the commission of a crime; and

- “Joint criminal enterprise” liability is a form of criminal responsibility which the Appeals Chamber found to be implicitly included in Article 7(1) of the Statute. It entails individual responsibility for participation in a joint criminal enterprise to commit a crime ». Notes de bas de page omises. Traduction de l’auteur.

[37] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu,  ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 480 ; Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, § 279 ; Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2, Chambre de première instance III, Jugement, 26 février 2001, § 386.

[38] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 482 ; Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, § 280 ; Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2, Chambre de première instance III, Jugement, 26 février 2001, § 387. On précisera ici le résumé de la Chambre en signalant que, contrairement à l'incitation, l’instigation n'est punie que si elle a abouti à la commission effective de l'infraction voulue par l'instigateur.

[39] Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 483 ; Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, § 281 ; Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2, Chambre de première instance III, Jugement, 26 février 2001, § 388.

[40] Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 15 juillet 1999, § 188 ; Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac and Zoran Vukovic, IT-96-23T& IT-96-23/1-T, Chambre de première instance II, Jugement, 22 février 2001, § 390.

[41] Le Procureur c. Zlato Aleksovski, IT-95-41/1, Chambre d’appel, Arrêt, 24 mars 2000, §§ 162-164.

[42] Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 15 juillet 1999, §§ 185-229. V. aussi Prosecutor v. Radoslav Brdanin and Momir Talic, Decision on Form of Further Amended Indictment and Prosecution Application to Amend, Case No. IT-99-36-PT, 26 June 2001.

[43] On retrouve ces conditions dans Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, § 294 et Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac and Zoran Vukovic, IT-96-23T& IT-96-23/1-T, Chambre de première instance II, Jugement, 22 février 2001, § 395.

[44] Cette solution avait déjà été adoptée, notamment, dans les affaires Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, 3 mars 2000, § 337 et  Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2, Chambre de première instance III, Jugement, 26 février 2001, § 371.

[45] V. Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 15 juillet 1999, §§ 227 et 228 pour la définition de l’élément matériel et de l’élément psychologique respectivement.

[46] The Prosecutor v. Radoslav Brdanin and Momir Talic , Decision on Form of Further Amended Indictment and Prosecution Application to Amend, Case No. IT-99-36-PT, 26 June 2001, § 43.

[47] Le Procureur c. Dusko Tadic, IT-94-1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 15 juillet 1999, §§ 220-223.

[48] Prosecutor v. Radoslav Brdanin and Momir Talic , Decision on Motion by Momir Talic for Provisional Release, IT-99-36-PT, 28 March 2001, §§ 40-45.

[49] Le Procureur c. Zejnil Delalic et al., IT-96-21-A, Chambre d’appel, Arrêt, 20 février 2001, § 338 ; Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, IT--95-14/2, Chambre de première instance III, Jugement, 26 février 2001, § 388.

[50] Le Procureur c. Zejnil Delalic et al., IT-96-21-A, Chambre d’appel, Arrêt, 20 février 2001, §§ 400 et ss. et Le Procureur c. Goran Jelisic, IT-95-10-A, Chambre d’appel, Arrêt, 5 juillet 2001, § 82.

 


 

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